Passer au contenu

Cisco investit dans l’antispam

Le premier équipementier mondial rachète IronPort pour se faire une place sur un marché de l’antispam grandissant. Une preuve de plus du poids que le traitement des pourriels a acquis.

Le monde de la lutte antipourriel est en ébullition. Le 4 janvier dernier, Cisco a annoncé son intention d’acquérir, pour 830 millions de dollars en numéraire et en actions, IronPort Systems, une société spécialisée
dans les passerelles antispam. La transaction devant être conclue d’ici à fin avril.IronPort, qui compte environ 400 employés, deviendra une filiale de Cisco mais conservera son organisation. Elle sera intégrée au groupe sécurité de Cisco qui coordonne les développements dans ce domaine.Ce rachat tombe à l’heure où le spam n’a jamais été aussi vivace. Le prestataire de services de filtrage Postini annonce avoir bloqué en décembre dernier 25 milliards de pourriels pour ses 36 000 clients,
soit 94 % de leur trafic de messagerie. Un chiffre énorme, et en croissance continue.Avec ce rachat, Cisco acquiert une compétence qui lui faisait défaut. Historiquement, l’équipementier s’est spécialisé dans la sécurisation des protocoles, évoluant dans un second temps vers le contenu.
‘ Notre stratégie ne consiste pas uniquement à tirer parti d’un marché porteur, car nous sommes déjà positionnés sur des domaines à forte croissance, tels le contrôle d’admission et le chiffrement SSL. Il
s’agit plutôt d’identifier les points de l’architecture qui peuvent poser problème, et l’e-mail constitue désormais une forte menace pour le réseau ‘,
explique Philippe Cunningham, responsable du
développement des ventes de sécurité chez Cisco.Pour Peter Firstbrook, directeur de recherche au Gartner, ‘ cette acquisition semble logique, IronPort commercialise des équipements dédiés comparables aux routeurs et aux commutateurs de Cisco. De plus, il vend
surtout aux grandes entreprises, un autre point commun. Cela se produit aujourd’hui car le chiffre d’affaires global du marché de l’antispam a dépassé 500 millions de dollars. Cisco n’investit dans des marchés que
lorsqu’ils atteignent ce niveau, sauf quand il s’agit d’acquérir des technologies. ‘
Chez les acteurs de l’antispam, le constructeur Barracuda Networks considère que la marque IronPort va se noyer dans le catalogue Cisco : ‘ Cela fait penser au rachat
de NetScreen par Juniper,
il y a quelques années. La marque a disparu. De plus, IronPort s’adresse surtout aux grands comptes et aux opérateurs tandis que nous
travaillons principalement avec les PME ‘,
assure Paul Thackeray, vice-président et directeur Europe de Barracuda. Secure Computing, un autre concurrent important d’IronPort depuis le rachat de CipherTrust en
juillet 2006, porte un regard positif : ‘ La notoriété de Cisco va valoriser le marché de l’antispam ‘, prédit José Martinez, DG Europe du Sud.

Des routeurs avec service de réputation intégré ?

L’un des points forts d’IronPort est sa forte présence sur le réseau : ‘ Notre base de données SenderBase établit des statistiques sur 25 % du trafic e?”mail mondial. Une note de
réputation est donnée à chaque émetteur afin d’élaguer les pourriels avant qu’ils ne pénètrent le réseau de l’entreprise,
détaille Sébastien Commérot, responsable marketing d’IronPort France. À terme,
notre technologie de service de réputation sera probablement intégrée dans les routeurs de Cisco ‘
, suppose?”t?”il.C’est l’un des points-clés de cette annonce : Cisco possède une telle force de frappe sur le marché du réseau que les concurrents qui n’abordent le problème du spam que par le volet sécurité pourraient se
trouver en difficulté. José Martinez s’en défend et affirme que les routeurs ne sont pas habilités à gérer des moteurs antispam. Dans une note consécutive au rachat, Perter Firstbrook précise que : ‘ Le Gartner
s’attend à ce que Cisco étende le concept de réputation IP à d’autres types de trafic et exploite ses autres composants de réseau comme sources d’information de réputation. ‘
Reste à voir comment
s’effectuera cette intégration.Quoi qu’il en soit, l’architecture antispam ne concerne pas que la passerelle. Tout le monde s’accorde plus ou moins à considérer que la stratégie de lutte est multiniveau, car aucune solution ne parviendra à
résorber complètement les pourriels. ‘ Le spam existe pour deux raisons. D’une part, il rapporte de l’argent à ceux qui le pratiquent. D’autre part, le protocole SMTP a été créé à une époque où Internet
n’était qu’un petit réseau d’universitaires et il n’était pas prévu pour ce qu’on exige de lui aujourd’hui. Le problème est qu’il n’est pas possible de faire évoluer SMTP car on ne peut pas
arrêter Internet pour le mettre à jour. La réponse passe donc par la mise en place d’une série de dispositifs techniques : les listes noires et blanches, le filtrage par émetteurs et récepteurs, le filtrage de contenu,
etc. ‘,
affirme Bernard Ourghanlian, directeur technique de Microsoft France.Peter Firstbrook considère que ‘ cette acquisition fait de SenderBase le standard de fait pour la réputation, et donne un élan au standard d’identification de l’expéditeur DomainKeys Identified Mail (DKIM) soutenu par
Cisco ‘. Microsoft, promoteur de
la technologie concurrente Sender ID, ne partage pas cet avis. ‘ Sender ID équivaut à la présentation du numéro en téléphonie. Il s’agit de vérifier
qu’il n’y a pas usurpation de nom de domaine. Cette technologie, qui sert à améliorer le filtrage, se répand, et 30 % des 500 plus grandes entreprises mondiales l’utilisent. DKIM, porté par Cisco et Yahoo!, est une
technologie intéressante, mais elle repose sur la capacité à authentifier l’émetteur alors que Sender ID n’exige pas de modifica­tions majeures de l’existant. ‘

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Thibault Michel et Renaud Bonnet