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Comment fonctionnera Alicem, l’application de reconnaissance faciale de l’Etat

À l’aide de la reconnaissance faciale, les autorités ont développé une application qui permet l’authentification en ligne certifiée sur mobile (Alicem). Son utilisation devrait être généralisée avant la fin de l’année.

La France s’apprête à devenir le premier pays européen à lancer un programme national d’identification faciale à l’échelle nationale. Le gouvernement a officialisé, le 13 mai 2019, la mise en place d’un nouveau système de certification d’identité numérique sur smartphone.

Ce dispositif d’« Authentification en ligne certifié sur mobile », désormais connu sous le nom d’« Alicem », est en phase de test depuis juin 2019 à l’Agence nationale des titres sécurités (ANTS). Selon les informations officielles -distillées avec parcimonie- cette application Android doit être généralisée avant la fin de l’année. Les autorités insistent néanmoins sur le fait qu’il s’agit d’une « option » supplémentaire pour accéder aux services publics en ligne, et non une obligation.

Alicem disponible d’ici 2020

Comme elle n’est pas encore disponible sur le Play Store, son fonctionnement reste toutefois obscur. Dans un tutoriel élaboré pour les employés qui testent l’application, le ministère de l’Intérieur montre concrètement à quoi elle va ressembler. Malgré un style plutôt vieillot, la vidéo a le mérite de lever le voile sur une application qui génère autant d’angoisses que de fantasmes.

Trois conditions au préalable : un téléphone Android compatible NFC, une pièce d’identité valide et une adresse mail active. Sans surprise, la première étape est celle de l’inscription. Elle se fait à l’aide de son numéro de téléphone personnel via un code envoyé par sms, puis elle est vérifiée une deuxième fois par un e-mail envoyé en suivant.

« Authentifier » votre « identité numérique »

Une fois le compté créé, il faut ensuite scanner sa pièce d’identité. D’abord à l’aide de la caméra de votre smartphone, puis ensuite via le lecteur NFC qui détecte automatiquement la puce intégrée à votre pièce d’identité. Les éléments sont ensuite intégrés à votre compte. La vidéo conseille de vérifier les numéros collectés afin d’éviter toute erreur de saisie. Puis, l’utilisateur est invité à créer un code de sécurité à 6 chiffres –pas « trop simple » précise le tutoriel.

Jusqu’ici rien de nouveau. La dernière étape constitue la véritable innovation du dispositif. Pour valider votre compte, il faut « authentifier » votre « identité numérique ». En clair, il faut prouver que vous êtes réellement la personne de la pièce d’identité que vous avez relié à votre compte. Pour cela l’application utilise la reconnaissance faciale.

Face caméra, l’utilisateur doit sourire, cligner des yeux et faire des mouvements de tête. Peu importe l’ordre. L’application confirme que votre visage correspond à celui de la pièce d’identité. Votre compte Alicem est enfin finalisé.

Gagner du temps à tout prix ?

Vous pourrez ensuite vous identifier sur tous les sites officiels de l’ANTS via Alicem. Autrement dit, au lieu de rentrer votre adresse mail, ou numéro de sécurité sociale et votre mot de passe, ce nouvel outil vous permet d’accéder directement aux services officiels. Le gain de temps et la facilité d’accès sont les deux principaux avantages prônés par le gouvernement.

Mais juridiquement, le bât blesse. D’abord la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) a pointé, en mai 2019, les différentes violations au RGPD, notamment concernant le consentement [PDF]. Mais aussi, l’inégalité entre les citoyens détenteurs de smartphone Android face à ceux qui utilisent des iPhone, qui est contraire à l’égalité de traitement exigé par la constitution. À l’avis réservé de l’autorité indépendante s’ajoutent plusieurs voix dissidentes. En juillet 2019, la Quadrature du Net a déposé un recours au Conseil d’État contre le dispositif qui ne respecte pas les libertés individuelles numériques.

Au-delà des aspects juridiques, la généralisation à terme d’un tel système pourrait devenir encore plus inquiétante pour les libertés individuelles. C’est ce qu’il s’est passé en Inde avec le système baptisé « Aadhaar ». Certains services de l’État ont été réservés aux seuls citoyens dont l’identité numérique avait été certifiée. Reste à savoir jusqu’à quand Alicem restera une simple option alors que le gouvernement souhaite numériser 100% des services publics d’ici 2022.

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Mairon Simon-Rainaud