Sébastien Liénart est agriculteur à Puiseux-le-Hauberger, une commune de 844 habitants du département de l’Oise, au sud de Beauvais. Sa ferme et sa maison sont couvertes depuis plus d’un an en FttH, la Rolls de la fibre qui va jusque chez l’abonné.
Comme lui, tous les habitants des campagnes de l’Oise seront éligibles à la fibre optique d’ici la fin de l’année et pourront demander à être raccordés sans rien débourser, même si leur habitation est isolée. L’Oise va ainsi devenir le premier territoire rural totalement fibré d’Europe.
« Je suis mieux connecté que dans certaines villes »
La fibre optique satisfait les besoins en connectivité de Sébastien. Consultation de la météo, utilisation d’un logiciel de suivi des parcelles, vidéosurveillance, applications constructeurs comme celle de Michelin pour la pression des pneumatiques… les usages de l’agriculteur sont en hausse. « Je vais aussi investir dans une machine automatique pour trier les asperges. Si j’ai un problème, la maintenance et l’assistance pourront se faire à distance grâce à la fibre optique », nous explique-t-il. Sa famille ne boude pas non plus son plaisir d’accéder désormais au service de streaming vidéo Netflix. « Aujourd’hui, je pense que je suis mieux connecté que dans certaines villes », conclut-il.
« La fibre peut attirer des entreprises et des habitants »
Plus à l’Ouest du département, à Trie-Château, le maire délégué Laurent Desmeliers assiste, impatient, aux derniers réglages du réseau avant sa commercialisation auprès de ses 1900 administrés.
« Beaucoup de nos habitants travaillent sur Paris dans des grosses sociétés où le télétravail est monnaie courante. Pour cela, il faut du débit et donc de la fibre », affirme-t-il. « Et puis, cela pourrait attirer des entreprises, des artisans, et même des habitants », ajoute-t-il, convaincu que la connectivité est un critère qui compte autant maintenant pour s’installer que la proximité des écoles. Il se réjouit aussi d’en profiter pour les besoins de la mairie et pense gagner du temps à l’avenir dans les tâches administratives.
Un programme lancé en 2013
L’exemplarité de l’Oise étonne de prime abord. Car les zones rurales ne sont pas vraiment le terrain de prédilection des opérateurs privés. Le coût d’investissement par prise y coûte plus cher et rapporte moins d’argent. Cette success story ne doit donc rien au hasard : c’est le département qui a décidé de créer un réseau d’initiative public, un RIP dans le jargon télécom.
Le réseau de fibre optique appartient à la collectivité et a été subventionné par l’Etat, le département, la région, le conseil départemental et l’Europe. Le Syndicat Mixte Oise Très Haut Débit (SMOTHD) gère le programme lancé en 2013. Le système fonctionne par plaques et n’englobe pas les zones plus denses comme Beauvais, Creil, Compiègne ou Senlis. Seules les communes rurales ont été retenues. Il a donc fallu gérer un programme industriel sur un territoire morcelé et disparate.
« C’est plus long de construire un réseau de fibre optique en zone rurale et c’est aussi plus cher »
Après un appel d’offres, les travaux ont été confiés au groupement de sociétés Axione, Bouygues Energies et Services, ainsi que Sobeca. Mais c’est une filiale de SFR* qui va assurer la commercialisation, la maintenance et l’exploitation du réseau. La sérénité est de mise car le programme va être bouclé avec quatre ans d’avance. Le dernier NRO (Nœud de Raccordement Optique) a été inauguré au mois de septembre dernier et l’ultime point de mutualisation sera raccordé début 2020. On peut malgré tout croiser encore sur le terrain des équipes à la manoeuvre. Loïc Dupont, directeur de projet FttH chez Axione, a piloté le chantier Oise THD. Il vient peaufiner les derniers détails avant les livraisons. Parfois, les tests de débit ne sont pas concluants et il faut refaire quelques soudures.
« C’est plus long de construire un réseau de fibre optique en zone rurale mais pas forcément à cause du déploiement. Ce sont les études qui sont les plus compliquées : il faut aller relever l’ensemble des infrastructures dans tout le département », nous précise Loïc Dupont. Le choix a été fait de déployer pour moitié en aérien et pour l’autre en utilisant les passages souterrains déjà existants. « C’est aussi plus cher puisqu’il y a plus de câbles de fibre optique à tirer pour raccorder des habitations avec un grand étalement et sur des lieux très variés. La puissance publique est un élément crucial pour déclencher ce type de projet », estime-t-il. L’Oise avait pour avantage de ne pas présenter de géographie accidentée, une densité de population relativement élevée dans les zones rurales et peu de fermes totalement isolées. Un territoire rural plus facile à fibrer en totalité que la Creuse ou la Haute Savoie.
« Il ne doit pas y avoir de différence entre les habitants »
10 000 km de fibre et 300 000 prises dans 643 communes auront été déployés pour un coût de 300 millions d’euros. Une participation a également été sollicitée auprès des intercommunalités pour financer le raccordement jusqu’à l’abonné à hauteur de 370 euros par prise. Au final, le coût moyen de la prise a été évalué à 1200 euros par habitant. « Certes, cela coûte cher. Mais au moins on peut se dire qu’il n’y a pas de différence entre les habitants quel que soit l’endroit où ils se trouvent », s’enthousiasme Charles Locquet, président de Oise Très Haut Débit et conseiller départemental. « C’est une question d’équité territoriale. C’est très important qu’il n’y ait pas deux France. Il faut que tout le monde puisse bénéficier de la même qualité de connexion pour accéder à l’éducation, à la culture, à l’emploi, développer son activité », martèle-t-il.
Selon les derniers chiffres de l’Arcep, 6,4 millions de foyers ont souscrit à un abonnement fibre en France et 16,7 millions de locaux étaient éligibles au FttH au troisième trimestre 2019. Il reste donc encore la majeure partie de la population à fibrer dans notre pays. Mais pas dans les campagnes de l’Oise !
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