Cinq alternatives à la carte bancaire

La carte prépayée

Moneytronic, qui va être lancée par la Caisse d’épargne, sera indépendante du compte bancaire.

“Nous avons cherché à développer un moyen qui ne soit pas lié à un numéro de carte bancaire, qui permette à l’internaute de gérer les paiements inférieurs à 1 euro et de rester anonyme“, explique Jacques Schuhmacher, en charge du commerce et des moyens de paiement électroniques à la Caisse nationale des caisses d’épargne. Après de nombreux tests, la banque a opté pour une carte à gratter, baptisée Moneytronic, sur laquelle figure un numéro à 16 chiffres. Pour effectuer un achat en ligne, l’internaute n’aura qu’à l’indiquer dans une case prévue à cet effet sur le site marchand.Pour l’instant, neuf sites ?” de petite envergure, pour l’essentiel (Investir et Futur(e)s, par exemple) ?” ont participé aux tests. Mais Jacques Schuhmacher affirme négocier en ce moment “des partenariats avec des sites très connus ” pour que Moneytronic soit acceptée par les plus grands noms du web marchand. “Pour le commerçant, notre solution est gratuite à l’installation. Nous nous rétribuons à chaque transaction, en restant compétitifs par rapport à la carte bancaire. ” Sur les montants inférieurs à 3 euros, la Caisse d’épargne prélèvera 20 % de la transaction. Une part qui s’élèvera à 10 % sur les montants compris entre 5 et 15 euros, et atteindra un taux comparable à celui du réseau cartes bancaires (environ 2,5 %) au dessus.

D’autres perfectionnements sont déjà à l’étude, comme la possibilité de cantonner l’utilisation d’une carte sur un site en particulier ou de limiter les montants d’achats. Cela pourrait permettre à une enseigne de commercialiser une carte Moneytronic à ses couleurs pour que ses clients puissent y effectuer leurs achats en toute sécurité. Jacques Schuhmacher prévoit aussi la possibilité pour certains marchands (des médias notamment) de distribuer des cartes préchargées. Un bon moyen pour faire découvrir des services payants à leurs clients.

Pour les consommateurs, la recharge de Moneytronic suppose le dépôt de son numéro de carte bancaire sur un téléphone mobile, un site web sécurisé, ou l’utilisation d’un téléphone bifente. Jacques Schuhmacher envisage à terme d’autoriser le rechargement à partir des distributeurs automatiques de billets (DAB) de la Caisse d’épargne ou à partir des publiphones. Seul petit problème attendu lors du lancement : les cartes Moneytronic ne seront pas préchargées comme le sont les cartes téléphoniques. “Nous ne pouvons pas distribuer de cartes préchargées chez les buralistes, par exemple, car nous serions obligés de les rémunérer, ce qui n’est pas possible dans le cas d’une carte qui contient une somme d’argent. Si vous vendez des unités télécoms, c’est envisageable. Mais il est irréaliste de vouloir commercialiser 16 euros une carte qui en contient 15.” Seules les cartes Moneytronic distribuées via les guichets de la banque devraient donc être préchargées. Cet inconvénient n’empêche pas Jacques Schuhmacher de prévoir qu’à la fin de l’année 2002, 1 million de cartes Moneytronic seront utilisées en France. u

La carte bleue virtuelle

e Groupement Carte Bleue proposera bientôt des numéros à usage unique sur le web.

Le principal problème du paiement par carte bancaire en ligne reste la sécurité. Si le numéro de la carte est intercepté par un pirate, il pourra être réutilisé pour des achats frauduleux sur d’autres sites. Le Groupement Carte Bleue, qui représente Visa en France, a donc tenté de développer un système de paiement qui évite à l’internaute de saisir son véritable numéro, tout en payant avec sa carte. Dans les cartons depuis trois ans, le projet a été testé par deux grandes banques en septembre et sera opérationnel dans le courant du mois de décembre. Son nom ? L’E-carte-bleue. Son principe ? Après s’être inscrit auprès de sa banque, l’internaute doit télécharger un logiciel sur son ordinateur. Dès qu’il souhaite effectuer un achat, l’utilisateur passe de son navigateur au logiciel del’E-carte bleue, en indiquant l’identifiant et le mot de passe fournis par sa banque. Le logiciel génère alors automatiquement un nouveau numéro de carte. Ce numéro comporte plusieurs avantages. Tout d’abord il n’est utilisable qu’une seule fois. Dès que l’internaute a validé son achat chez le marchand, cette e-carte n’a plus cours. Mais surtout, pour le marchand, l’opération est totalement transparente. Pour lui, il s’agit d’un numéro de carte comme les autres. Sébastien le Charpentier, chef de projet e-carte bleue au GIE Carte Bleue, prévoit que la majorité des banques affiliées à son réseau devraient proposer la solution dans les mois à venir. Si les éléments tarifaires ne sont pas pour l’instant définitifs, on peut penser que ce système sera commercialisé sur abonnement par les banques ou, plus sûrement, dans le cadre de packages. Sébastien le Charpentier prévoit quelques millions de ” porteurs ” de cartes bleues virtuelles fin 2003.

En quête d’universalité

Toutefois, la solution n’est pas encore universelle. Premièrement, elle est pour l’instant réservée aux possesseurs de cartes bancaires du réseau Visa. Selon nos informations, le Crédit mutuel, qui fait partie du réseau Europay (Mastercard), développerait en ce moment une solution similaire. Sauf que, si chacun des différents réseaux développe son propre produit, les internautes risquent de s’y perdre.

La facturation par les FAI

Régler ses achats online sur la facture de son fournisseur d’accès. Une solution d’avenir.

Le meilleur moyen de faire payer les internautes est peut-être de ne pas les impliquer dans le paiement. C’est en tout cas le parti qu’ont pris WHA et Enition. Pour élaborer leurs technologies, ces deux sociétés ont observé que les fournisseurs d’accès internet (FAI) savent à n’importe quel moment quel internaute accède à quelle information. Logique, puisqu’ils acheminent eux-mêmes ladite information. Enition et WHA ont donc élaboré une offre de paiement en ligne à destination des fournisseurs d’accès.

Dans la pratique, lorsqu’un internaute se rend sur un site payant, par exemple, il n’a qu’à cliquer sur un bouton de validation pour accéder au contenu. En fin de mois, c’est le fournisseur d’accès qui facture ces transactions à son abonné et en redistribue une partie à l’éditeur du service. Pour l’internaute, la formule a le mérite de la simplicité : sur sa facture internet sont rassemblés tous ses achats en ligne du mois. Les deux solutions diffèrent peu, Enition et WHA permettant tous deux de facturer les consultations payantes à l’acte. Enition appor- te la possibilité de facturation à la durée (sur le même modèle que le Minitel) et s’adapte aux téléphones portables. Prometteur, le système a été testé par Reuters et a permis à Enition de lever 15 millions de dollars (16,6 millions d’euros) en septembre. Seule inconnue, et non des moindres : sa réelle capacité à séduire les fournisseurs d’accès. La solution d’Enition est en développement depuis 1999 et n’a pour l’instant été déployée sur aucune plateforme. Jean-Luc Leleu, fondateur de la société, affirme que “des tests sont à l’?”uvre chez de grands FAI européens“. Pour conquérir le marché américain, Jean-Luc Leleu prévoit d’intégrer sa solution dans le matériel réseau (les routeurs) déployé par les fournisseurs d’accès à internet d’outre-Atlantique. On demande à voir.

Le paiement entre internautes

Après Paypal, Minute Pay propose un mode de paiement de gré à gré.

Paypal a bâti toute sa réussite en offrant aux particuliers un système de paiement online facile et bon marché. Il leur faut d’abord ouvrir et approvisionner un compte (par carte de crédit ou par virement) auprès de la société. Pour régler une facture sur internet, il suffit ensuite de transmettre à Paypal le nom du bénéficiaire du paiement, son adresse électronique et le montant à verser. Un système gratuit pour les particuliers, mais payant pour les PME (1,9 % du montant de la transaction).

S la formule paraît tentante, encore faut-il la connaître. C’est pourquoi Paypal s’est allié à des marques très populaires. La start-up s’est fait connaître par le site d’enchères Ebay, dont elle gère aujourd’hui un quart des transactions. Paypal voit passer 165 000 opérations chaque jour pour 8,2 millions de dollars (9,1 millions d’euros), soit une moyenne de 50 dollars par transaction. Ce qui a porté le dernier chiffre d’affaires trimestriel connu de la société à 19,9 millions de dollars pour 10 millions de membres. Les clients américains l’ont fait savoir à leurs amis étrangers. Depuis novembre 2000, Paypal accepte les comptes payants au Canada, en Grande-Bretagne, en Australie, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Nouvelle-Zélande et en France. Fin septembre, la direction de Paypal a bravé les marchés en annonçant son inten- tion de s’introduire au Nasdaq. Bien que toujours déficitaire, Paypal croit ferme en son projet de développement. Tout comme ses soutiens financiers (le Japonais Ebank, l’Espagnol Bankinter, ING Group, l’Américain Providian, le Français Crédit agricole, etc.) qui lui ont apporté 225 millions de dollars depuis ses débuts en novembre 1999.

Le modèle vient d’être répliqué en France par Minute Pay. Parrainée par Banque directe, la jeune pousse vise un million de membres d’ici à la fin de l’année 2002. Et, pour se faire connaître, elle a employé les bonnes vieilles méthodes de son modèle américain : des partenariats avec Ibazar (Ebay France), Lotree et Bingopoly. Une stratégie de développement en Europe est prévue… si Paypal n’y vient pas avant.

Le téléphone surtaxé

e mode de paiement à la durée imputé sur la facture téléphonique est idéal pour les petites transactions.

Pourquoi réinventer la roue ? Plutôt que de chercher un moyen de paiement révolutionnaire, Easyclick (9 Telecom) et Paybytel (Telemedia Groupe) ont préféré utiliser une solution déjà très connue des Français : le téléphone surtaxé. Son principe est simple, puisqu’il repose sur un numéro facturé 0,34 euro (2,23 francs) la minute en moyenne. Directement prélevés sur la facture téléphonique de l’utilisateur, les revenus sont ensuite reversés à l’éditeur du service par l’opérateur télécoms. Pour l’adapter au paiement en ligne, Easyclick et Paybytel ont créé des kits de connexion à internet. Lorsqu’un internaute veut accéder à la partie payante d’un site (par exemple les archives d’un journal), il télécharge un petit logiciel puis coupe son modem. Ensuite, il se reconnecte à internet grâce au kit. Mais le numéro composé n’est plus celui de son fournisseur d’accès ; c’est celui d’Easyclick ou de Paybytel, et la communication est surtaxée. Le principe a aussi été adapté aux internautes surfant au bureau ou à partir d’une connexion câble ou ADSL.

Comme il leur est impossible de se connecter par modem, le site leur indique un numéro de téléphone à appeler. Ils y obtiennent alors un code leur permettant de visualiser les contenus payants. Ce type de solution n’est pas adapté à la vente de biens matériels et semble réservé aux sites qui demandent un grand nombre de micropaiements. Pierre Col, porte-parole de Jet Multimédia, qui a développé Easyclick, avoue tout de même que les services ” pour adultes ” représentent près de 30 % des utilisateurs de sa solution. Il estime que l’ensemble des services génère moins de 150 000 euros mensuels de chiffre d’affaires. Sa société prélève environ 20 % du montant hors taxes de l’appel téléphonique, la société éditrice du service en recevant 50 %. Prochaine étape : éviter à l’internaute de se déconnecter pour passer sur une partie payante. “Cette possibilité, qui existait sur Minitel, est plus compliquée à mettre en place sur internet“, estime Pierre Col. Le remède pourrait venir de France Telecom, moyennant des changements sur son réseau. Mais cela pourrait entraîner des abus, l’internaute ne sachant plus à quel moment ils payent pour accéder aux contenus.

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Alain Steinmann