Ce n’est qu’un projet, mais il fait déjà peur à certains. Un brevet déposé par Amazon aux USA affole l’association américaine de protection des libertés (ACLU) comme le rapporte Fast Company. Le document décrit une sonnette intelligente qui intègre de la reconnaissance faciale. Logique pour Amazon qui voudrait ainsi faciliter l’accès à votre domicile pour ses livreurs qui seraient identifiés et surveillés.
Là où le brevet inquiète, c’est dans ses usages périphériques . Si on peut déclarer des visages « amis », comme les membres de votre famille ou vos voisins de confiance, on peut aussi créer une base de données de personnes suspectes, comme les condamnés qui vivent près de chez vous, une tante acariâtre ou n’importe quel visage enregistré dans une base de données. Il ne s’agit pas pure prospective, Amazon a racheté l’entreprise Ring début 2018 pour ses sonnettes vidéo connectées afin de lutter contre le vol de colis, fréquent aux USA puisque les livreurs laissent les paquets devant les portes.
Outre le problème que représente la surveillance permanente de l’espace public – les caméras sont pointées vers l’extérieur du logement donc potentiellement la rue – s’ajoute alors une fonctionnalité décrite par le brevet. On peut paramétrer l’engin pour que tout visage suspect qui passerait devant la caméra déclenche une alerte automatique auprès des forces de police.
Le meilleur des mondes selon Amazon devient le pire des cauchemars pour l’American Civil Liberties Union (ACLU) : « L’histoire de la surveillance par les gouvernements rend évident que la surveillance des visages va pénaliser les groupes de personnes déjà ciblés par le gouvernement et sujet au profilage racial et aux abus – les immigrants, les personnes de couleurs et les anciens condamnés », s’alarme l’association. L’ACLU qui rappelle que les études scientifiques en matière de reconnaissance faciale sont moins précises sur les visages « de personnes de couleurs et des femmes ». Un biais qui, selon l’association « renforcerait les probabilités des violences policières ».
Des approches différentes
Si la reconnaissance faciale est une technologie intéressante et riche en potentiel, il paraît évident qu’elle requiert des garde-fous. Au-delà de ce brevet, Amazon a récemment semé le doute sur son respect des libertés individuelles. Interrogé sur la question lors d’une réunion publique à New York, Brian Huseman, son responsable de la politique publique, n’a en effet pas nié qu’Amazon vend sa technologie de reconnaissance faciale à l’Etat américain pour le contrôle aux frontières. Or, c’est une des utilisations critiquées de la technologie de reconnaissance faciale.
Depuis quelques mois, les ingénieurs de plusieurs grands noms de la Silicon Valley s’opposent de plus en plus ouvertement à l’utilisation de leur travail à des fins potentiellement liberticides ou militaires. Les salariés de Google ont ainsi forcé leur entreprise à ne pas répondre à des appels d’offres de l’armée et à afficher une posture beaucoup plus respectueuse des libertés essentielles.
D’ailleurs, hier, 13 décembre 2018, Kent Walker, senior vice-président en charge des questions légales, d’éthique et de sécurité pour Google, déclarait dans un post sur le blog officiel de sa société que « la reconnaissance faciale mérite d’être considérée avec attention pour s’assurer qu’elle est respectueuse [des] principes et valeurs [de Google, ndlr] afin d’éviter les abus et conséquences préjudiciables ».
Preuve que tous les géants de la Silicon Valley ne sont pas à mettre sur le même pied, Kent Walker concluait sur ce point en précisant que « Google Cloud a décidé de ne pas proposer d’API de reconnaissance faciale pour des usages génériques avant d’avoir répondu à des questions technologiques et légales importantes ».
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