L’une des problématiques les plus aiguës de la télévision numérique a, du moins en partie, été résolue. Dès que l’on a su que l’on allait pouvoir faire passer quelque 36 chaînes dans le tuyau habituel, grâce à la compression numérique, l’ensemble de la profession a tout de suite compris qu’il ne fallait pas rêver à trente-six fois la mise. Car la recette télévisuelle globale en France est d’environ six milliards d’euros. C’est-à-dire la pub et le péage, en passant par la redevance. Et cette masse n’est pas extensible d’un claquement de doigt. Tout au plus peut-elle grandir au rythme de la croissance publicitaire globale, ce qui est loin d’être acquis en ce moment. Et si l’on avait rajouté une trentaine de chaînes venues d’ailleurs dans le paysage audiovisuel gaulois, compte tenu d’un budget moyen par antenne de 12 millions d’euros, c’est au bas mot 360 millions d’euros qu’il aurait fallu trouver. Soit en pompant les revenus des autres systèmes de distribution (câble, satellite, paysage hertzien de base), soit en priant le ciel pour que le marché s’accroisse.Qu’il y ait eu concertation ou non, les opérateurs de télévision ont vite compris le danger. Et vite réagi. Le service public a incidemment compris qu’il allait enfin pouvoir exploiter au mieux son imposante masse salariale en démultipliant ses offres. Critiquée, la redevance télé devrait ainsi mieux passer. Quant aux acteurs du privé, ils ont visiblement trouvé de quoi occuper le terrain, en mélangeant habilement des chaînes déjà existantes par ailleurs et de relatives nouveautés. Ainsi, le groupe TF1, parti dans le numérique hertzien de bien mauvaise grâce, pourrait finalement y trouver son intérêt. En inscrivant LCI au programme des festivités, le groupe va pouvoir donner à sa chaîne d’infos en continu, difficile à rentabiliser sur le câble ou sur le satellite, une visibilité supplémentaire exceptionnelle. Finalement, de Bolloré via Gaumont et la SFP, à Lagardère ou Pathé, nombreux sont ceux qui ont fini par comprendre qu’ils avaient en soute de quoi ensemencer à leur profit le paysage numérique hertzien attendu, si tout va bien, en 2003. Trente-six chaînes de plus, c’est comme un aquarium plus grand. On n’a jamais vu les poissons rouges s’en plaindre.
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