Pas plus de 0,13 euro la minute de communication avec un correspondant en Inde. Ce n’est qu’un exemple des tarifs alléchants du nouvel opérateur de téléphonie Wengo. À titre de comparaison, Tele2 facture le même appel
au prix de 0,69 euro par minute. À l’instar de Skype, Annatel, Phonesystems, SIPPhone, Vonage, ou même Free avec sa Freebox, Wengo vend de la téléphonie sur IP, du téléphone par Internet.En s’appuyant sur ce réseau mondial, ces sociétés s’affranchissent des systèmes d’interconnexion des opérateurs télécoms traditionnels, un moyen de casser les prix à une échelle planétaire. Cependant, Internet
n’étant pas conçu pour le transport de la voix, les communications ne sont pas toujours de bonne qualité.
Contourner les réseaux traditionnels
Comme son nom l’indique, la téléphonie sur IP permet d’acheminer ses communications téléphoniques via Internet. La voix est numérisée, compressée puis découpée en paquets. Ces derniers sont envoyés sur le réseau
informatique. L’opérateur de téléphonie sur IP se charge alors de les aiguiller vers le destinataire. La méthode d’aiguillage varie selon les opérateurs et les protocoles qu’ils retiennent. La plus simple est probablement celle
du protocole SIP utilisé notamment par Wengo et qui s’appuie simplement sur les DNS, ces bases de données qui servent, entre autres, à indiquer à un navigateur Internet quel serveur interroger lors de l’ouverture d’une page Web.
À l’autre bout de la communication, une passerelle assure le raccordement entre Internet et le réseau téléphonique classique (RTC) lorsque le correspondant est appelé sur un mobile GSM ou un téléphone fixe traditionnel.C’est ainsi que le trajet de la communication sur les réseaux téléphoniques classiques est réduit à la portion congrue. Et c’est dans ce contournement massif des infrastructures de téléphonie au profit d’Internet
que réside le secret des tarifs très bas de la téléphonie sur IP. Sur Internet, sur les réseaux des FAI et des opérateurs de voix sur IP, les conversations vocales correspondent à de très petits transferts de données ; il n’est dès lors
pas surprenant que les appels passés entre deux abonnés d’un même intervenant soient gratuits.
Des problèmes d’embouteillage
Une fois injectés sur Internet, les paquets véhiculant la voix numérisée se retrouvent mélangés à d’autres paquets, certains transportant de la vidéo, d’autres des courriers électroniques et d’autres encore des
pages de sites Web. Hélas, aucun d’eux ne dispose de gyrophare l’autorisant à passer au travers des embouteillages. Du coup, aucun mécanisme à l’échelle d’Internet tout entier ne permet de garantir le fait que les paquets
véhiculant un propos arrivent tous à bon port, dans le bon ordre et sans retard. Le risque qu’un mot se retrouve amputé d’une syllabe ou que la première syllabe d’un mot se retrouve accolée à la dernière syllabe du mot suivant
est alors important. Pas simple de maintenir une conversation intelligible dans ces conditions. Sur les réseaux téléphoniques classiques, rien de tel : les cellules transportant les voix associées à chaque conversation sont assurées de trouver
de bout en bout une voie de circulation qui leur est réservée.Conscients de ce problème, les fabricants d’équipements de réseau ont développé des techniques adaptées. Celles?”ci visent à garantir une qualité de service (QoS) en étiquetant les paquets véhiculant la voix de manière
spécifique. Les paquets transitant sur le réseau sont alors différenciés suivant la nature de leur contenu ; les spécialistes parlent de type de service (ToS). Mais pour que cela fonctionne, encore faut?”il que tous les équipements de
réseau traversés par les paquets d’une communication gèrent les mécanismes QoS/ToS. Ce n’est malheureusement pas le cas. Le premier équipement traversé, le routeur ADSL, ne les prend généralement pas en compte, à l’exception des
routeurs intégrant spécifiquement des fonctions de téléphonie sur IP (comme ceux produits par Linksys).Free, avec Freebox a retenu une autre stratégie : réserver environ 12 Ko/s de bande passante dès la prise de ligne et jusqu’au moment où l’on raccroche le téléphone. C’est bien plus qu’il
n’en faut pour faire passer la voix. Mais, dans la pratique, cette stratégie se révèle d’une efficacité aléatoire. Pour une raison simple : elle ne s’applique que localement, et ne s’impose pas à tous les
intermédiaires de la communication.Reste un élément qui peut améliorer la qualité de communication et palier les incohérences du réseau : les circuits ou logiciels utilisés par la numérisation et la compression de la voix (codec). La plupart des services de
téléphonie sur IP s’appuient actuellement sur des codecs développés pour des réseaux à faible bande passante comme la téléphonie mobile, à l’instar des codecs G.729. Ils n’intègrent cependant pas les spécificités
d’Internet et s’avèrent très sensibles aux pertes de paquets. Le codec iLBC, développé par Global IP Sound (ou GIPS), se présente comme une réponse crédible à ce problème. Selon ses auteurs, iLBC peut s’accommoder d’une
perte de 30 % des paquets perdus tout en maintenant une qualité de communication environ 60 % supérieure à celle proposée par G.729 avec 15 % de paquets perdus. Utilisé par Skype, iLBC se montre très efficace. Hélas, le choix du codec
dépend de l’opérateur de service.Malgré ces contraintes techniques, la téléphonie sur IP devient aujourd’hui un sérieux concurrent de la téléphonie traditionnelle. Les régulateurs des télécoms des pays européens veulent faciliter son essor. Ainsi, dans
l’Hexagone, le Conseil de la concurrence a demandé à l’Autorité de régulation des télécoms d’intégrer cette nouvelle offre dans ses études de marché. Le cabinet d’études Analysys y voit, pour sa part, une menace non
seulement pour la téléphonie fixe mais aussi pour la téléphonie mobile. Une analyse que doit partager SFR qui en prohibe l’utilisation sur son réseau UMTS.
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