En 1999-2000, lors de la grande bulle, les difficultés d’approvisionnement avaient duré 6 trimestres. En 2003-2004, elles auront duré à peine 4 trimestres du fait de la faiblesse du cycle. Est-il donc possible
d’extrapoler ces chiffres à la situation actuelle ? Peut-être, mais pas sans grandes précautions.
Cinq années de sous-investissements notoires
Comme nous l’avons déploré maintes fois dans ces colonnes, le monde du semiconducteur a nettement sous-investi entre 2001 et 2003 puis presque ‘ normalement ‘ sous-investi en 2005. Cela n’a pas eu
de conséquences visibles à court terme car, d’une part, les investissements avaient été extrêmement importants en 2000 compte tenu des besoins réels, et, d’autre part, beaucoup parmi les grands du semiconducteur (dont TI, Freescale ou
Philips) ont décidé de confier une grande partie de leurs fabrications à l’industrie de la fonderie, nettement plus productive et plus souple que l’industrie du semiconducteur traditionnelle.Mais cette politique a aujourd’hui des conséquences : les grands du semiconducteur précités ne peuvent plus couvrir eux-mêmes que la moitié de la demande qui leur est adressée, au grand maximum, pour les circuits en deçà de
0,13 µm (au-delà, leurs anciennes usines ne sont toujours pas saturées, surtout celles qui datent de la bulle de 2000…).Aussi ce qui devait arriver un jour ou l’autre arrive-t-il aujourd’hui : les fonderies ne peuvent plus répondre à un surcroît de production non planifié en circuits sophistiqués. Pour ne rien arranger, même les grands
du semiconducteur qui ont continué à investir, comme STMicroelectronics par exemple, disposent de capacités insuffisantes en circuits avancés car tous, en dehors d’Intel, Samsung, TSMC et AMD, ont rogné sur leurs investissements en 2005 pour
présenter à leurs actionnaires des résultats les plus flatteurs possibles.Ces sociétés trouvent maintenant porte close chez les fondeurs en dehors des limites prénégociées (à notre connaissance, ST par exemple, qui sous-traite normalement 7 % de ses besoins, ne peut pas aujourd’hui aller au-delà
de 9 %).
Branle-bas de combat dans les usines depuis octobre 2005
Les fabricants n’ont en fait compris qu’ils allaient bientôt être pris à la gorge que depuis octobre dernier. Ils ont alors décidé de réinvestir, tous au même moment et pour les mêmes machines susceptibles
d’augmenter le plus rapidement possible leurs capacités de production.Des délais de livraison pour ces machines sont ainsi apparus dès novembre. Résultat : elles ne seront installées et n’entreront vraiment en grande production qu’en mai. Le book-to-bill des équipementiers du
semiconducteur n’a pourtant pas dépassé 1,23 en janvier, nous direz -vous.Cela s’explique : les machines les plus coûteuses, type scanner, ne sont pas encore commandées car la pénurie n’est pas encore généralisée et les actionnaires ne comprendraient pas de grandes relances
d’investissements alors que les prix des circuits n’ont commencé à remonter qu’en février dernier. De ce côté, la confiance n’est pas encore revenue…En outre, monter de nouvelles lignes et les faire fonctionner à plein régime est un tout autre enjeu que d’améliorer la productivité d’une ligne existante : cela peut prendre jusqu’à 18 mois, même si les bâtiments
existent déjà. Délai beaucoup trop long pour répondre à l’urgence du problème.
La réaction risque d’être lente à arriver
Nous en sommes donc aujourd’hui à une phase de branle-bas de combat. Mais avec seulement des centaines de millions de dollars à mettre sur la table pour parer au plus pressé et non des milliards de dollars correspondant à de
nouvelles usines. Cette deuxième étape ne sera envisagée que quand les actionnaires seront sûrs que les prix des circuits seront remontés pour longtemps et que la demande pour livrer à temps se fera de plus en plus pressante.A les entendre en effet depuis deux ans, cette industrie serait désormais condamnée à croître au rythme d’une industrie mature… Il faudra donc d’abord qu’ils changent d’avis. La course aux circuits
rares est normalement partie pour plus d’un an.Si l’on extrapole les situations passées à la situation actuelle, ce cycle s’annonce moins important que celui de 2000 ( il n’y a pas de bulle côté clients) mais plus important que celui de 2004 (la faiblesse de
l’offre en circuits avancés est nette et il n’y a pas de surstocks).Cette pénurie pourrait donc bien durer 5 trimestres, avec une jolie envolée des prix si jamais les acheteurs décidaient de reconstituer des stocks. Echaudés par des restockages exagérés fin 2003 et début 2004, ils seront sûrement,
cette fois-ci, beaucoup plus prudents. Mais cela ne changera pas les problèmes de fond.* Rédacteur en chef d’ Electronique InternationalProchaine chronique jeudi 20 avril
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