Partant du constat que le directeur des systèmes d’information (DSI) français ne fait pas suffisamment carrière au sein de son entreprise et qu’il reste trop confiné au domaine de l’informatique, Christophe Duthoit défend l’idée selon laquelle les pairs du DSI sont davantage les autres managers de l’entreprise que les DSI des autres entreprises. Pour lui, en effet, c’est à travers la connaissance des métiers et le dialogue permanent avec les différents directeurs opérationnels que le DSI parviendra à marier informatique et performance économique. Cette symbiose est indispensable aux entreprises qui parviennent à transformer en vecteur d’innovation les technologies de l’information. Organisées de façon matricielle, elles ont décloisonné leurs fonctions traditionnelles. A cette spécificité de l’entreprise numérique correspond un rôle spécifique du DSI.Comment marier informatique et performance d’entreprise ?En France, un DSI naît informaticien et conduit toute sa carrière dans l’informatique. Mais il existe des entreprises ?” américaines et aussi françaises ?”, où le DSI a dirigé une autre direction opérationnelle. C’est, à mon sens, une bonne stratégie, car on a alors affaire à un manager qui a déjà été confronté à la réalité économique de son entreprise. Certaines, comme General Electric, en font une règle : le patron de l’informatique doit nécessairement connaître les autres métiers de son entreprise. Si on peut pratiquer cela plus souvent, c’est mieux que de voir les DSI occuper toujours la même fonction dans plusieurs entreprises. Car il est rare, dans ce dernier cas, qu’ils en connaissent bien le c?”ur de métier. Il est assez étonnant, par exemple, de constater que, pour plus de la moitié des groupes français du CAC 40, le parcours professionnel du DSI s’inscrit exclusivement dans l’informatique au travers de multiples employeurs et, pire, de secteurs d’activité différents. Il est indispensable, par ailleurs, que le DSI appartienne au comité de direction : pour faire partie de ses pairs, il faut qu’il participe aux mêmes réunions qu’eux.Dans l’entreprise numérique, les pairs du DSI sont donc les autres managers, et non les DSI des autres entreprises ?Tout à fait. Et cela même si l’on prête toujours un statut à part au DSI dans ce type d’entreprise. La symbiose entre informatique et métier n’existe pas lorsqu’on laisse trop l’informatique à des spécialistes. Mais des remèdes existent. Il serait bon, par exemple, que le Medef s’intéresse davantage à l’informatique. Le comité exécutif d’une entreprise est une instance collégiale, où, si chacun représente sa direction, chacun est également en mesure d’entretenir des actions au-delà de son périmètre opérationnel. Cette attitude est indispensable à toute démarche d’innovation.Cela suppose-t-il de disposer de compétences spécifiques ?Le DSI doit à la fois être capable de parler le langage de son entreprise, et donc être un manager opérationnel, et disposer de la crédibilité nécessaire en matière de technologies. Mais attention, cette crédibilité ne suffit pas. Impossible de gérer l’informatique d’une entreprise dont la valeur ajoutée s’appuie sur les technologies de l’information en s’intéressant uniquement à la technologie. Le DSI ne peut plus se limiter au simple rôle de fournisseur. Il doit se montrer proactif. Et la seule façon d’y parvenir est d’être proche des directions opérationnelles. Or, ce n’est pas seulement un état d’esprit. C’est aussi une compétence.Le DSI doit-il être avant tout un manager du changement ?Il ne possède pas toujours la légitimité nécessaire pour exercer ce rôle. Surtout s’il est uniquement responsable de l’informatique.Certaines organisations favorisent-elles ce nouveau rôle ?Oui, celles qui fonctionnent en mode matriciel. Elles permettent au DSI d’être un patron à deux têtes. Il reste l’opérationnel du système informatique et peut s’appuyer sur des instances transverses pour conduire les changements amenés par les technologies de l’information. Mais ce type d’organisation nécessite une grande maturité, car les dirigeants doivent accepter la contradiction et savoir prendre ailleurs les choses utiles. Les firmes multinationales se rapprochent de ce modèle matriciel, car elles sont découpées en unités régionales, disposant chacune de sa propre organisation fonctionnelle. Aujourd’hui, les laboratoires pharmaceutiques s’en rapprochent également.
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