L’annonce de l’introduction de Carrère en Bourse étonne. Et même doublement. En effet, malgré quelques réussites spectaculaires, le secteur de la production est peu rentable. Émietté, sous-financé, il constitue le maillon faible de l’audiovisuel français. Second motif de surprise : l’accroc à la légendaire opacité de cette entreprise familiale.Claude Carrère, le ” show-business man ” le plus secret, le moins disert, le moins photographié de France, s’est visiblement fait violence. Mais le développement de son groupe, et sans doute la valorisation d’une bonne part de son patrimoine, méritent bien cet écart philosophique.Le petit empire, bâti dans les années 1960 et 1970 à partir du disque, compte séduire aujourd’hui les investisseurs avec une activité plus jeune : celle de la production d’animation, qui vise un chiffre d’affaires 2001 de 27,5 millions d’euros (180 millions de francs). L’introduction sur le Nouveau Marché devrait s’effectuer, sous réserve de l’accord des autorités de tutelles, à la mi-juin, par le biais d’une augmentation de capital.”Je souhaiterais attirer trois ou quatre gros investisseurs proches de moi, avec qui je pourrais réaliser des projets à long terme “, justifie Claude Carrère, qui détient avec sa famille les trois quarts du capital du groupe.À la communauté financière, Carrère ” vend ” son talent, mais aussi le catalogue du groupe, étoffé par les droits à long terme de nombreuses séries (dont Arguaï, dans le top 10 des programmes les plus regardés par les 4-10 ans cette année). Le fondateur assure pouvoir réunir systématiquement, grâce à son plan de coproduction, 50 % des coûts de développement d’une série (environ 6,1 millions d’euros) avant de démarrer sa réalisation, en s’appuyant sur le système de financement bien huilé de l’audiovisuel français.Un système qui réunit les chaînes hertziennes (1,22 million d’euros en moyenne), les thématiques (230 000 euros), le Centre national de la cinématographie (15 % des coûts globaux) et les aides européennes (5 %).
Une croissance encore timide dans ce secteur
“ Il s’agit là d’une activité pratiquement sans risques, et sur un marché qui n’offre pas d’inquiétudes, convient Nicolas Martin, spécialiste médias chez Aurel Leven, un bureau d’études spécialisé dans la notation boursière. En revanche, la croissance n’est pas explosive, sauf si Claude Carrère annonce de nouvelles perspectives pour 2002 “.Acteurs un peu à part dans les médias, les producteurs sont encore peu présents sur la place parisienne. ” Pour l’introduction, nous avons adjoint la méthode des comparables [qui consiste à analyser la valorisation d’une société du même secteur déjà en Bourse, ndlr] à celle des cash-flows actualisés [bénéfices potentiels pour le marché], indique Jacques Falzon, de chez KBC Securities, futur introducteur de Carrère Group. Si l’on regarde le panorama mondial, la valorisation varie entre 7 et 33 fois l’Ebitda [excédent brut d’exploitation] “.Cette difficulté technique, qui n’a pas rebuté Carrère, ne devrait pas décourager non plus les autres postulants potentiels à la Bourse de ce domaine. “ Les producteurs se renseignent, plus ou moins discrètement, depuis quelques mois. Nous sommes sollicités. Le secteur bouge “, note Nicolas Martin.
Une forte demande en programmes
En ce qui concerne la production d’animation pure et simple, Millimages, France Animation, Alphanim, figurent parmi les prétendants les plus cités. Chez les producteurs de fiction, les ténors, comme GMT (producteur des Misérables pour TF1), et les sociétés fortement internationales, telle Télé Images, pourraient faire partie de la première vague.Sans oublier les maîtres du ” flux ” (magazines et reportages), ces animateurs-producteurs, tels Arthur ou Jean-Luc Delarue, qui ont connu une expansion rapide ces dernières saisons. Dans tous les cas, la course à la taille, et la préparation de la circulation des ?”uvres sur internet, constituent les motivations principales d’un accès au marché.L’analyse de Claude Carrère ? La production française d’animation se résume à environ 175 heures de programmes neufs, alors que la demande des chaînes avoisine les 500 heures. Concernant internet, le découvreur historique de Sheila est plus prudent.L’animation reste néanmoins, avec les magazines, le programme télé pilote sur le web. “ Les producteurs français sont attentifs. Il faudra distinguer entre ceux qui souhaiteront distribuer leurs programmes sur le net, et les tenants de véritables “web-TV”. Il est trop tôt pour se prononcer sur les modèles d’affaires “, juge Nicolas Martin.Les fondamentaux de Carrère Group
Les fondamentaux de Carrère Group (En millions de francs) | ||||||
1999 | 2000 | 2001(prévisionnel) | ||||
Chiffre d’affaires | 168 | 162 | 180 | |||
Ebitda | 48 | 86 | 82 | |||
Résultat net consolidé | 15 | 27 | 31 | |||
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