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Comment les médecins s’entraînent sur nos avatars

Le CHU de Saint-Étienne abrite un centre d’ingénierie dédié à la santé. Chercheurs et médecins allient leurs forces pour, demain, améliorer l’hôpital grâce aux technologies. Immersion dans la médecine du futur. 

« C’est parfaitement reproductible sur l’homme ! ». Jéremie Pourchez, chercheur à l’école des Mines de Saint-Étienne, s’enthousiasme devant une machine un peu particulière. Mi-plastique mi-animale, c’est une espèce d’avatar humain composé d’un visage imprimé en 3D et de véritables poumons… de porc, le tout raccroché à un simulateur respiratoire. Un cobaye idéal pour tester de nouveaux médicaments contre les infections pulmonaires sans aucun risque. Le scientifique se penche sur ce drôle de malade et lui administre un traitement par aérosol. D’un geste de la main, il étudie la trajectoire des particules dans les organes. Par cette expérimentation, le chercheur a pour objectif déterminer quel remède est le plus efficace. Pour ensuite guérir de manière optimale de vrais patients. 

Le « jumeau numérique », le futur de la médecine ?

Utiliser ces jumeaux numériques, c’est le leitmotiv de « FutureMedecine », dernière unité de recherche née au sein du centre hospitalier de Saint-Étienne. Inaugurée mi-juin, la plate-forme dédiée au numérique se greffe au Centre d’ingénierie santé, constitué par l’école Les Mines et le Centre hospitalier universitaire (CHU) depuis 2004. Fruit d’un partenariat public-privé, la nouvelle entité a été financée en majorité par le conseil départemental. Cette collaboration universitaire inédite en France a pour but d’aider la médecine par le biais des nouveaux outils technologiques. Ici, on reproduit le corps en utilisant toutes les technologies : un simulateur chirurgical et l’impression 3D, la réalité virtuelle (VR) ou encore l’intelligence artificielle (IA).

FutureMedecine – Baptiste Pierrat, ingénieur des Mines, est chargé du développement de la modélisation 3D du simulateur chirurgical en collaboration avec le CHU stéphanois.

La pluridisciplinarité est l’une des particularités de l’unité : FutureMedecine rassemble environ 80 personnes, que ce soit du personnel médical, des étudiants, des doctorants, des ingénieurs et même des industriels associés aux projets. Son ambition ? Devenir un hub de la « médecine du futur ».

Un simulateur chirurgical en 3D… en gestation

Jean-Noël Albertini, chirurgien cardiaque au CHU stéphanois, a su saisir l’opportunité que représente cette entité de recherche. Professeur depuis plus de vingt ans à l’hôpital, il opère quotidiennement des anévrismes de l’aorte. Même s’il connaît le chemin vers l’artère par cœur, le chirurgien est assisté d’une machine qui radiographie l’intérieur du patient. Mais cette vision augmentée demeure toutefois imparfaite.

Pour y remédier, Jean-Noël Albertini a créé en 2017 une start-up baptisée PrediSurge, qui développe un « mode triche », comme il l’aime à l’appeler, sur cet outil. Au sein de FutureMedecine, il travaille avec Baptiste Pierrat, ingénieur des Mines, à une extension pour son logiciel de simulation permettant de visualiser en 3D et en simultané l’aorte du patient pendant l’opération.

En amont, la modélisation aiderait aussi à la conception d’un stent, une endoprothèse vasculaire personnalisée selon la morphologie du malade. Avec ce nouvel outil, les médecins gagneraient en précision et surtout en temps. Selon le chirurgien, un accord aurait déjà été trouvé avec des entreprises spécialisées de la région pour un futur développement industriel. 

Marion Simon-Rainaud – 3D or not 3D ? Ce visage imprimé en 3D permet de soigner les infections pulmonaires grâce aux tests de traitement en aérosol à Saint-Étienne.

Maintenant, revenons à nos poumons. Au troisième étage de l’unité, les équipes de Jérémie Pourchez testent leurs toutes sortes d’aérosols sur leur étrange cobaye. 

Le dispositif est très artisanal. L’expérimentation, elle, plus sophistiquée. Ils infectent les poumons sains, administrent le traitement, analysent où se déposent les particules du médicament, notent les conclusions, et recommencent jusqu’à avoir l’aérosol idéal pour soigner de véritables patients. Là encore, le « jumeau numérique » sert la médecine. 

Mais l’opération ne s’arrête pas là. C’est l’originalité de FutureMedecine, qui associe des industriels de la région aux expérimentations des chercheurs. Après les phases de test, l’enjeu est de développer le produit à une échelle industrielle, et à bas prix. Une plus-value mise en avant par l’administration du site face à l’hégémonie des laboratoires sur le marché du médicament. 

Autre module, autre ambiance. Au rez-de-chaussée, Laurent Navarro, enseignant-chercheur spécialisé en surface et tissus biologiques, chapeaute le « LabIA ». Dans ce laboratoire, les travaux se focalisent sur le cerveau. L’IA développée ici permet de récréer les connexions cérébrales pour les patients atteints de la maladie de Charcot.

À l’aide d’un bonnet recouvert de capteurs, l’utilisateur agit par la pensée. Lettre par lettre, l’ordinateur interprète les signaux neurologiques et écrit le mot ou la phrase à laquelle pense le patient. La technologie n’est pas nouvelle, les moyens sont modestes, mais les résultats probants. De la tête aux poumons, en passant par l’aorte, les  « jumeaux numériques » de FutureMedecine pallient les déficiences des malades, mais aussi des médecins. 

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Marion SIMON-RAINAUD