“ Bonjour à tous, je suis très heureux de lancer aujourd’hui mon compte #Twitter. Merci à ceux qui voudront bien me suivre ! ? NS ”. Ce 15 février 2012, le réseau de micro-blogging Twitter fait la une de l’actualité. Nicolas Sarkozy, président de la République, poste son premier tweet et, dans un autre mini-message, informe de sa venue au 20 h de TF1 pour y annoncer sa candidature à l’élection présidentielle. Le Web 2.0 ? vocable sous lequel sont rangés notamment Twitter, Facebook, Tumblr, Instagram ? s’affiche clairement comme une nouvelle brique de la communication politique.Pour cette présidentielle, les candidats disposent donc des réseaux sociaux. Les candidats… ou plutôt leurs équipes Web. Rares sont ceux à les “ pratiquer ” par eux-mêmes. En la matière, “ il n’existe pas de candidat qui se distingue ”, assure Benoît Thieulin, chef d’orchestre de la campagne de Ségolène Royal en 2007 et directeur associé de La Netscouade, une agence Internet. Il n’y a aucun accro déclaré aux nouvelles technologies, comme le sont le Premier ministre anglais David Cameron en Angleterre ou Barack Obama aux États-Unis, technophile reconnu.Ce serait “ une affaire de génération ” selon Benoît Thieulin. Allusion à Nathalie Kosciusko-Morizet, Benoît Hamon, Cécile Duflot… qui twittent et répondent quasi quotidiennement aux twittos ? les adeptes du service ? depuis des années. Il s’agirait plutôt d’une question d’emploi du temps pour Alban Fischer qui coordonne la campagne Web du Front de Gauche : “ Jean-Luc Mélenchon passe déjà beaucoup de temps à peaufiner ses discours, son blog… ” Matthieu Lamarre, son homologue du MoDem, acquiesce : “ En période électorale, c’est la course. Les candidats n’ont pas toujours le temps… ”De fait, la pratique qui prévaut, assumée par les candidats, est de confier leur compte Twitter à un autre. Le fil de François Hollande (186 000 abonnés) est alimenté par une collaboratrice, Ariane Vincent, tout comme celui d’Éva Joly, la candidate d’Europe Écologie-Les Verts. Même chose ou presque chez Nicolas Sarkozy où seuls les tweets signés NS sont vraiment dictés par lui. Chez François Bayrou, candidat du MoDem, les initiales CM indiquent que le mini-message est l’œuvre d’un community manager (personne en charge de gérer les abonnés sur les réseaux sociaux). Du côté du Front de Gauche, on explique qu’il n’existe pas de compte de Jean-Luc Mélenchon, mais seulement un compte de campagne.Malgré la coloration Web 2.0 de cette campagne, rares sont les occasions de pouvoir dialoguer directement avec les candidats, hors quelques rendez-vous extrêmement bien balisés comme ces quelques tweets-interviews. Une pratique appréciée notamment par François Bayrou. “ Le premier homme politique français à en avoir réalisé une ”, dixit Matthieu Lamarre. C’était en mars 2011, avec 4 000 questions postées en une heure, et 60 réponses apportées par le candidat lui-même. Le reste l’étant par son équipe Web.
“ Facebook, c’est deux prime time de TF1 tous les jours ! ”
Les réseaux sociaux pour les candidats apparaissent aujourd’hui plus comme un passage obligé que comme une véritable conversion. Avec plus de 25 millions d’utilisateurs en France pour Facebook et 5,2 millions pour Twitter, impossible en effet pour eux de ne pas y être actifs. Une puissance de feu que résume à sa façon Manuel Diaz, chef d’orchestre de la webcampagne de l’UMP : “ Facebook, c’est pour un homme politique deux prime time de TF1 tous les jours ! ” Mais en pratique, à quoi servent vraiment les réseaux sociaux et les nouvelles technologies dans le cadre de l’élection présidentielle ? d’abord à présenter le candidat sous son meilleur jour ! ce rôle est dévolu au traditionnel site vitrine et à la page Facebook, qui agrègent l’ensemble des contenus : parcours personnel, agenda, retransmission en live des meetings, interventions radio ou TV postées sur dailymotion, etc. ces contenus de plus en plus “ originaux ” sont produits par les équipes Web des candidats : photos des coulisses, vidéos des à-côtés qui serviront également à abreuver en images les chaînes infos, infographies, fact-checking (voir encadré p. 62) ou sondage en ligne chez hollande, webséries chez Mélenchon…
Une panoplie d’outils.
Ces équipes n’hésitent pas à se servir de toute la panoplie d’outils que fournit internet aujourd’hui, tels que Foursquare (géolocalisation) pour suivre les déplacements du candidat, Tumblr (micro-blogging) pour découvrir les coulisses de la campagne, par exemple chez François Hollande, Instagram (réseau social de photos) chez Nicolas Sarkozy, ou Storify (narration d’histoires) chez François Bayrou. Sans oublier les applications pour smartphones, à l’image de celles de François Bayrou ou de Marine Le Pen, ou l’application Web placeaupeuple.mobi du Front de Gauche.De fait, les équipes Web s’étoffent. comptez environ 35 personnes au total et 2 millions d’euros de budget au PS et à l’UMP, 12 personnes et un budget compris entre 550 000 euros et 700 000 euros au Modem, une dizaine de personnes et 100 000 euros au Front de Gauche… des équipes qui incluent désormais des graphistes, des développeurs, des community managers, mais aussi des photographes, des journalistes-reporters d’images…Toute cette activité en ligne n’est pas qu’une question d’image. Elle sert aussi à mobiliser les troupes, à l’instar de ce qu’avait réalisé Barack Obama lors de l’élection présidentielle américaine de 2008. “ Le Web 2.0 sait rendre ludique et pédagogique le militantisme ”, explique Alban Fischer. Les conseillers Web d’Obama ont rendu visite à l’équipe hollande. résultat : la plate-forme toushollande.fr invite les sympathisants à devenir acteurs de la campagne et à multiplier les actions sur les réseaux sociaux et sur le terrain. Une invitation au buzz permanent que l’on retrouve aussi sur Bayrou.fr où vous devrez accumuler les “ dB ” afin de faire un maximum de bruit pour le candidat. Plus prosaïque, le Front de Gauche se sert des réseaux sociaux afin de coordonner le remplissage des bus pour les meetings…
Une campagne malgré tout conventionnelle
Alors, que penser de cette webcampagne ? Christophe Ginisty, fin observateur d’internet, qui suit l’influence des candidats sur Twitter, se montre assez sévère sur la question : “ C’est bien de nous inviter à dialoguer, à participer grâce au Web 2.0. Mais où sont les candidats ? Le Web social, ce n’est pas qu’une check-list de services estampillés 2.0. C’est d’abord une affaire de comportement, de pratique personnelle, de liberté de ton… et là, on n’y est pas ! ”Un point de vue partagé par Édouard Fillias et Bruno Fuchs de l’agence image & Stratégie, qui publient le baromètre de l’e-réputation des candidats (http://barometre.image-strategie.com). Une campagne qu’ils jugent un peu trop conventionnelle. et d’en imaginer une autre, à voix haute : “ Un politique annonçant sa candidature à la présidentielle sur Twitter ou Facebook, et qui viendrait la commenter au JT, ça, ça serait vraiment nouveau ! ”
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