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Comment l’Europe va réguler les cryptomonnaies à partir de 2024

L’Europe vient de voter la mise en place d’un cadre législatif pour réguler les cryptomonnaies. En vigueur à partir de 2024, la législation prévoit notamment de contrôler les transactions et de serrer la vis sur les stablecoins. Par contre, certains usages de plus en plus populaires ont été mis de côté.

Ce lundi 10 octobre 2022, la commission économique du Parlement européen a adopté deux réglementations visant à encadrer l’écosystème des cryptomonnaies : Mica (pour “Market in crypto assets”) et TFR (pour “Transfer of Funds Regulation”).

Avec ces deux textes, le Parlement cherche à mettre au point un cadre législatif homogène pour toutes les entités de l’industrie crypto qui souhaitent proposer leurs services aux Européens. Ce cadre réglementaire vise à protéger les investisseurs sans freiner l’innovation.

 « Il est important de veiller à ce que la législation de l’Union au sujet des services financiers soit adaptée à l’ère numérique et contribue à une économie d’avenir qui fonctionne pour tous les citoyens, notamment en permettant l’utilisation de technologies innovantes », explique le Parlement européen.

Qu’est-ce qui va changer pour les entreprises crypto en Europe ?

La législation Mica prévoit essentiellement de contrôler l’activité des Crypto Asset Service Provider (CASP), les prestataires de services sur actifs numériques. Cet acronyme englobe les plates-formes d’échange de cryptomonnaies, comme Binance, Coinbase ou Crypto.com, les crypto-banques et les sociétés qui émettent des tokens, comme Circle ou Tether. Pour obtenir l’autorisation d’exercer en Europe, les entreprises devront s’enregistrer auprès de l’Autorité européenne des marchés financiers. Le concept CASP comprend une subtilité. En effet, une société crypto peut se passer de l’approbation de l’organisme si elle ne diffuse pas de publicités pour séduire de nouveaux utilisateurs.

Pour être autorisées dans les pays de l’Union européenne, les entreprises devront impérativement mettre à disposition un livre blanc (white paper), un guide qui résume les principales informations factuelles concernant leur projet. La publication d’un livre blanc est très répandue dans l’industrie des cryptomonnaies.

Une fois autorisés à exercer, les sociétés CASP devront respecter une série de règles. La législation impose notamment aux prestataires de déposer les fonds confiés par leurs clients à une banque ou un organisme de crédit. En cas de perte des fonds, les entreprises seront tenues pour responsable. De plus, les entités qui disposent d’au moins 15 millions d’utilisateurs annuels dans l’UE seront considérées comme des CASP importants. Pour ces acteurs, des exigences encore plus strictes sont prévues sur ce point.

Pour simplifier le développement de services crypto en Europe, Mica prévoit la création d’un passeport européen. Il permettra à une entreprise approuvée par un régulateur national, comme l’Autorité des marchés financiers (AMF) en France, de proposer ses services aux résidents d’autres pays de l’UE. Pas besoin d’obtenir l’approbation d’un autre régulateur national.

À lire aussi : le géant des cryptomonnaies Binance a été victime d’un piratage, que s’est-il passé ?

L’Europe établit un classement des actifs numériques

Dans le cadre de son tour de vis, l’Union européenne établit un classement des différents types d’actifs numériques du marché. La législation distingue les electronic money tokens ou e-money tokens (les stablecoins) des asset-referenced tokens (des jetons calqués sur la valeur d’une poignée d’actifs) et des tokens utilitaires, qui peuvent être échangé contre des biens et services. Chaque type de crypto-actif dépend d’un régulateur européen différent.

Comme prévu, Mica se montre sévère avec les émetteurs de stablecoins, ces cryptomonnaies calquées sur le cours d’une devise fiduciaire. Le règlement oblige les émetteurs à détenir « une réserve suffisamment liquide, avec un ratio 1/1 et en partie sous forme de dépôts », pour soutenir le stablecoin. Cette obligation vise à garantir la stabilité du cours d’un stablecoin.

Attention, la législation ne concerne que les stablecoins dont le cours repose sur l’euro. Si le stablecoin repose sur une devise étrangère, comme le dollar américain par exemple, l’émetteur devra se plier à des restrictions. Il ne pourra pas émettre autant de jetons qu’il souhaite. Enfin, notez que le lending de stablecoins est purement et simplement interdit. Le lending permet aux détenteurs de cryptomonnaies de prêter leurs avoirs à un protocole en quête de liquidités afin de percevoir des intérêts. L’effondrement de l’UST, le stablecoin de l’écosystème Terra, a probablement encouragé l’Union européenne à prendre des mesures fortes.

Mica évoque également les tokens non fongibles (NFT). La législation encadre uniquement les NFT qui sont considérés comme des actifs financiers. Bien que la définition de l’UE soit encore très floue, elle ne comprend pas les NFT d’œuvres d’art certifiées sur la blockchain. Les créations artistiques, comme les CryptoPunks ou les Bored Ape Yacht Club, échappent à la loi Mica. Par contre, les NFT qui sont liés à des éléments déjà considérés comme des actifs financiers devraient entrer dans le cadre de la réglementation. Ces NFT offrent un accès numérique à un bien ou à un service. On pense notamment aux NFT d’un bien immobilier.

La lutte contre le blanchiment d’argent

De son côté, la législation TFR se focalise sur la surveillance des transactions en cryptomonnaies. Le texte de loi comprend une disposition intitulée Travel Rule. Elle oblige les entreprises CASP à partager des informations au sujet de leurs clients et leurs transactions. La mesure vise à lutter contre le blanchiment d’argent. Bien que le blanchiment par le biais des devises numériques reste anecdotique, les criminels sont parvenus à blanchir 4 milliards de dollars via les cryptomonnaies depuis 2020.

Dès qu’un utilisateur transférera des cryptomonnaies d’une plate-forme régulée à une autre, des informations à son sujet seront transmises aux autorités. Elles recevront son nom complet, l’adresse du portefeuille de destination, ses numéros de compte, son adresse postale, son numéro de carte d’identité ou de passeport, sa date et son lieu de naissance. Il n’y a pas de plafond prévu. En clair, toutes les transactions, même les plus infimes, seront surveillées. De plus, tous les transferts supérieurs à 1000 euros s’accompagneront de la vérification des données des détenteurs de cryptomonnaies. Par contre, les échanges de pair à pair, d’un individu à un autre, ne seront pas concernés par la Travel Rule.

Interrogé par le Financial Times dans le courant de l’été, José Manuel Campa, président de l’Autorité bancaire européenne, estime que l’application de la loi TFR s’annonce compliquée. Le responsable assure que la vérification des transactions risque de représenter une véritable montagne de travail pour les régulateurs. Pour répondre à cet afflux, l’organisme bancaire considère l’embauche de spécialistes de la blockchain.

En vigueur dès 2024

Pour rappel, les deux textes ont été approuvés par le Conseil de l’Union européenne quelques jours. Ils doivent encore être soumis aux députés du Parlement européen en séance plénière pour être entérinés. Ce vote final est prévu dans le courant du mois d’octobre. Une fois traduits dans les 20 langues officielles de l’Union, ils seront publiés dans le Journal officiel de l’Union européenne, vraisemblablement pour début 2023.

Une fois le processus législatif terminé, les acteurs de l’écosystème crypto auront entre 12 et 18 mois pour se plier à la réglementation. Sauf surprise, Mica et TFR entreront donc en vigueur dans le courant de l’année 2024.

« Je ne sais donc pas vraiment à quoi je serais confronté dans deux ans. (…) La nature très dynamique du secteur des cryptomonnaies signifie que la réglementation a tendance à prendre du retard », regrette José Manuel Campa.

En clair, l’écosystème crypto pourrait bien avoir considérablement changé d’ici à ce que Mica entre en vigueur en Europe.

Le sursis de la finance décentralisée

Notez que l’Union européenne n’a pas encadré l’intégralité des usages de l’écosystème avec ses deux législations. Pour le moment, la finance décentralisée (DeFi), ces plates-formes et ces services sur la blockchain sans autorité centrale, échappent encore à la législation. Des outils comme Uniswap, Curve Finance, MakerDAO ou encore Waves Platform.

Il est évidemment plus compliqué d’encadrer ces solutions que des plates-formes centralisées comme Binance. Néanmoins, l’UE compte bien y parvenir. Il y a quelques jours, un appel à projets concernant une « solution technologique pour la supervision intégrée de l’activité de la finance décentralisée » a d’ailleurs été publié par la Commission européenne.

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Source : Parlement Européen


Florian Bayard
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