Les entreprises de nouvelles technologies sont les bienvenues. Mais sous conditions.
A New Delhi comme à Pékin, les gouvernements ont tout fait pour que les entreprises étrangères n’arrivent pas en terrain conquis. ” Les gouvernements ont incontestablement tiré la leçon des crises économiques qui continuent de secouer le sud-est asiatique “, relève Bobby Chao, capital- risqueur spécialiste de la Chine dans la Silicon Valley et président de Dragon Ventures. Que ce soit par l’intermédiaire de zones franches, comme le Software Technology Park en Inde, ou par la simplification des règles administratives, les gouvernements chinois et indiens ont naturellement mis en ?”uvre des dispositifs pour attirer les multinationales étrangères des nouvelles technologies. Sur le papier, les méthodes d’implantations sont variées, et peuvent aller de la simple représentation commerciale à la filiale au sens strict du terme. Dans la pratique, les contraintes imposées rendent la plupart de ces systèmes peu rentables, voire inutilisables. En Inde, par exemple, le régime de la représentation commerciale (Liaison Office et Representative Office) interdit toute activité commerciale. Pour la réalisation d’un projet informatique, une multinationale pourra bien sûr créer un bureau temporaire, mais pas sans une approbation du gouvernement, ce qui peut être très long. Certes, le régime de la filiale (Branch Office) permet, quant à lui, de s’implanter dans le pays, et d’y réaliser des opérations commerciales, mais toute production est interdite. La seule issue reste finalement de créer une société de droit indien. Si la multinationale choisit de le faire seule, elle devra exporter au moins 50 % de ce qui sera produit en Inde. Une restriction qui disparaît avec la création d’une société conjointe, favorisant ainsi le développement d’acteurs industriels locaux.
Des contraintes étatiques fortes
La Chine a poussé le modèle un peu plus loin. Comme en Inde, la création d’un bureau de représentation ne permet pas les opérations commerciales, et les contraintes administratives sont particulièrement fortes ?” il faut notamment apporter la preuve de la nécessité d’opérer en Chine. S’il reste possible de créer une filiale à 100 % d’une société étrangère, Pékin n’autorise dans la pratique que des filiales consacrées à la réexportation de biens fabriqués en Chine. Un régime qu’utiliseraient majoritairement les fabricants de matériel informatique s’il n’était pas assorti d’une imposition plus lourde que les autres. Au bout du compte, c’est encore le modèle de la société conjointe, régie par la Sino-Foreign Cooperative Joint Venture Enterprise Law qui reste la seule alternative raisonnable. Quelles que soient les formules, le partenaire étranger doit au moins détenir 25 % du capital, ou investir à hauteur de 25 % dans la mise sur pied de la société commune.
Dans les deux cas, l’État reste seul maître du jeu, et peu contrecarrer à n’importe quel moment les projets d’une multinationale s’ils ne correspondent pas à ses propres plans. ” En raison de l’enjeu qu’il représente, le secteur des nouvelles technologies est moins exposé à ce risque que d’autres, note encore Bobby Chao, mais c’est pour être confronté à un autre handicap, au niveau des marchés financiers. “ Cela est surtout vrai pour le marché chinois, où la taille des investissements à consentir pour le développement des nouvelles technologies, implique forcément un appel massif aux capitaux privés. ” Le problème, c’est que l’argent ne circule pas “, poursuit Bobby Chao, qui évoque le chiffre de 3 000 milliards de dollars qui dormiraient dans les banques chinoises, tous types d’avoirs confondus. Huit, voire neuf sociétés cotées à la Bourse de Shanghai sur dix sont détenues par des administrations d’État qui, par le jeu des réglementations, ne peuvent par elles-mêmes décider de privatiser, même partiellement. Une situation que les analystes financiers, même s’ils affichent un optimisme de rigueur pour l’avenir, qualifient encore de ” bloquée “.
” En fait, il est très difficile pour un investisseur, ou une entreprise de ne pas traiter avec l’État en Chine, confirme Porter Wong, vice-président dAsia Silicon Valley Connection. Quel que soit le circuit utilisé, toutes les routes retournent à Pékin. “