Le 7 novembre 2000, Transmeta fait une entrée remarquée au Nasdaq. Cette petite société de Santa Clara (Californie) travaille en grand secret depuis 4 ans à un nouveau type de microprocesseurs, baptisés Crusoe. Des puces à faibles consommation d’énergie et dégagement de chaleur. Une aubaine, au moment où les fabricants d’ordinateurs portables allègent leurs produits en gérant l’autonomie, toujours trop courte, des batteries.
Un actionnariat prestigieux
Si la société n’a guère fait parler d’elle depuis sa création en 1995, elle dispose déjà d’une carte de visite prestigieuse. À commencer par ses actionnaires ou investisseurs : le milliardaire Georges Soros, Paul Allen, cofondateur de Microsoft, Sony, Compaq, AOL ou Gateway. Parmi ses ingénieurs, on compte un certain Linus Torvalds, père spirituel du système d’exploitation Linux… Côté clients, on retrouve tous les fabricants de portables japonais : NEC, Fujitsu, Sony, Casio, Hitachi et bientôt, sans doute, leurs concurrents américains. Il n’en faut pas plus pour créer un ” buzz “, d’autant plus naturel que la société exploite un créneau qui a miraculeusement échappé à son puissant voisin Intel, leader mondial des microprocesseurs. Le jour J, investisseurs, institutionnels ou non, se ruent sur le titre. L’action Transmeta s’envole et frôle les 51 dollars (57,13 euros). L’opération rapporte quelque 273 millions de dollars. C’est l’euphorie.Douze mois plus tard, l’action se traîne péniblement sous la barre des deux dollars, après une chute de plus de 90 %. Depuis le début de l’année, les problèmes s’accumulent. Peu après l’introduction, Transmeta doit rappeler en usine quelque 300 portables NEC, dont la puce Crusoe s’enraye si l’utilisateur tente de réinstaller le système d’exploitation. Puis, les poids lourds du secteur se réveillent. IBM, Hewlett-Packard, Compaq, Sun et Dell déboulent sur le segment des serveurs ultraplats. Cela fait les affaires d’Intel, leur fournisseur attitré, qui lui aussi travaille sur ce segment : les atouts technologiques de Crusoe n’ont pas échappé à Intel, la firme californienne, qui dispose d’une redoutable logistique marketing et commerciale. Ses argumentaires, jusque-là fondés sur la puissance de ses processeurs, mettent soudain l’accent sur le faible différentiel de consommation d’énergie existant entre ses puces et celles du jeune concurrent aux dents longues. C’est un coup dur pour Transmeta. D’autant qu’Intel possède, lui, les infrastructures nécessaires pour produire à grande échelle. Transmeta se tour- ne alors vers le Taïwanais TSMC, à qui il confie la fabrication de sa prochaine génération de puces. Nouvelles complications. Les premiers exemplaires destinés à Toshiba ne tiennent pas la route.
Une crise au sommet
Du coup, les cadors américains de la micro-informatique, qui avaient – du bout des lèvres – exprimé leur intérêt pour Crusoe, réintègrent le carnet de commandes d’Intel, barrant la route du marché américain pour Transmeta. L’onde de choc est amplifiée par la conjoncture économique qui se détériore à vue d’?”il. Conséquence, au sommet de la hiérarchie, c’est la crise. En mars 2001, David Ditzel, président et fondateur, quitte le navire. “Tôt ou tard, nous décrocherons un contrat en OEM [de sous-traitance, ndlr] avec un constructeur américain !“, clame son successeur, Mark Allen. Il ne restera que sept mois en poste, avant d’être débarqué manu militari par Murray Goldman, président de la société. “ Le conseil d’administration ne cache pas sa déception quant aux [derniers] résultats“, rage-t-il lors de la publication des résultats du troisième trimestre 2001, pour lequel le chiffre d’affaires atteint 5 millions de dollars et la perte nette 29,4 millions.Un an après son introduction en Bourse, Transmeta est totalement marginalisée. Sa présence sur l’archipel nippon ne lui offre qu’une niche, estimée par IDC à 2 % du marché mondial des microprocesseurs pour ordinateurs portables. Transmeta tente aujourd’hui d’exploiter de nouveaux gisements, comme l’électronique embarquée ou les systèmes sur puce, pour gonfler des volumes de production guère supérieurs à 500 000 pièces par an, quand le standard évolue autour du million d’unités. Sa prochaine génération de puces devrait apparaître à l’été prochain. D’ici là, des prédateurs pourraient bien se montrer…
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