Voilà deux mois que Patrick Kuban a revêtu son costume de lanceur d’alerte pour expliquer, convaincre et répéter à qui veut l’entendre qu’il faut agir maintenant pour sauver les artistes et le monde créatif de l’intelligence artificielle (IA). Inlassablement, le quinquagénaire répète que lui, comédien voix off et tous ses collègues sont en premières lignes face « au pillage de l’IA ». Celui qui prête sa voix à des publicités, des documentaires, des livres audio et des films martèle qu’il y aura nécessairement un effet boule de neige. Si nous tombons, dit-il en substance, les ingénieurs du son tomberont. Les studios disparaîtront parce qu’il n’y aura plus personne à enregistrer. Viendront ensuite les start-ups qui font de la post-production, puis la production d’images, les comédiens, et tous les métiers de la création, prévient-il.
Tout a commencé il y a quelques mois, se remémore le co-fondateur de l’association Les Voix qui regroupe des centaines de comédiens de voix off ou de doublage. En février dernier, lui et ses collègues ont vent d’étranges enregistrements commandités par une société milanaise. Dans un studio, on demande à des comédiens, pensant avoir été appelés pour faire du doublage, de répéter des démos, avec des intonations différentes. L’exercice surprend, il n’a rien à voir avec une séance habituelle. Les comédiens sur place, intrigués, commencent à poser des questions. On leur explique d’abord que c’est pour de la recherche, avant qu’ils ne découvrent, de fil en aiguille, que leurs voix serviront à entraîner une IA générative. En bout de chaîne, leurs enregistrements permettront de générer des voix artificiellement, voix qui seraient ensuite revendues pour faire du doublage… « C’est une sorte de vol », résume Patrick Kuban, sobrement.
« On ne peut pas prendre une voix comme ça d’un enregistrement et en faire n’importe quoi »
Dans un monde parfait, les choses n’auraient jamais dû se dérouler de la sorte, explique-t-il pendant de longues minutes. D’abord, le contrat aurait dû préciser qu’il s’agissait d’un entraînement d’IA, comme il doit toujours spécifier dans quel cadre une voix est enregistrée, pour quelle œuvre audiovisuelle, quelle publicité, contre quelle rémunération. « On ne peut pas prendre une voix comme ça d’un enregistrement et en faire n’importe quoi », résume-t-il. Comprenez : si l’IA collecte la voix d’un comédien pour s’entraîner, elle doit avoir son autorisation, le comédien doit être payé pour, et l’utilisation de la voix comme donnée d’entraînement doit être clairement spécifiée. « On ne peut pas prétendre une finalité de recherche qui, au final, serait bien commerciale », tacle-t-il.
Cet épisode, considéré comme une première alarme, va le convaincre, lui et l’autre co-fondateur des Voix, de se retrousser les manches pour éviter qu’une telle situation se reproduise. D’abord, ils s’entourent de Mathilde Croze du cabinet Lerins, une avocate spécialisée en droit des nouvelles technologies et données personnelles. « On a parfois tendance à oublier que derrière le doublage, il y a un vrai jeu d’acteur, un vrai travail de création. Il y a un travail d’adaptation culturelle – des blagues, du second sens. Il y a aussi une couche de synchronisation de la labiale à l’image. Donc s’il y a un mot très long dans une langue, il faut l’adapter pour qu’il n’y ait pas un décalage du visage », rappelle-t-elle.
Avec l’IA, « pas d’émotion, de sous-texte, de second degré, d’imaginaire »
Ensemble, ils font l’état des lieux, et décident d’un plan de bataille. Car depuis l’avènement de ChatGPT, de plus en plus de sociétés proposent des voix artificiellement générées. Après Voiseed, on trouve désormais, parmi d’autres, ElevenLabs, qui se présente comme « le logiciel de synthèse vocale et de clonage de voix le plus réaliste ». Comment ces IA fonctionnent-elles ? Les modèles collectent préalablement des milliers de voix qui vont constituer une base dans laquelle elles vont piocher pour reprendre telle intonation de l’un, tel timbre de l’autre, et « créer une espèce de monstre sans âme ni émotion », résume Patrick Kuban. Ce dernier ajoute : « Imaginez qu’on cherche une intonation humoristique. L’IA va prendre dix comédiens qui ont joué cette intention différemment, et elle va faire une sorte de moyenne de toutes ces intentions ».
Et lorsqu’on demandera à l’IA de lire un texte, « il n’y aura pas d’émotion. Il n’y aura pas de sous-texte. Il n’y aura jamais de second degré. A l’inverse, lorsqu’un comédien dit un texte, il y a tout un univers, il y a un imaginaire. Il n’y aura jamais ça avec l’IA », souligne le comédien. Pour ce dernier, la promesse de l’IA de remplacer l’homme par la machine repose sur un mensonge : « On ne pourra pas le remplacer dans ce qui le caractérise réellement. C’est-à-dire l’émotion, le sentiment, les failles, les accidents ».
Cela ne veut pas dire que « nous sommes contre cette technologie, par principe », tient à préciser Patrick Kuban. « L’IA peut être formidable pour reconstituer des voix de personnes décédées pour des documentaires ou lorsque l’on a perdu sa voix, ou encore pour tout ce qui est objet connecté ». Mais pas pour le doublage ou les voix off, et pas pour tous les métiers de la création. « Car si là, on parle de la voix, vous aurez bientôt la même chose sur l’image », explique-t-il. « Demain, on va pouvoir prendre le jeu d’un comédien, et on va pouvoir entraîner les IA sur n’importe quel comédien. Ce seront les prochains à être pillés de leur travail, si rien n’est fait », prévient-il.
La voix, une donnée personnelle protégée par le RGPD
Et justement, la petite équipe qui entoure Patrick Kuban a l’intention d’être particulièrement active, pour éviter d’arriver à une telle éventualité. « En France et en Europe, il y a heureusement le Règlement européen sur les données personnelles (RGPD) qui est là pour rappeler qu’on ne peut pas faire n’importe quoi avec les données des gens », signale Maître Croze. Leur premier plan d’attaque est d’abord d’expliquer aux producteurs de sons, aux studios d’enregistrements et à toute la profession que « juridiquement, la voix est une donnée biométrique, un moyen d’identification. Il s’agit d’une donnée personnelle, protégée par le RGDP, un texte qu’il faut respecter sous peine de se voir appliquer des sanctions salées pouvant aller jusqu’à 4 % du chiffre d’affaires mondial », souligne l’avocate. Ensuite, l’équipe des Voix a commencé à interpeler les politiques, les législateurs, les autorités administratives européennes comme la Cnil en France, toujours pour leur remémorer qu’il y a une loi à respecter et qu’il faut appliquer.
Ensemble, ils travaillent aussi sur des clauses à ajouter sur les sites, dans les contrats – une couche en plus qui rappelle, même si elle n’est pas indispensable, que le contrat se limite à l’utilisation de la voix qui était prévue. Autre mention : le fait que les auteurs des enregistrements s’opposent à ce que leurs voix servent à entraîner des IA, y compris à l’étranger. Car il existe, depuis la directive européenne de 2019 sur le droit d’auteur – un texte adopté avant l’avènement de ChatGPT – une exception dite de « data mining », qui autorise les IA à collecter des données seulement si l’auteur ne s’y oppose pas. Le règlement européen sur l’IA pourrait aussi davantage protéger le monde de la création sur ce point, mais il n’a pas encore été adopté.
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« Au Canada, pas de RGPD ou de consentement de l’auteur à recueillir »
Autre moyen d’action : interpeler les législateurs du monde entier, à travers la création d’un groupement international, « United Voice Artists » (UVA) qui regroupe des associations de dizaines de pays. L’UVA – dont fait partie les Voix et les principaux syndicats d’artistes français – demande notamment aux législateurs européens, dans son manifeste du 25 mai, de réagir, vite. Au Canada, l’initiative n’est pas passée inaperçue. À tel point que l’Union des Artistes au Québec a décidé, tout récemment, de rejoindre le mouvement.
Tania Kontoyanni, sa présidente, explique avoir, elle aussi, pris son bâton de pèlerin. Celle qui est aussi « comédienne de théâtre » tape à toutes les portes dans le pays pour tenter de convaincre qu’il faut davantage protéger les voix de doublage. « C’est la pointe de l’iceberg de ce que tout ce que peut faire l’IA », expose-t-elle. Mais contrairement à l’Union européenne, il n’y a dans le pays ni RGPD, ni un consentement obligatoire à obtenir en cas de collecte de données d’entraînements. « On n’a absolument aucune législation à ce sujet. On en est encore à l’étape de la pression et de l’influence », regrette-t-elle.
Conséquence : « Imaginez un producteur à Hollywood qui veut doubler la voix de Tom Cruise dans toutes les langues du monde. Il va arriver ici et dire, alors, qu’est-ce-que je peux faire ? Est-ce-que je peux reprendre le timbre de Tom Cruise pour le faire parler en québécois ? Et si aucune loi n’existe, il aura le champ libre », s’inquiète-t-elle. Or, mettre des barrières à ces outils d’IA, « c’est une question de survie de toute notre expertise en doublage, et en plus, c’est une question de survie de notre spécificité francophone », souligne-t-elle.
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« Ralentir l’alimentation de l’IA qui prend toutes nos voix, tous nos gestes, tous nos dessins »
Malgré toute son énergie, Tania Kontoyanni confie qu’elle a parfois l’impression de prêcher dans le vide. En particulier lorsqu’elle constate « qu’actuellement, un site propose 5 dollars canadiens pour que vous répondiez, en québécois, à quelques questions sur votre couleur préférée, votre dessert favori. Nul doute que c’est pour enrichir une IA avec des expressions québécoises ». Pour cette dernière, il faudrait « ralentir l’alimentation de l’IA qui prend toutes nos voix, tous nos gestes, tous nos dessins » et veiller à davantage protéger les droits des artistes et des créateurs de contenus. Il faudrait également mettre en place un moratoire, le temps d’avoir un débat sociétal et philosophique sur la direction qu’on veut prendre, expose-t-elle. « Est ce qu’on est prêt à laisser tomber tout un pan de nos artistes et de dire demain, vous n’avez plus du travail ? », se demande-t-elle.
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Un moratoire, c’est aussi ce que demande Patrick Kuban et l’UVA. Il faudrait également mener une réflexion sur la normalisation, détaille-t-il : comment avertir qu’il s’agit d’une voix générée par l’IA, à la radio, au cinéma ? Faut-il conditionner les financements publics à des quotas de travailleurs humains, pour une production ? Problème : en attendant que la machine législative et institutionnelle se mette en marche, « le pillage continue », déplore le comédien. « L’IA, c’est 24H sur 24. Le data mining est en cours, là. Les machines tournent en continu. Il n’y a pas de pause déjeuner ou de pause au festival de Cannes », s’alarme-t-il. Or, « la vitesse de l’IA, ce n’est pas la vitesse de l’humain. Il faut agir non pas dans six mois, mais maintenant ».
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C’est fini pour les comédiens de doublage. Sélection naturelle. Si une machine le fait mieux qu’eux, pour un coût moindre, alors il faudra qu’ils déploient leur créativité sous d’autres formes.
Et arrêtons : c’est du doublage, pas la création de A à Z d’une fiction ou d’une oeuvre majeure. Le milieu du doublage est un milieu fermé, plein de machisme et d’entre-soi, ça n’est pas tout rose non plus.
Bonjour, je suis dans ce milieu, et pardonnez-moi mais vous dîtes n’importe quoi. Milieu Machiste ?!! ha ha ha. Ça sent l’aigreur… Et non une machine ne remplacera jamais l’émotion, la vrai. L’incarnation… Un peu de recherche et de nuance dans vos propos svp. Merci
Ce que tu dis est faux.
La recherche avance très vite dans ce domaine de l’IA générative.
Au Japon, ils ont déjà commencé à créer des programmes télé en images de synthèses ultra réaliste avec de faux comédiens et c’est déjà diffusé …
Et on ne voit pas la différence avec le réel.
De plus, tu ne te projètes pas dans un futur proche.
Ce qui est disponible aujourd’hui n’en restera pas à ce stade : ça va progresser et plus vite que tu le crois.
C’est tout simplement une énième mutation d’un métier comme cela arrive périodiquement, comme c’est arrivé récemment pour tout un tas de métiers, comme c’est arrivé aussi dans un passé plus lointain pour plein de métiers.
C’est l’éternel répétition des luddites.
La machine remplace les tisserands, la machine à vapeur remplace les chevaux, Uber remplace les taxis, les ERP remplacent les employés de back office, les mails remplacent le courrier, les réseaux sociaux remplacent la télévision etc etc …
Moi aussi je l’ai bien connu ce milieu et longtemps.
Et je ne vais pas pleurer pour eux, ils en ont bien profité et souvent sur le dos des stagiaires ou des ingés son qu’on fait bosser comme des ânes payés rien du tout.
Prends la musique enregistrée.
De 1950 à 1990 ça a été l’ère du disque.
En 2000 est venu la dématérialisation et donc la mort des supports physiques, ce qui a conduit à la mort de la musique vendue sur des supports physiques.
Aujourd’hui on a le streaming qui rapporte rien du tout comparé à ce que rapportait par le passé les ventes de vinyls ou de CD.
Ce métier est revenu à ses bases : la scène.
Il en sera de même pour les comédiens donc.
Ce métier va retourner à ses bases : jouer la comédie sur scène devant un public.
Et c’est tout.
Oui une machine remplace des emplois, oui.
Et ça se passe tout le temps dans le monde depuis le 19ème siècle.
Il y a des phases de stagnations et parfois avec les avancées techniques ça accélère d’un coup, ce qui est le cas aujourd’hui avec l’IA générative.
C’est un processus normal, on appelle ça une mutation.
Toi tu ne sens pas l’aigreur mais tu sens le manque de capacité de compréhension, et l’incapacité à te projeter à + 10 ans du présent …
Il est juste évident que c’est le tour des voix-off et que demain ce sera le tour des comédiens.
D’ailleurs on en voit les prémices depuis un moment déjà : rajeunir des comédiens au cinéma c’est déjà un début de remplacement du comédien par la machine.
Dans deux des films Terminator par exemple, dans le film Benjamin Button aussi …
Enfin je vais conclure par ceci.
Est ce que le métier de comédien est vraiment faire de la voix-off ?
Est ce que le métier de musicien ou de chanteur est de faire des disques ?
Réponse : non.
Les voix-off tout comme la musique enregistrée sont des exceptions dans l’histoire des métiers de la musique et de la comédie.
Voix-off a été une application du métier de comédien qui est, si on prend le temps long, une exception anormale dans l’histoire du métier de comédien.
Beaucoup ont confondu, perdu de vue cela car l’exception a duré un certain temps et ils ont cru que cela était le coeur de ce métier.
La vraie nature, le fondement de ces deux métiers c’est la scène et rien d’autre.
Et donc tout naturellement, l’exception historique, puisque c’est une anomalie rendue possible par des circonstances passagères, doit prendre fin tôt ou tard.
Et c’est bien de cela dont il est question aujourd’hui.
Voix-off, on peut poser les bases de ce job avec les feuilletons radios au début du 20ème siècle.
La radio et la télévision sont aujourd’hui en perte de vitesse, quand il n’y aura plus de boomers sur terre, il n’y a aura plus de public pour ces deux médias, on le sait déjà ça, les jeunes générations ne regardent plus la télévision et écoutent encore moins la radio.
Ce que je veux dire par là c’est que dans l’histoire, parfois peut naitre des phases transitoires qui permettent certaines activités. Et ces activités ne sont certainement pas pérennes puisqu’elles découlent de circonstances exceptionnelles.
Il y aura toujours des comédiens de théâtre, ça oui.
Par contre pas sûr qu’il y ait encore des voix-off dans 10 ans et peut être même que dans 30 ans, il n’y aura plus de comédiens de cinéma, remplacés par des comédiens de synthèse. Et franchement quand on voit le cinéma actuel toutes ces franchises Marvel et autres, il en faudrait pas beaucoup pour faire basculer les comédiens dans les effets spéciaux en produisant des comédiens de synthèse …
Je ne sais plus qui avait dit cela dans les années 1980, un réalisateur d’Hollywood qui ne voulait pas aller à la cérémonie des oscars parce qu’il n’avait pas envie d’assister à une remise de prix à un robot ou à dauphin …
Bref, tu te trompes et dans les grandes largeurs, c’est toi qui dit n’importe quoi parce que oui aujourd’hui une machine peut remplacer un comédien et même un écrivain figure toi.
On peut le déplorer, on peut ne pas être d’accord, pourtant on en est qu’au début et cela entrainera des mutations comme cela se passe toujours dans l’histoire.
Si les majors peuvent faire des économies sur les doublages en plusieurs langues de leurs films et séries , ils n’ésiteront pas une seconde à se passer des acteurs au profit des IA .
Le milieu du doublage est un petit milieu très fermé et pour lequel (presque) tout se passe à Paris. Je suis du même avis que Bernard : si une machine fait mieux le travail, à moindre coût de surcroît, alors tant mieux (et pour contredire Alexis, si, avec l’IA on pourra obtenir sous peu un vrai sentiment d’incarnation, ça avance très vite). On n’a pas interdit la voiture pour faire plaisir aux vendeurs de chevaux (ni vu aucun de nos comtemporains s’émouvoir de leur disparition). Ca s’appelle le progrès.
Les doubleurs d’aujourd’hui sont les poinçonneurs d’hier… oui ce métier est mort, mieux vaut en considérer un autre que d’essayer de le défendre. Et oui les IA auront prochainement de l’émotion, de l’incarnation. Et si les IA ne peuvent piocher dans des bibliothèques de voix pour s’en inspirer elles créeront leurs voix.
J’ai connu ce monde là en tant que technicien son.
On appelle ça abusivement ingénieur du son …
Et j’ai croisé plusieurs fois Patrick Kuban qui est une personne très sympa.
Mais bon.
Moi j’ai envie de lui dire ainsi qu’à tous les patrons de studio que vous vous êtes bien gavés pendant des années, que les voix et les patrons de studio ont bien remplis leurs poche en exploitant bien leurs employés payés à coup de lance pierre par rapport aux heures passées. Les gros cachets, les sur-facturations, le fric qui coule à flot pour toujours les mêmes, c’est fini ce temps là …
Donc moi je ne vais pas vous plaindre ni vous pleurer.
J’étais aux premières loges pendant plus de 19 ans à voir l’arrogance du haut du panier des voix off ainsi que les Tenardiers des temps moderne, les patrons de studio.
Aujourd’hui vous vous faites rattraper par la patrouille …
Comme beaucoup avant vous : les taxis avec Uber, les employés de back office avec tous les outils robotisés de bureautique, les ERP etc …
Et vous aurez beau tenter de vous liguer, de prendre des avocats, hé bien le temps aura raison de vous parce que tout simplement c’est la marche de l’histoire.
Nous n’en sommes qu’au début de ces technologies, imaginez d’ici 10 ans où on en sera.
Ça revient à vouloir arrêter la mer avec ses mains en gros.
Il va se passer ce qu’il s’est donc passé dans d’autres milieux professionnels : tout ce qui permet d’aller plus vite, moins cher, plus simple sera tout simplement adopté pour devenir la norme.
Rappelez-vous les grandes manifestations et blocages de taxis contre Uber.
Ça n’a pas empêché Uber de s’installer.
De même l’industrie musicale de la musique enregistrée, aujourd’hui c’est fini, tout est gratuit ou du moins facilement accessible gratuit pour tout le monde.
Ça a généré quoi ça ?
Le retour au vrai boulot des artistes : faire de la scène, ce qui était le coeur du métier d’artiste musical avant l’ère de masse des enregistrements, soit avant les années 1940.
Donc oui Patrick Kuban, le métier de voix off, tu poses tes fesses dans un studio de post prod, tu fais ta séance de 1 heure bien payée, ça c’est fini que tu le veuilles ou non …
Le métier de comédien va retourner à ses bases : jouer de la comédie sur une scène devant un public.
Tu pourras prendre 200 avocat, monter 1000 syndicats, essayer d’interdire tout ce que tu veux, tu n’y changeras absolument rien du tout.
Moi je t’invite à relire tout ce qui concerne les Luddites, et l’économiste Schumpeter parce que ce qu’il arrive n’est pas nouveau loin de là …
ah là Nicolas, tu touches là ou ça fait mal. cela sent le vécu 🙂
à peu près du même milieu ( post prod., traductions simultanés, mixages… ) j’ai aussi vu les dérives dans le domaine, je ne peux que valider tes propos.
Mais l’IA ne va pas faire pleurer que les nantis. à (très court) terme c’est le monde de la création dans son ensemble qui va souffrir. et c’est inéductable car la technique a toujours été plus vite que le législatif. une pensée particulière à nos free-lances, intermittants du spectacle, pigistes, rédacteurs, graphistes, photographes et autres métiers de l’audio visuel qui vont souffrir. le copyright semble avoir veçu.
Non il ne va pas souffrir.
Il va se transformer.
Ceux qui souffriront seront ceux qui auront été incapables d’anticiper ces transformations.
Oui j’étais en post prod radio / télé pubs, documentaires, programmes télé et radio etc …
Pendant 20 ans.
Je ne vais pas me plaindre, j’ai pu pendant 10 ans très bien gagner ma vie mais en passant du côté créations musicales et puis j’ai dû m’arrêter pour des problèmes personnels, et je n’en pouvais plus de ce milieu également.
Pour ce qui est de la post prod, c’est un milieu d’escrocs et de margoulins, tout ceux qui l’ont vu de près ne peuvent pas dire le contraire ou bien alors ils sont de mauvaise foi.
Je ne suis pas comme ça, et est-ce un tort ou pas, je n’ai jamais pu me plier à cet état d’esprit pourri.
En passant, si la caisse des intermittents est déficitaire chronique, on sait tous pourquoi elle l’est. Les nombreux abus, les heures inventées des studios en échange d’un billet pour le patron des studios …
Bref.
Patrick Kuban, moi je n’ai rien contre lui. C’est un type sympa que j’ai pu croiser plusieurs fois. Ce n’est pas le pire de ce milieu, loin de là.
Je voulais simplement rappeler les bases et voir ce sujet sur le temps long.
Il est évident que comédien à la base c’est la scène et non faire des voix dans un studio.
Ce n’est donc qu’un juste retour des choses à la normale et cela devait se produire à un moment tôt ou tard.
Croire en outre que la machine ne va jamais remplacer des créatifs c’est simplement se tromper parce que ça a déjà commencé dans de nombreux domaines : écriture, journalisme, son, image, vidéo, graphisme etc …
Les mutations arrivent tout le temps partout dans tous les domaines, alors pourquoi en serait-il autrement pour ce milieu ?
De plus personne n’a pu empêcher ces mêmes mutations à part pour des domaines bien précis et dangereux comme la génétique par exemple. Et encore, qui sait si quelque part dans un labo, on n’a pas déjà cloné des humains …
Le monde change, les loisirs changent aussi, et les moyens de produire tout cela change également.
Il y a à peine 40 ans en arrière, ce qui n’est rien pour le temps long, les gens n’avaient guère le choix en matière de loisirs de masse : cinéma, télé, livres, musique sur des disques.
Aujourd’hui : voyages pas chers pour les masse, youtube, réseaux sociaux, jeux vidéo, netflix, musique gratuite à profusion en streaming ou pirate ou sur youtube, etc etc …
Les changements, les mutations c’est normal, ça arrive tout le temps.
Si on prend 200 ans d’histoire, le job de comédien c’est de jouer la comédie sur scène, c’est la vraie nature de ce métier, la base de ce job.
Je remarque simplement que les technologies revoient souvent des métiers séculaires à leurs fondements et d’autres boulots que j’associerai plus à des emplois et non à des métiers à la poubelle.
Si on prend celui d’ingé son par exemple. Avant il fallait manipuler des bandes, des consoles énormes, des machines physiques etc ..
Aujourd’hui tout est virtuel et simple et les outils ne coûtent plus rien par rapport à avant.
Ce qui a conduit à fusionner ce boulot avec ceux de l’image et n’en doutez pas ça n’en restera pas là évidemment.
Il y a aura toujours des comédiens, ça existe depuis l’antiquité mais pour jouer la comédie sur une scène en vrai, en réel.
Tout comme il y aura toujours des musiciens pour jouer de la musique live sur une scène.
De même il y aura toujours des écrivains, mais plus par exemple pour rédiger des articles inutiles dont la rédaction peut être robotisée et elle l’est déjà d’ailleurs de plus en plus. Les écrivains écriront donc des récits, des histoires que seul un humain peut produire et ce sera diffusé par des moyens dont on n’a pas idée encore.
Ça prendra sûrement d’autres formes que celles qu’on connait aujourd’hui mais ça sera toujours là.
En revanche voix-off, cinéma, et autres moi j’ai de sérieux doutes dans un futur lointain.
On a déjà tout le nécessaire pour se passer de l’humain dans de nombreux domaines actuels.
De plus, on voit poindre des vecteurs de diffusion disrupteurs avec la VR et les casques de réalité virtuelle ou augmentée par exemple.
On pourra aller au ciné en restant chez soi sans être obligé d’avoir un home cinéma …
Et qui peut dire ce qui sera inventé d’ici 10 ans encore ?
Déjà les smartphones ont induit des transformations énormes en matière d’économie des loisirs.
Sortez dehors et regardez autour de vous : tout le monde a le nez collé sur son téléphone à visionner des trucs. La télé est donc déjà morte …
Donc oui ceux qui finiront à la poubelle seront ceux qui n’auront pas compris tout ça.
Ceux qui auront été incapables de s’adapter, ce qui reste la preuve ultime d’intelligence, le pouvoir d’adaptation aux circonstances.
Et sans être méchant, je veux dire que, il est traditionnel de voir ceux qui sont dans le déni, et ceux qui essayent de s’opposer vainement à la marche des choses comme semble le faire Patrick Kuban.
Il espère quoi ? Un moratoire sur l’IA pour sauver les comédiens de voix-off ?
Si les voix refusent de donner leurs voix pour alimenter des bases d’IA, alors ils iront prendre des voix d’autres personnes et puis c’est tout.
Ça existe déjà d’ailleurs, allez écouter les voix artificielles de Google par exemple, c’est juste bluffant.
Vous croyez vraiment que ce milieu est d’une importance si cruciale que les états agiront pour interdire les avancées techniques dans ce domaine ?
On ne parle pas de génétique là, mais de voix-off …
Lui ( Patrick Kuban ) et d’autres en ont bien profité pendant des années. Tant mieux pour eux. Maintenant on passe à autre chose et le temps semble venu de céder sa place.
Toutes les bonnes choses ont une fin.
À lui et aux autres de réinventer leurs jobs plutôt que de vouloir espérer pouvoir faire perdurer un truc déjà obsolète.
Je vais ajouter un dernier truc.
J’y ai repensé en écrivant.
J’ai vu plusieurs choses ces derniers temps.
De l’IA générative pour créer de la musique de fond sonore.
Ça existe et ça marche même très bien.
Et c’est amplement suffisant pour l’utilisation en fond sonore.
C’est paramétrable comme on veut et ça réagit très vite en plus.
Et un groupe amateur qui a créé un album factice de Oasis avec un faux Liam Gallagher qui chante. C’est un programme qui chante et la musique est jouée live.
Alors ok, ils ont noyé le chant pour masquer les défauts, ok on entend de l’aliasing et même beaucoup et parfois on distingue clairement le côté robot.
Mais globalement c’est juste bluffant, la plupart du temps on dirait un vrai chanteur et on reconnait très bien le style et la voix de Gallagher, on se fait berner.
Et je souligne que ça a été fait par des amateurs sans moyens conséquents.
Imaginez maintenant une major comme Universal ou Sony qui se mettrait à produire ce genre de choses avec une tonne d’argent et des spécialistes dans le domaine.
Personne ne saurait distinguer ce qui serait artificiel ou pas tout simplement.
Donc tout est déjà là à disposition.
Alors vous allez me dire pourquoi personne ne s’en emparerait pour produire des choses maintenant ?
C’est évident que dans un futur proche, on va voir se multiplier des productions de ce genre et personne ne pourrai s’y opposer.
Et tiens un autre truc et puis fini lol.
Dans les années 1980 on a vu arriver les synthétiseurs, les samplers.
À cette époque, on avait un type de musicien bien particulier : le musicien de studio.
Il gagnait très très bien sa vie celui là. Du moins pour le haut du panier.
Et les studios également : les Davout, Ferber, Grand Palais, etc …
Lorsque sont arrivés ces machines d’un nouveau genre, les premières à s’être imposées ont été les boite à rythme.
Les batteurs à cette époque rigolaient : oui oui, jamais ça ne pourra nous remplacer nous les batteurs. On ne pourra jamais remplacer notre feelling, notre jeu etc …
Ça ne vous rappelle pas cet article par hasard … ?
Hé bien que s’est-il passé ensuite ?
Les musiciens de studio ont tous été remplacés du batteur jusqu’au guitariste en passant par les bassistes en moins de 10 ans.
Et au passage la musique a changé aussi : est arrivé la techno, le rap, la nouvelle pop etc …
Alors oui il existe encore de la musique jouée mais par des groupes, il reste très peu de musiciens de studio aujourd’hui d’ailleurs.
Ces musiciens de studio ont basculé vers la scène et il est très dur d’en vivre correctement à part pour les mega star de ce métier qui se compte sur les doigts de deux mains à peine.
Y-a-t’il eu un Patrick Kuban à cette époque qui a voulu syndiquer tout le monde pour interdire les synthés et les samplers ?
À ma connaissance non.
Mais si une telle personne avait existé aurait-elle pu endiguer l’arrivée de ces machines et leur utilisation ?
Réponse : NON.
Parce que c’est comme ça, c’est la marche des choses, c’est le progrès, c’est l’évolution, appelez ça comme vous voulez, mais le monde change et on n’y peut rien, tout simplement.
Dans cet article, la seule personne que je peux identifier qui va se faire plein d’argent, c’est l’avocat … 🙂
Plein d’argent sur le dos d’un espoir vain de vouloir interdire un truc impossible à arrêter.
Déjà les législations sont différentes partout et dans le monde anglo saxon, ils sont plutôt libéraux : contre le copyright le plus possible, contre les interdictions en général et c’est leur logique qui s’impose partout et encore plus dans les milieux artistiques.
D’autres ont déjà essayés, et c’est pour ça que je parle beaucoup, parce que les exemples d’échecs de volonté de s’opposer à ce type de phénomène du même genre sont légion.
Les majors du disques ont longtemps dilapidé des fortunes en avocats en voulant s’opposer à l’avènement du MP3 et du pier to pier.
Elles ont échoué et ont du finir par se résoudre à devoir s’adpater.
Même Pascal Nègre avait déclaré il y a déjà un bon moment que le merchandising devait être une priorité pour sa maison de disque.
Vendre des T Shirt quoi en gros.
À l’époque tout le monde s’était moqué de lui.
C’était tout simplement l’aveu de sa part qu’il a fini par comprendre et céder à la marche de l’histoire.
Et il en sera de même ici pour les voix-off.