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Chez le vendeur en ligne Zalando, les magasiniers parcourent 20 km par jour

L’une des stars de l’e-commerce européen est épinglée pour ses conditions de travail harassantes, après un reportage télévisé mené à la caméra cachée. Effrayant.

Zalando, c’est pire que la Stasi ». C’est avec ces mots que l’un des salariés de l’entrepôt d’Erfurt, en Allemagne, résume ses conditions de travail, dos à la caméra. Etoile montante de la vente en ligne en Europe, le groupe Zalando traverse une tempête outre-Rhin après la diffusion, lundi 14 avril, d’un reportage télévisé retransmis par la chaîne RTL.  Ce documentaire d’une vingtaine de minutes relate l’infiltration incognito d’une journaliste, Caro Lobig, au sein du principal site de traitement logistique de la société allemande, où 2.000 salariés empaquettent et envoient quotidiennement les milliers de produits commandés d’un clic par les amateurs du shopping sur internet.

Centre logistique Zalando près d'Erfurt
Centre logistique Zalando près d’Erfurt – Centre logistique Zalando près d’Erfurt

Employée trois mois durant comme « picker », i.e. magasinière, celle-ci y décrit des journées harassantes, durant lesquelles elle parcourt entre 18 et 27 kilomètres à pied en huit heures pour récupérer un à un les articles dans les immenses étalages du site. Les temps de repos sont réduits au minimum et les fouilles du personnel sont fréquentes et organisées de manière aléatoire, en fin de service. Les salariés sont incités à dénoncer les éventuels voleurs, avec à la clé une prime de 500 euros. « Nous sommes perpétuellement soumis à des contrôles et à une énorme pression de rendement », affirme la journaliste, qui dénonce des atteintes au droit du travail.

S’asseoir est très mal vu

Grâce aux scans successifs des articles, le mouvement des « pickers » est sous un contrôle quasi géolocalisé. Les performances sont enregistrées à la minute près et poussent les salariés aux limites de leurs capacités physiques.  S’asseoir pour se reposer est très mal vu par les chefs d’équipes qui brandissent la menace d’un avertissement disciplinaire à ceux qui s’y risquent. Résultat : les salariés sont au bout au rouleau, les ambulances interviennent presque tous les jours. En 2013, un salarié est même mort d’une crise cardiaque dans les toilettes.

Pour éviter ce genre de situations, les maillons faibles sont soigneusement exfiltrés, à commencer par ceux qui souffrent de maladies chroniques. « Le service du personnel de Zalando a donné comme consigne qu’il ne fallait pas trainer un malade chronique pendant plus de six mois dans l’entreprise », explique dans le reportage Marlen Schröder, une responsable du syndicat Verdi.     

Fouille des salariés chez Zalando
Fouille des salariés chez Zalando – Fouille des salariés chez Zalando

Zalando, jeune pousse fondée en 2008 qui a crû à toute vitesse ces dernières années, vend chaussures, vêtements et meubles par endroits dans presque toute l’Europe de l’Ouest, les pays scandinaves et s’est lancée à la conquête de l’Est avec son nouveau site polonais.

Misant sur une communication offensive autour de la cliente qui hurle de bonheur en recevant son colis, l’entreprise, qui étudie une introduction en bourse, a vu son chiffre d’affaires progresser de 50% à 1,8 milliard d’euros l’an passé, sans toutefois parvenir à dégager de bénéfice pour le moment.

Si les griefs formulés contre ses méthodes ne sont pas nouveaux, ils jettent une nouvelle fois l’opprobre sur un secteur d’activité régulièrement accusé, en Allemagne comme ailleurs, de faire peu de cas de ses salariés et de tenter d’écraser la concurrence par tous les moyens.

L’an dernier, le géant américain de la vente en ligne Amazon s’était retrouvé au cœur d’un scandale après un reportage de la chaîne allemande ARD, qui lui reprochait de recourir à une agence de sécurité employant des néonazis pour surveiller certains de ses salariés en Allemagne. Ces derniers, pour la plupart étrangers, touchaient en outre des salaires inférieurs à ceux qui leur avaient été promis.

« Sklavando »

Avec ces nouvelles révélations, le débat est reparti de plus belle dans le pays sur les conditions de travail au sein de Zalando, dont le nom a été détourné en « Sklavando » par ses détracteurs sur internet. Adepte d’une communication directe avec ses clients sur les réseaux sociaux, la société est montée au créneau dès la diffusion du reportage pour contester ces accusations: « Il y a beaucoup d’émotion, mais il faut aller au-delà », a-t-elle réagi sur sa page Facebook.

A l'intérieur du centre logistique d'Erfurt
A l’intérieur du centre logistique d’Erfurt – A l’intérieur du centre logistique d’Erfurt

« De notre point de vue, la présentation des faits ne correspond pas du tout à la culture au sein de l’entreprise et à l’état d’esprit des salariés », a-t-elle encore affirmé sur son site internet le lendemain, promettant toutefois d’étudier « les points sur lesquels ces critiques sont justifiées et s’il s’agit d’erreurs systématiques ou d’erreurs individuelles ».

Zalando, qui a entamé une procédure en justice contre la journaliste pour rupture du secret professionnel, affirme aussi que dans une enquête interne, réalisée en partenariat avec un institut de sondages indépendant, 88% de ses salariés disent leur plaisir à travailler. Mais pour Stefan Najda, porte-parole du syndicat Verdi interrogé par l’AFP, « les salariés ont peur, ils sont souvent employés en contrat à durée déterminée, il n’y a aucun comité d’entreprise et ceux qui en parlent sont licenciés ». « Nous n’appelons pas du tout au boycott (…) mais je conseille aux clients de ne pas avoir toujours pour seul critère le prix », ajoute-t-il.

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Gilbert Kallenborn, avec AFP