Il semble difficile de concilier éthique et loi du marché pour les géants américains. Comme Nike et Coca-Cola, Apple a fait pression sur le Congrès pour limiter certaines dispositions du projet de loi américain qui vise à restreindre l’importation de biens fabriqués au Xinjiang, au nord-est de la Chine, par des travailleurs forcés issus de la minorité musulmane ouïghoure. Outre-Atlantique, le débat parlementaire est toujours en cours.
Les modifications proposées par Apple au projet de loi viennent d’être révélées. Selon un document consulté par le New York Times, elles comprendraient la prolongation de certaines échéances pour mettre en conformité leur chaîne de production, la divulgation de certains renseignements sur leurs fournisseurs seulement au Congrès et non au public, mais aussi l’obligation pour les entités chinoises d’être « désignées par le gouvernement des États-Unis » pour aider à surveiller ou à détenir les groupes minoritaires musulmans au Xinjiang. En clair : plus de temps, moins de transparence et un dédouanement fédéral pour continuer à fabriquer en Chine.
Face à ces révélations, Apple a nié. L’entreprise a au contraire affirmé appuyer les efforts de l’administration visant à renforcer la réglementation américaine et sa foi dans la future loi sur la prévention du travail forcé des Ouïghours (en anglais le « Uyghur Forced Labor Disclosure Act of 2020 ») – contre laquelle la presse américaine rapporte qu’Apple aurait également fait pression.
Nike, Coca-Cola and other companies and business groups are lobbying to water down sweeping legislation that would crack down on imports made with forced labor from China's persecuted Muslim minoritieshttps://t.co/Hu9c7QjUyA
— Ana Swanson (@AnaSwanson) November 30, 2020
Dans un communiqué cité par le New York Times, Apple a affirmé avoir le code de conduite des fournisseurs le plus solide de son industrie et évaluer régulièrement les fournisseurs, y compris par des audits impromptus.
« La recherche de la présence de travail forcé fait partie de chaque évaluation des fournisseurs que nous effectuons et toute violation de nos politiques entraîne des conséquences immédiates, y compris la cessation d’activité », explique le communiqué. « Plus tôt cette année, nous avons mené une enquête détaillée auprès de nos fournisseurs en Chine et n’avons trouvé aucune preuve de travail forcé sur les chaînes de production d’Apple, et nous continuons de surveiller cette situation de près. »
Mais, le quotidien américain rappelle qu’il est très difficile de mener ces enquêtes en raison de l’opacité dans le milieux des affaires chinois, et notamment concernant les Ouïghours.
80 000 Ouïghours tranférés
Dans son rapport publié en mars 2020, l’Australian Strategic Policy Institute avait identifié Apple parmi 82 entreprises qui avaient potentiellement bénéficié, directement ou indirectement, de programmes de transfert de travailleurs forcés liés au Xinjiang. Selon l’ONG australienne, O-Film Technology, un fournisseur d’Apple mais aussi de Microsoft et Google (entre autres) a reçu au moins 700 travailleurs ouïghours dans le cadre d’un programme qui devait « modifier graduellement leur idéologie ». L’étude a également montré qu’un autre fournisseur travaillant pour le compte d’Apple, Foxconn, a bénéficié de programmes d’emplois similaires.
Au total, plus de 80 000 Ouïghours ont été transférés entre 2017 et 2019 ans des usines constituant les chaînes d’approvisionnement de ces grandes marques internationales, d’après l’ONG australienne.
Sources : New York Times, Washington Post & Australian Strategic Policy Institute (rapport)
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