Si Cisco Systems est le seul géant de l’industrie des réseaux à afficher tous les ans une progression de son chiffre d’affaires supérieure à 50 %, c’est parce qu’il a su mettre en ?”uvre une stratégie absolument unique d’accélération maximale du marché.La face la plus visible de cette stratégie est sa boulimie effrénée d’acquisitions (64 depuis 1993, 17 depuis le début de l’année). Mais celle-ci ne saurait tenir lieu de seule explication. D’autres industriels font également des acquisitions, mais sans jamais atteindre les mêmes résultats.“La différence, explique Olivier Cognet, directeur du développement EMEA, c’est que nous n’achetons jamais de parts de marché, mais des technologies, ou plutôt des équipes d’ingénieurs expertes dans les technologies nécessaires à notre croissance.”Toutes les précautions, en outre, sont prises pour ne jamais racheter des coquilles vides. “Préalablement, nous avons des entretiens approfondis avec ces équipes, poursuit Olivier Cognet, pour être sûrs qu’elles aient envie de rester chez Cisco Systems et s’y développer.”Il faut que la vision marketing et la culture d’entreprise se rejoignent. Les critères déterminants sont ici la capacité à travailler par l’Internet, à penser global et la disposition à voyager.Pour que Cisco se décide à racheter une entreprise ou une start-up, il faut aussi qu’elle présente à court terme un potentiel de marché énorme.L’entité reprise est ensuite intégrée aux structures existantes avec la vocation d’y devenir rapidement une unité d’affaires à part entière. “Notre organisation, souligne Olivier Cognet, sait maintenant bien gérer les ressources humaines et les conserver. Sur 64 acquisitions, nous n’avons connu que deux ou trois échecs.”Dès leur intégration à Cisco, les sociétés rachetées profitent de tous les relais de croissance du constructeur : de son implantation internationale (250 bureaux à travers le monde), de ses partenaires OEM, de ses revendeurs et intégrateurs certifiés, de ses opérateurs labellisées Cisco Powered Network, de ses alliances stratégiques avec d’importants constructeurs informatiques et fournisseurs d’applications, ainsi que des intégrateurs dans lesquels Cisco a pris une participation, tels Cap Gemini/Ernst & Young, afin d’être sûr qu’ils préconiseront l’intégralité de ses produits et solutions.Ainsi donc, toute technologie émergente, pour peu qu’elle coïncide aux plans de Cisco, est-elle sûre de trouver dans les meilleurs délais une diffusion maximale, équivalente à celle des technologies déjà confirmées.Mais le rachat n’est pas la seule forme de croissance externe. Cisco peut également prendre des participations minoritaires. Il s’agira alors de suivre des objectifs plus modestes : faire l’apprentissage de nouvelles technologies, améliorer les produits maisons avec des technologies complémentaires, et créer conjointement la demande.Dans cette catégorie, il est possible de citer VeriSign, Broadcom, NetToll, Software.com, Tibco, Bookham Technology, Belle Systems et Reef… Le moment venu, ces participations minoritaires pourront évidemment se transformer en acquisitions à 100 %. Au cours des derniers mois, les acquisitions de Cisco Systems ont visé principalement à le renforcer dans cinq domaines :- la mobilité, avec IPmobile et JetCell, afin de développer les services convergents voix et données, les pico-cellules ainsi que l’interconnexion des services voix d’entreprise avec les réseaux mobiles UMTS de 3e génération. Il ne s’agit pas d’une diversification opportuniste, puisque les routeurs de Cisco sont déjà largement présents dans les infrastructures terrestres de la plupart des opérateurs mobiles ;- la sécurité et la gestion des services avec Atlantech, Altiga Networks et Compatible Systems ;- la distribution et la facturation de contenus données audio et vidéo avec SightPath, ArrowPoint, PixStream, Netiverse et NuSpeed Internet Systems ;- la commutation optique haute capacité avec Seagull, Queyton Systems, PentaCom et NGrowth Networks, afin de développer l’Internet optique ;- et les produits d’accès multiclient et multiservice avec HyNex, Komodo et InfoGear. Ce qui est nouveau dans cette politique de croissance externe est qu’elle s’étend désormais au Vieux Continent. Depuis 1999, Cisco a ainsi procédé en Europe et en Israël à 16 acquisitions ou prises de participations :- Atlantech Technologies (Royaume-Uni) pour la gestion de services ;- Belle Systems (Danemark) pour la facturation ;- Calista (Royaume-Uni) pour la voix sur l’Internet et les réseaux locaux ;- Cap Gemini (France) pour le conseil et l’intégration au plan mondial et notamment sur le DSL, les VPN, le câble et la voix sur IP ;- Eyretel (Royaume-Uni) pour la mesure de la qualité de service et des niveaux d’engagement de service ;- HarmonyCom (Suède) pour un logiciel de gestion de services large bande ;- HyNex (Israël) pour un équipement d’accès multiservice ;- ID2 (Suède) pour une plate-forme de paiement et de services basée sur la carte à puces ;- Italtel (Italie) pour la voix téléphonique, les solutions voix et données, les infrastructures et services paquets et Internet ;- NetToll, à présent Enition (France), pour les micropaiements ;- PentaCom (Israël) pour des composants optiques ;- Pirelli Optical Systems pour les systèmes optiques ;- Qeyton Systems (Suède) pour un équipement d’accès optique ;- Reef (France/Belgique) pour le commerce électronique ;- Riversoft (Royaume-Uni) pour des outils de gestion de réseaux de commerce électronique ;- et Seagull Semiconductor (Israël) pour des composants optiques.La quinzaine d’acquisitions à 100 %, que Cisco a réalisées à ce jour en Europe et en Israël, lui ont coûté quelque 3,7 milliards de dollars, mais elles ont renforcé sa recherche et développement de plus de 1 250 personnes.D’autres acquisitions pourraient encore être opérées sur le Vieux Continent au cours des prochaines semaines. Les prospections ont été confiées à Olivier Cognet. Cisco Systems aurait les moyens de procéder à une autre quinzaine de prises de contrôle d’ici à la fin de l’année. “Mais je crains fort qu’il n’y ait pas assez de cibles potentielles”, reconnaît le directeur du développement EMEA ( www.cisco.com).
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