“ Dans l’univers d’Internet, plus qu’ailleurs, on a le nez dans le guidon et on ne voit plus rien. ” Le cri du c?”ur d’Antoine Bloch, le PDG fondateur de la société Oraos.com, un site dédié à l’art et la culture, devrait faire réfléchir plus d’un patron de start-up ! Comme bon nombre de jeunes pousses de son secteur, il s’apprête à mettre la clé sous la porte. Son cas est emblématique. En février 2000, il réussit une première levée de 690 000 euros (4,5 millions de francs). Mais la seconde a été deux fois moindre que ce qu’il espérait (1,5 million d’euros). Résultat : malgré des tentatives de rapprochement avec des concurrents, il licencie 70 % de son personnel. Un cas révélateur du malaise général.
Culture du risque
” Les crises prennent une ampleur énorme dans les start-up, affirme Christophe Ginisty, directeur général de l’agence de relations publiques Rumeur publique. A l’inverse des sociétés plus établies, elles n’ont pas intégré la culture du risque dans leur management et les fondateurs, qui s’identifient totalement à leur entreprise, vivent cela comme un drame. “La plupart des échecs découlent pourtant d’erreurs stratégiques. Cas classique, le modèle d’affaires qui ne tient pas la route. ” Confrontées à de gros problèmes de trésorerie, les start-up n’ont souvent pas les moyens de se doter d’un directeur administratif et financier “, précise Olivier Pichot, directeur de la société de conseil éponyme. Mais les difficultés ne s’arrêtent pas là : ” Tous les patrons de start-up n’ont pas les aptitudes pour manager une équipe, ajoute-t-il. Du coup, ils cumulent les erreurs et anticipent rarement. ” Géraldine Lamamy, d’Avila consulting, confirme : ” La dégradation de la situation d’une start-up se réalise rarement de façon brutale et imprévue. On ne fait pas du chiffre d’affaires du jour au lendemain, il faut savoir s’arrêter avant qu’il y ait de la casse. “Or, les managers sont d’abord tentés de trouver des solutions par eux-mêmes et ils ont tendance à étouffer les problèmes. Le facteur affectif, omniprésent dans les jeunes pousses, vient alors tout compliquer. Car comment faire pour licencier un ami incompétent ? Plus grave encore, le mépris à l’égard du droit du travail se révèle une arme à double tranchant. Comme le souligne Me Nada Serra Abouzeid, “ la plupart de mes clients arrivent chez moi trop tard, avec une situation sociale en déliquescence et une trésorerie à zéro alors qu’ils ne devraient pas attendre la cessation de paiement pour réagir “. Selon l’avocate, les fautes commises par ces apprentis dirigeants ne manquent pas : “Ils pompent les actifs de la boîte pour rembourser leur compte courant, négligent les charges salariales, ne versent plus les salaires…”
Apprendre à communiquer
Gérer une situation de crise ne peut pourtant pas s’improviser. Au contraire. Parmi les règles qui s’imposent, il faut bien sûr repérer les causes profondes du conflit, mais aussi, et surtout, apprendre à communiquer auprès des salariés. Quitte parfois à résister aux pressions. Stéphanie C. était directrice éditoriale d’un site d’informations dédié aux familles lorsque, au cours d’un comité de direction, les dirigeants ont exigé qu’elle garde le silence sur la fermeture du site. Devant son refus catégorique, ils l’ont menacée de licenciement pour faute grave ! Alors, elle a ” rusé “, et mis dans la confidence son équipe, laquelle a crevé l’abcès d’elle-même avant que la situation ne devienne explosive.Face à des difficultés financières, la solution passe aussi, souvent, par une réduction des dépenses. “ Il faut faire du chiffre d’affaires une priorité et se concentrer sur le développement de produits et le démarchage de clients, explique Philippe Hayat, directeur de l’incubateur Kangaroo. Les start-up peuvent couper dans les budgets de communication, de développement international et les effectifs. ” Des mesures qui vont de pair avec des changements dans l’organisation. Après avoir constaté une centaine de milliers d’euros dépensés en cinq mois, le cabinet Avila a suggéré à un site B-to-C de créer un poste, plutôt que de dilapider inutilement ses ressources. Enfin, l’une des clés de la réussite est encore de maintenir le moral des troupes. En clair, les impliquer au maximum en nommant par exemple un porte-parole au sein de l’entreprise et en organisant des groupes de travail. La recette est peut-être brick and mortar (ancienne économie), elle n’en est pas moins efficace !
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