La rentrée 2018 a été décrétée par le secrétaire d’État en charge du Numérique, Mounir Mahjoubi, comme celle de la « mobilisation contre l’illectronisme ». Ce concept se définit comme l’illettrisme numérique, c’est-à-dire le fait d’être démuni face à Internet. À l’ère des réseaux, cette inaptitude se transforme en véritable handicap. Loin d’être anecdotique, le phénomène est de plus en plus stigmatisant. Une épine dans le pied de la France qui se rêve en « start-up nation ». Face à ce « diagnostic d’urgence », l’exécutif ne cesse de lancer des mesures en faveur de l’inclusion numérique.
Rien que depuis le début du mois de mars, Mounir Mahjoubi a multiplié les signatures de chartes territoriales « pour un numérique inclusif » de Charente-Maritime jusqu’en Ardèche. Le secrétaire d’État a également inauguré un Emmaüs Connect, centre d’aide au raccrochage numérique, à Strasbourg. Difficile de s’y retrouver dans toutes ces initiatives… Elles s’inscrivent pourtant dans le cadre du Plan national pour un numérique inclusif [PDF], présenté en septembre 2018. Pour faire le tri dans ce fourmillement politique, décryptons en cinq chiffres clés cette stratégie gouvernementale pour relever le défi de l’illectronisme.
13 millions. C’est le nombre de Français « éloignés » du numérique selon le Baromètre numérique de décembre 2018 [PDF]. Autrement dit, les citoyens français n’utilisent pas ou peu Internet et se sentent en difficulté avec ses usages. En détail, un peu moins de la moitié -les « non-internautes »- ne se connecte jamais à Internet et l’autre moitié -les « distants »- dispose d’un faible niveau de compétences numériques. Les variations de chiffres -entre 10 et 14 millions selon les études- résultent de la porosité des catégories. Bien que ces chiffres représentent environ un quart de la population française, l’exclusion numérique concerne clairement en majorité les retraités et les personnes les moins diplômées. Cette fracture virtuelle reflète en fait de réelles fractures sociétales.
31%. C’est la part des non-internautes qui estiment qu’« Internet est trop compliqué à utiliser ». Si l’illectronisme provient d’un éloignement physique des zones d’accès à Internet, il résulte aussi d’un manque de formation. Pour lutter contre ces carences, le plan s’appuie donc sur deux leviers : « le déploiement d’infrastructures pour l’accès de tous à un réseau de bonne qualité et l’accompagnement de chacun dans les usages ». En matière de formation, l’ambition est double. D’une part, il s’agit d’accompagner chaque futur utilisateur vers l’autonomisation et d’autre part d’épauler les « aidants numériques ». C’est pourquoi cette stratégie d’inclusion numérique mobilise les collectivités territoriales, les partenaires sociaux (Caf, Sécurité sociale, Pôle Emploi), certains acteurs économiques nationaux (La Poste, la Caisse des dépôts, etc.) mais aussi les associations spécialisées dans l’aide numérique. Une mobilisation sur l’ensemble du territoire pour renforcer le réseau de médiation numérique regroupé au sein de la Mednum.
50 millions. C’est le budget débloqué pour lancer les « pass numériques ». Mesure phare de ce plan d’action national, ce dispositif est une sorte de chéquier délivré aux publics prioritaires par les aidants numériques qui permet de suivre entre 10 et 20 heures de formation à raison de 5 à 10 ateliers labellisés. Le pass numérique a pour objectif l’autonomie de navigation sur le Web. Pour soutenir ce dispositif, l’État mobilise 10 millions d’euros. 40 millions d’euros supplémentaires devraient être débloqués par le secteur privé et les collectivités territoriales. En amont, un outil clé-en-main a été créé, le « kit d’inclusion numérique » à destination des aidants numériques pour « détecter » les publics en difficulté sur Internet à qui remettre ledit pass. Un diagnostic qui pourra aussi être déterminé via le service public en ligne « Pix », un parcours pédagogique d’évaluation et de renforcement des compétences numériques. Cette plate-forme gratuite est accessible à tous ceux qui veulent améliorer leur agilité numérique et combler leurs lacunes.
Vous êtes une collectivité et vous voulez déployer des pass numériques dans votre territoire ? Déposez votre dossier pour bénéficier du cofinancement de l’Etat 👉🏽 https://t.co/NkVs9r4IcW
— Mounir Mahjoubi (@mounir) March 22, 2019
Dix. C’est le nombre de « Hubs France connectée » qui doivent émerger. L’État et la Banque des Territoires veulent mettre en place une dizaine de « têtes de réseau » pour structurer le maillage territorial de l’aide numérique. Ces entités intermédiaires regrouperont des acteurs publics, privés et associatifs à l’échelle de 2 à 5 départements. Jusqu’en 2020, ces structures bénéficieront d’une enveloppe de 5 millions d’euros pour coordonner les acteurs sur terrain. Les lauréats de l’appel à projet public seront dévoilés dès avril 2019.
5 milliards. C’est le bénéfice en euros calculé par le gouvernement si tous les Français aujourd’hui étaient formés au numérique. Selon, le rapport sur les Bénéfices de l’autonomie numérique [PDF], publié en juillet 2018, les gains d’un numérique inclusif sont nombreux et variés. Dans le détail, les sommes calculées donnent un peu le tournis : si les 13 millions de Français se mettaient à effectuer leurs démarches administrative en ligne, ils généreraient 600 millions d’euros annuels. Un point crucial puisque d’ici 2022 tous les services publics seront disponibles en ligne. Dans une mesure plus réaliste, le bénéfice attendu est de 1,6 milliards d’euros par an si une personne sur trois ciblée -4,7 millions de personnes- devenait autonome sur Internet en dix ans. Même si le secrétaire d’État chargé au Numérique aime rappeler que « l’inclusion numérique est d’abord un sujet d’équité, d’égalité des droits et de cohésion sociale », c’est surtout un puissant levier économique.
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