Dites merci aux joueurs ! Comme une boutade, de loin en loin, Jensen Huang, patron et cofondateur de Nvidia, rappelle que sans les gamers sur PC, il n’y aurait pas de révolution de l’intelligence artificielle – en tout cas pas celle liée au deep learning. Derrière le bon mot, c’est surtout l’occasion pour Nvidia de rappeler que sans ses puces graphiques particulièrement performantes pour faire tourner les algorithmes qui sous-tendent les intelligences artificielles, rien ne serait possible…
La dernière conférence de la société de Santa Clara, la GTC, qui vient de s’achever à San Jose, a été l’occasion de montrer toute l’importance accordée à l’intelligence artificielle et tout le poids que représente cette société, dont les puces sont utilisées par tous les géants du cloud et de l’IA. La GTC a également été l’occasion pour Nvidia d’abattre deux cartes majeures dans un domaine qui touche de près à l’intelligence artificielle : la robotique.
Faciliter la fabrication
La première est pensée pour répondre à une constatation assez évidente : il n’est pas facile de concevoir un robot d’un point de vue matériel, surtout quand on est une petite structure ou un petit laboratoire universitaire. Nvidia a donc dévoilé six plates-formes de référence pour des produits autonomes qui seront proposées à partir de juillet, si tout va bien. Evidemment, dans chacun des cas, ses puces sont mises en avant, en l’occurence Jetson, sa plate-forme embarquée.
On trouve ainsi deux modèles de drones (un grand public et un autre plus industriel), deux modèles de « voitures » type radiocommandées (en deux tailles, une ayant été développée par le MIT), un véhicule aquatique et enfin un robot de secours, développé par Toyota. Une liste relativement courte pour le moment mais devrait s’enrichir. Avec de petits robots humanoïdes ? On nous a laissé entendre que ce n’était pas aberrant d’y penser. D’autant que cela permettrait de toucher à d’autres domaines de l’intelligence artificielle qui ne sont pas abordés avec ces premières plates-formes.
En plus des éléments techniques de référence, Nvidia propose un kit de développement et tout un ensemble d’API. En deux mots, c’est tout un écosystème clé en main qui est mis à disposition des chercheurs. Les projets de création de robots s’en voit simplifié et Nvidia consolide sa position de plus en plus forte dans l’IA en l’étendant à un marché annexe. Chacun semble avoir à y gagner. Pour l’heure, les prix ne sont pas encore arrêtés mais les premiers tarifs non définitifs qu’on nous a confiés tourneraient autour de 2500 dollars pour la mini voiture autonome et plus de 5000 dollars pour le drone professionnel. Le mois de juillet devrait préciser tout cela.
Virtualiser pour gagner du temps
Ce premier plan matériel est donc important, mais n’est finalement pas le plus impressionnant. C’est plutôt la stratégie de Nvidia qui retient l’attention par son potentiel.
L’entreprise a ainsi mis au point un “robot virtuel”, sobrement baptisé Isaac. Comme le précisait Jensen Huang, lors de la keynote d’ouverture de la GTC, cet outil tient son nom de deux Isaac : Newton pour la physique… et Asimov pour les robots.
De fait, ce simulateur, mêlant graphismes 3D et deep learning, se place au point de jonction de l’intelligence artificielle, de la robotique et de la physique . Il justifie son existence en permettant de faire gagner un temps fou sur les phases d’entraînement des robots.
Combien de temps ? Jesse Clayton, responsables des “machines intelligentes” chez Nvidia, n’a pas souhaité nous donner de chiffres précis – pour des raisons assez évidentes au vu de la multitude de scénarios possibles. Il a toutefois précisé qu’un apprentissage qui prend actuellement plusieurs mois ou semaines serait certainement réduit à quelques jours ou heures grâce à Isaac.
Dématérialiser la phase d’apprentissage
Comment ? Plutôt que d’imposer à un chercheur en robotique de passer des heures à superviser un entraînement – ce qui consiste principalement à réinitialiser une situation de départ pour que le robot puisse recommencer jusqu’à réussir systématiquement- Isaac propose de « virtualiser » cette phase d’apprentissage.
Pour arriver à ses fins, Nvidia utilise une version modifiée de l’Unreal Engine 4 (le monde du jeux vidéo, encore lui), améliorée de technologies de rendu et de simulations maison. Grâce à ce moteur, il est ainsi possible de créer une représentation du robot qui évolue dans un monde virtuel lui aussi mais identique au nôtre. C’est dans ce dernier qu’on va simuler le comportement du robot et mettre à rude épreuve son intelligence artificielle, en le soumettant aux mêmes lois physiques que notre bonne vieille Terre.
Ainsi, le robot répète ses phases d’entraînement – pousser une balle vers un petit but, par exemple – dans un univers purement numérique, où gravité, inertie et vitesse sont identiques à celles qu’on connaît au quotidien. Il répète l’exercice jusqu’à ce qu’il soit prêt à sauter le pas et à se mettre au travail dans la vraie vie. Et comme tout est numérique, il est possible d’accélérer le temps pour multiplier les tentatives.
Croissez et multipliez
Mieux encore, il est évidemment possible de démultiplier les robots « virtuels » pour accélérer le processus d’apprentissage. Puis de sélectionner à chaque phase le plus performant, pour le dupliquer à nouveau, le faire progresser et ainsi de suite. La progression est exponentielle.
Désormais dans un univers virtuel, le robot peut apprendre plus vite et ne met pas en péril des humains au début de son apprentissage quand il est susceptible faire n’importe quoi. Il est même possible de réaliser des tests d’apprentissage avec la version virtuelle du robot alors que la version physique travaille à autre chose. On déploie enfin l’intelligence artificielle améliorée dans le vrai robot, une fois que les résultats sont satisfaisants.
Pour lier les deux pans de la stratégie dévoilée en ce 10 mai 2017, des représentants de Nvidia nous ont laissé entendre qu’il y aurait des passerelles entre les plates-formes de référence et Isaac. Ainsi, une université qui achèterait une petite voiture autonome pourrait se voir fournir tout l’ensemble de données nécessaires à des simulations précises dans Isaac.
Avec cette plate-forme, Nvidia tire évidemment parti de tout son savoir-faire en termes d’intelligence artificielle, de conception de puces et évidemment de rendus réalistes tirés de son travail dans le monde des jeux vidéo. De quoi légitimement penser que Nvidia peut lui aussi remercier les joueurs…
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