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Comment j’ai obtenu des produits gratuits contre des commentaires positifs sur Amazon

La plate-forme de vente en ligne est gangrénée par les faux commentaires positifs. Des réseaux de vendeurs du marketplace Amazon n’hésitent plus à rembourser les utilisateurs en y ajoutant parfois une commission, pour obtenir des commentaires dithyrambiques et offrir plus de visibilité aux marchandises qu’ils vendent.

Vous aussi, en allant sur Amazon pour rechercher un article, vous consultez les commentaires publiés par d’autres acheteurs ? Vous devriez pourtant vous méfier et ne pas croire sur paroles toutes les critiques positives que vous lisez.

Si la présence de faux commentaires est connue sur la plate-forme, le business qui se cache derrière l’est en revanche un peu moins, et Amazon n’est pas le seul marchand en ligne où ce genre de pratique est répandue. Dans l’Hexagone, Cdiscount, avec son marketplace, est aussi victime de ces pratiques douteuses.

Pour assurer une bonne réputation aux produits qu’ils proposent, des réseaux de vendeurs s’organisent sur les réseaux sociaux pour inonder le chaland de produits gratuits en échange de commentaires positifs.

Des commentaires pour être dans les premiers résultats

Pour les centaines de milliers de petits marchands qui vendent leurs produits sur le marketplace d’Amazon, le plus important est de se retrouver en bonne position dans les résultats de recherches. Pour y arriver, mieux vaut avoir un produit séduisant que les consommateurs s’arrachent.
Sur Amazon, plus un article est populaire, plus il a de chance de se retrouver dans les premières pages de résultats. Pour cela, il n’y a pas de secret, le produit doit obligatoirement avoir des commentaires, si possibles positifs.
Comment font donc les vendeurs pour convaincre leurs clients de déposer des commentaires sur leurs produits ? Tout simplement en les payant, ou plutôt, en remboursant le produit reçu, et en proposant dans certains cas une commission supplémentaire en échange d’un commentaire 5 étoiles, de photos et parfois même de vidéos.

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Les réseaux sociaux, base arrière de recrutement

Pour trouver de bonnes âmes susceptibles de publier des commentaires sur leurs produits, les vendeurs se tournent vers les réseaux sociaux.
Sur Facebook, des groupes privés de « testeurs Amazon » fleurissent tous les jours. Pour percer leur fonctionnement et suivre leurs différents mécanismes, j’en ai donc rejoint plusieurs au cours des derniers mois, pour tenter de comprendre un peu mieux le fonctionnement de ces réseaux à l’origine des millions de faux commentaires.

Certains sont tenus par des administrateurs français, d’autres directement par des groupes de vendeurs, chinois la plupart du temps. S’ils s’expriment parfois en anglais, ils parlent aussi très souvent français, de manière plus ou moins approximative.
Comment fonctionne le groupe ? Le vendeur poste une courte publication  dans le groupe. Elle est généralement accompagnée des photos des produits disponibles, du niveau de remboursement et d’une éventuelle commission. Pas besoin de plus.
Les membres du groupe intéressés n’ont qu’à indiquer en commentaire leur intérêt pour que le vendeur les joigne directement en messagerie privée.

Pour s’assurer la confiance des utilisateurs, les vendeurs n’hésitent pas à « recruter » des agents locaux, comprenez des utilisateurs français rompus à la pratique, et qui peuvent servir d’intermédiaire en échange d’une commission sur les commentaires positifs obtenus.

En dehors des réseaux sociaux, les marchands en mal de commentaires positifs peuvent aussi se tourner vers des sites entièrement dédiés à cette pratique. Comme sur Facebook, les vendeurs publient leurs listes de produits pour lesquels ils ont besoin de commentaires positifs, tout en indiquant le nombre de produits disponibles, le montant du remboursement, ainsi que le montant de la commission lorsqu’ils en proposent une.

Quelques bonnes affaires et beaucoup de gadgets hors de prix

Parmi les produits proposés « en test », on retrouve surtout beaucoup de gadgets, souvent vendus à prix très attractifs sur AliExpress. Mais lorsque ces objets sont vendus sur Amazon, les tarifs sont souvent plus élevés : talkies-walkies, coques et chargeurs de smartphones, enceintes connectées, protections d’écran, copies d’Apple Watch, meubles TV, chaises de bureau, sextoys, etc..

Au milieu de ces babioles se glissent parfois des produits bien plus intéressants comme des bracelets connectés de marques reconnues, comme le Mi Band 5, de Xiaomi.

C’est d’ailleurs sur ce produit, ainsi que sur une protection d’écran pour iPhone, que j’ai jeté mon dévolu pour tenter d’en savoir un peu plus sur ces réseaux de faux commentaires. Quitte à obtenir un produit gracieusement, autant que celui-ci soit utile et ne termine pas à la poubelle ou au fond d’un tiroir.

Deux semaines entre l’achat et le remboursement

Après un rapide commentaire publié sous les publications des vendeurs pour leur indiquer mon intérêt sur les deux produits sélectionnés, je reçois dans Facebook Messenger une invitation à discuter de la part des vendeurs.
Comme je suis nouveau dans le milieu et qu’il s’agit de mon premier « test », je demande quelques détails sur le fonctionnement du système. Les vendeurs m’expliquent, à chaque fois la procédure à suivre : publier un commentaire 5 étoiles, avec un certain nombre de mots/lignes, et avec parfois des photos.

On m’explique également que si j’accepte le deal proposé, je dois leur fournir l’URL de mon profil Amazon, ainsi que l’adresse e-mail utilisée pour mon compte Paypal, le remboursement des produits achetés se faisant directement sur cette plate-forme.

Etonnamment, les vendeurs ne fournissent jamais le lien d’accès direct au produit vendu sur Amazon. À coup d’indications sur le nom du vendeur, et l’intitulé exact du produit souhaité, je dois rechercher moi-même dans les rayons virtuels d’Amazon le produit correspondant.
À plusieurs reprises, le vendeur m’alerte et m’indique d’ailleurs d’attendre un peu avant d’acheter le produit, peut-être par crainte de se faire repérer et de se faire bannir son compte par les algorithmes qu’utilise Amazon pour tenter de limiter ce genre de fraude.

Mais les vendeurs ne sont pas les seuls à prendre des risques. En tant qu’utilisateur Amazon, mon compte peut être banni de la plate-forme si je suis pris la main dans le sac à publier un commentaire contre rémunération.
Pour continuer ma petite enquête, je prends ce risque, et me fait la promesse de ne jamais recommencer. Mon compte Amazon est bien trop précieux.

Après avoir fait mes emplettes, j’envoie comme demandé mon numéro de commande au vendeur, accompagné d’une capture d’écran de mon compte Amazon prouvant que le produit a bien été acheté.
Mon contact me laisse une adresse e-mail sur laquelle je peux le contacter s’il ne répond pas sur Facebook. Il m’indique aussi qu’une carte cadeau sera glissée dans le colis, et me demande de ne pas l’utiliser étant donné qu’il m’offre, en plus du remboursement, une commission.
Mon vendeur termine la conversation en m’indiquant la date à partir de laquelle je devrais publier mon commentaire positif sur Amazon. Pour ne pas éveiller les soupçons de la plate-forme, j’attendrai donc un peu moins d’une semaine pour publier mon commentaire 5 étoiles sur les deux produits.

Quelques jours plus tard, après avoir scrupuleusement suivi les indications données pour publier mes commentaires, je recontacte les deux vendeurs, qui sont d’ailleurs des vendeuses, pour leur indiquer que mes commentaires ont bien été publiés sur Amazon, capture d’écran à l’appui. Elles me redemandent chacune de confirmer l’adresse e-mail de mon compte PayPal.

Dans les secondes qui suivent, une notification retentie sur mon iPhone. Les deux vendeuses ont tenu parole et m’ont remboursé les produits, en y incluant pour la protection d’écran, la commission de 5 euros promise.

Des produits gratuits, et pas mal d’arnaques

Si certains y voient un bon moyen d’obtenir des produits gratuitement, d’autres en revanche déchantent très vite. Certains profils de vendeurs qui avaient promis le remboursement complet d’un article et d’une commission traînent pour rembourser, et disparaissent parfois du jour au lendemain.
Le « testeur » qui s’est fait berner se retrouve alors seul avec son produit hors de prix, ouvert et utilisé, qu’il ne pourra pas retourner pour se faire rembourser, la période de rétractation pour les achats à distance étant dépassée.

Comment faire la différence entre un bon plan et une arnaque ? La chance joue pour beaucoup. Toutefois, tous ces groupes de faux bons plans ont en commun de regrouper des comptes de vendeurs opérant sous de fausses identités.
Par ailleurs, tous ces profils sont relativement récents, utilisent souvent des photos d’animaux, des images volées, et se présentent parfois sous un nom différent que celui affiché en réalité dans l’URL du profil. Très souvent, le nom utilisé et les informations renseignées dans le profil tiennent plus du cliché qu’autre chose. Comme souvent en ligne, un peu de sens de l’observation peut éviter le drame. Même si on rappelle que le mieux est tout simplement de ne pas tenter sa chance…

Pour exemple, je suis tombé sur le profil d’une certaine Claire qui proposait de tester des vitres de protection pour smartphones.

En me rendant sur son profil, je découvre qu’elle habite Paris, qu’elle étudie à La Sorbonne, est passé par le lycée Charlemagne et c’est à peu près tout. Le profil est vide.

Une rapide recherche inversée de la photo de son profil confirme mes soupçons. Il s’agit d’un profil bidonné, dont la photo est tirée d’une banque d’images.

La fameuse « Claire » affichée sur la photo ne s’appelle sans doute pas Claire et le modèle de la photo est probablement Russe, l’image ayant été capturée sur le Millenium Bridge à Kazan, en Russie, si l’on en croit le descriptif.

Rester invisible pour ne pas se faire bannir

Devenir « testeur » de produits vendus par des marchands tiers sur Amazon ne s’improvise pas et n’est surtout pas sans risque. Pour durer dans le temps et éviter de voir son compte Amazon se faire bannir, les « testeurs » ont quelques astuces.

Dans les commentaires de certaines publications, on apprend ainsi que pour éviter de se faire repérer, il est préférable de noyer les commentaires de ces « test » au milieu d’autres commentaires de produits achetés pour un usage personnel. Il est également conseillé de limiter le nombre de commentaires publiés chaque semaine pour éviter de se faire repérer par Amazon.

Evidemment, dans un éternel jeu du chat de la souris, pour contrer cette pratique, Amazon a multiplié ces dernières années les actions sur sa plate-forme, en instaurant un badge « acheteur vérifié » ou encore en supprimant les commentaires suspects.
La plate-forme d’e-commerce dispose même d’un programme dédié, Amazon Vine, qui permet aux fabricants de recevoir des avis. En outre, le géant a même créé un programme dédié offrant aux vendeurs un dispositif encadré leur permettant de proposer des produits gratuitement en échange d’un commentaire objectif. Mais, bien entendu, ce programme est payant pour le vendeur, et permet à Amazon de contrôler et de limiter le nombre de commentaires publiés sur un produit offert. Cette solution est bien certainement insuffisante pour les petits vendeurs qui rêvent de faire fortune sur le marketplace du géant américain en refourguant leur camelote à prix d’or. Sur Amazon comme ailleurs, quand une affaire est trop belle, c’est qu’il y a un piège, que ce soit pour vous, ou pour le vendeur…

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Geoffroy Ondet