Quand ils créent leur première start-up, en 1993, Luc Lussier et Marie-Josée Bégin font figure de pionniers à Ottawa. A l’époque, la capitale du Canada n’est encore qu’une ville de fonctionnaires. Rien à voir, ou presque, avec l’agglomération de 800 000 habitants, où ce couple vient de lancer sa deuxième entreprise, Lumic Electronics. “En dix ans, tout s’est accéléré ici”, se félicite Luc.Ce constat, c’est celui d’une région en plein boom, qui revendique le nom de Silicon Valley du Nord. Un taux de croissance supérieur à 6 %, un millier d’entreprises où travaille près du quart de la population active : en l’an 2000, le secteur de la haute technologie est devenu le premier employeur de la ville, devant le gouvernement fédéral. Tout un symbole. Autre record : les levées de fonds. Les jeunes pousses du cru ont attiré l’an dernier plus d’un milliard de dollars canadiens (4,70 milliards de francs) d’investissements. C’est dix fois plus qu’en 1997. “Je ne dirais pas qu’il est facile d’aller chercher de l’argent, explique Luc Lussier. Mais les investisseurs ont confiance et ne réclament pas des résultats dans les six mois. Ottawa est sur la carte, désormais…”Lumic Electronics fait dans le traitement et la compression d’images. Un an et demi après sa création, elle emploie environ 50 personnes, pour partie issues des grandes compagnies voisines. Car la naissance et l’essor de grands groupes dans les années 1970 et 1980, expliquent en partie l’engouement régional. C’est notamment le cas de Nortel Networks et JDS Uniphase, qui ont fait le pari de la fibre optique pour devenir aujourd’hui les leaders mondiaux du secteur. Les deux géants comptent 25 000 salariés à Ottawa (*), et leur présence a attiré d’autres acteurs importants, comme Nokia ou Alcatel. Tous se félicitent de la main d’?”uvre extrêmement qualifiée. Tous ne jurent plus que par internet à haut débit.Michael Cowpland, auquel on attribue généralement la création de cette Silicon Valley du nord, ne s’y trompe pas. Il a fallu quelques années au président de Corel, ce fleuron de l’industrie canadienne de l’informatique, pour réaliser qu’il ne serait jamais Bill Gates. Mais depuis peu, il a pris, à son tour, le virage du sans-fil en devenant le patron de Zim Technologies, une start-up spécialisée dans la téléphonie. “Dans moins de cinq ans, prédit-il, il y aura sur le marché un milliard de téléphones permettant l’accès à internet.”Cet essor économique n’est pas sans conséquences pour Ottawa. La ville connaît une crise inédite du logement, et la circulation automobile n’est plus aussi fluide qu’auparavant. Mais, surtout, la ville change en profondeur : elle rajeunit, avec l’installation de salariés de moins de trente ans très bien payés, de plus en plus souvent en stock-options. Et elle se modernise : les deux tiers des habitants ont accès à internet à domicile ; près de 10 000 personnes travaillent à partir de chez elles. La municipalité, elle, vient de lancer un portail truffé d’information pratiques. En 2001, Ottawa pourrait souffrir du ralentissement de l’activité aux Etats-Unis. Mais le secteur high-tech a déjà trouvé un allié de poids : le gouvernement, qui a décidé de baisser de 10 % l’impôt sur les sociétés de cette nouvelle et très porteuse économie.(*) Nortel vient d’annoncer le licenciement de 10 000 personnes à l’échelle mondiale. Mais les salariés dOttawa ne seraient pas concernés.
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