Imaginez-vous dans quelques années à bord d’une voiture autonome. Un véhicule se trouve en panne sur le bord de la route à quelques kilomètres de vous mais vos capteurs ont une portée limitée et ne peuvent le détecter de loin. Grâce à la 5G, il signalera son arrêt au réseau qui communiquera aussitôt l’événement aux autres véhicules en approche dont le vôtre. Ce qui évitera une manœuvre toujours risquée de dernière minute.
La voiture autonome ne sera pas dépendante de la 5G
C’est un cas de figure que nous avons pu expérimenter dans des conditions réelles du côté de Sarrebruck cette semaine, même si la voiture dans laquelle nous nous trouvions n’était pas autonome, mais simplement connectée. Une sorte de Waze 100 % automatisé et un avant-goût de ce que la 5G pourrait apporter dans le futur à l’automobile.
La voiture autonome, c’était immanquablement l’usage que tout le monde citait concernant la 5G avant son lancement. Au point qu’on aurait pu croire que le standard de téléphonie mobile lui serait indispensable pour fonctionner. Ce n’est pourtant pas le cas. La voiture autonome ne sera heureusement pas dépendante de la 5G. Pour des raisons de sécurité, elle devra compter avant tout sur ses capteurs et son système de navigation. Mais la 5G devrait lui apporter tout de même un sacré plus.
5G CroCo: un projet européen
C’est pour explorer ces possibilités que le projet 5GCroCo (Cross-Border Control) a été lancé par la Commission européenne fin 2018. Il a réuni 24 partenaires de 7 pays pour un budget de 17 millions d’euros. L’idée était de conduire des expérimentations transfrontalières entre le Luxembourg, l’Allemagne et la France et de s’assurer de l’interopérabilité des réseaux et des véhicules avec plusieurs opérateurs et équipementiers télécoms (Post, Deutsche Telecom, Orange, Ericsson, Nokia, Huawei) et différents constructeurs et équipementiers automobiles (Bosch, Volkswagen, Volvo, Renault, Stellantis).
Avant que 5GCroCo ne s’achève dans les jours qui viennent, nous avons donc pu assister cette semaine à des démonstrations à la frontière franco-allemande, entre Sarrebruck et Forbach.
Rendre la route plus sûre
« La 5G peut étendre la perception du véhicule et rendre la route plus sûre », a assuré Michaël Trabbia, le directeur de la technologie et de l’innovation d’Orange, lors d’une conférence de presse.
Dans le cadre du projet 5GCroCo, l’opérateur s’est concentré sur le cas d’usage dit ACCA (Anticipated Cooperative Collision Avoidance). Comme évoqué au début de l’article, l’objectif est de compléter les informations détectées directement par le véhicule dans certaines situations de danger.
Outre le cas de la voiture à l’arrêt sur le bord de la route, nous avons pu observer des simulations d’embouteillage. Le principe reste le même : chaque véhicule signale automatiquement au réseau 5G qu’il stationne. Cela remonte jusqu’à un data center de proximité sans avoir besoin d’aller jusqu’au cœur de réseau pour moins de latence. Et des algorithmes vont en déduire qu’il y a un embouteillage puisque plusieurs voitures stationnent au même endroit.
Quand les volants auront disparu des véhicules
La 5G pourrait aussi permettre de conduire des véhicules à distance. C’est ce qu’on appelle le ToD (Tele-operated Driving). Nous avons vu évoluer sur un parking de Sarrebruck des voitures pilotées en 5G par un opérateur situé à Schengen au Luxembourg. Ce dernier disposait de plusieurs écrans représentant la vue des caméras embarquées. Il manipulait aussi un volant et des pédales actionnant leur équivalent dans les véhicules sur place. Dans un cas, il s’agissait d’une voiture directement conduite à distance, dans l’autre d’un pilotage indirect où le pilote indique simplement des points de trajectoire à suivre.
Quelles seraient les applications ? « Nous pensons qu’il y aura des situations où les rues se retrouveront bloquées ou avec des problèmes de circulation et qu’il faudra alors recourir temporairement à l’aide d’un opérateur humain pour trouver une issue », nous indique Franck Diermeyer, de l’Université Technique de Munich (TUM) impliquée dans l’expérimentation.
Mais pourquoi dans ce cas ne pas miser sur une reprise en mains manuelle des passagers ? « Peut-être qu’à l’avenir, les gens ne passeront plus le permis de conduire ou qu’ils ne seront pas forcément capables au bon moment de reprendre le volant », répond-il. « On peut aussi imaginer que le volant finira par disparaître ou qu’il n’y ait tout simplement pas de passager à bord entre deux courses de taxi autonome, par exemple », avance Tobias Müller de chez Bosch. « Nous réfléchissons aussi à des applications pour les centres de fret ou encore pour garer les véhicules sur des places de stationnement », complète-t-il.
Les premières voitures connectées en 5G pour 2024 ?
Précisons qu’il n’est pour le moment question pour la 5G que d’assurer les communications allant du véhicule au réseau et inversement. La technologie qui servira les véhicules entre eux ou entre le véhicule et l’infrastructure routière n’est pas encore arrêtée. Cela reste malgré tout un gros morceau, d’autant plus que la 5G n’attendra pas la voiture autonome pour proposer ses services.
L’idée est de proposer progressivement de nouveaux usages dès que cela sera possible. « En échange des fréquences, les opérateurs français se sont engagés à couvrir 16 000 km d’autoroutes en 5G d’ici à 2025 et 55 000 de routes nationales d’ici à 2027 », nous rappelle Arnaud Vamparys, responsable des réseaux mobiles du groupe Orange. « Il faut que nous soyons prêt pour cette échéance ».
Du côté des constructeurs automobiles, c’est aussi l’effervescence. Chez Stellantis, la nouvelle entité issue du rapprochement entre PSA et Fiat Chrysler, on promet les premières voitures connectées en 5G pour très bientôt. « Nous préparons un système de divertissement et de connectivité fonctionnant avec la 5G qui sortira en 2024 », nous indique Laurent Dizambourg, chef de projet innovation chez Stellantis.
Car on ne pourra pas connecter après coup un ancien modèle. Il faut que les véhicules soient équipés dès leur conception d’antennes 5G sur le toit et d’une sorte de routeur intégré en-dessous. Les voitures neuves qui sortiront des usines à partir de 2024 seront loin d’être toutes connectées en 5G. Il est probable que les véhicules haut de gamme soient d’abord ciblés.
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