” Etre à sec d’idées, c’est reposant “
Rafi Haladjian, PDG de Fluxus (ex-Francenet)La rencontre entre la télématique et l’étudiant en sémiologie Rafi Haladjian a eu lieu par hasard. ” J’étais en retard pour mon inscription à la fac. L’option télématique était l’une des seules où il restait de la place et ça m’intéressait “.
Quelques années plus tard, il apprend sur un BBS que François Benvéniste prépare une offre d’accès à Internet.En moins de 45 jours, il crée son propre FAI, Francenet, pour arriver sur le marché le premier. Pari réussi puisqu’il atteint les 10 000 abonnés en France en 1996. “À partir de là, on a fait de tout : de l’hébergement, le premier portail français (Franceweb.fr), des communautés… La seule chose à retenir d’internet, c’est qu’on ne sait rien.”En 1998, l’heure des choix est arrivée. C’est en sémiologue que Rafi Haladjian analyse son activité. Il délaisse ses activités de FAI pour se concentrer sur l’agence web et l’hébergement.Francenet devient Fluxus et vise une introduction en Bourse qui n’aura jamais lieu. “ Je me sens plus indépendant comme filiale de British Telecom qu’en Bourse. En préparant mon “roadshow “, j’ai découvert qu’on pouvait appliquer la sémantique à Excel et que pour convaincre les analystes il fallait se résoudre à mentir. J’ai cherché une solution définitive pour arrêter de perdre mon temps et pouvoir recommencer à bosser vraiment. Je ne regrette pas ce choix et je n’ai pas la volonté de quitter Fluxus aujourd’hui. De toute façon, je suis à sec d’idées et c’est très reposant “.Une façon de parler pour celui qui faisait semblant de quitter son bureau tôt le soir et y revenait en cachette. Car il continue à se lever à 5 heures du matin pour aller travailler…
” Place aux jeunes “
Marc Simoncini, PDG d’Ifrance (Vivendi Universal Net) Marc Simoncini est sans doute le recordman de lInternet en France. Il est l’un des seuls patrons de l’Hexagone qui ait fait son service militaire pendant qu’il dirigeait sa société, Opsion Innovation. Il est aussi celui qui s’est le plus enrichi personnellement grâce à son site, Ifrance.Pourtant, il n’a pas souhaité quitter sa société, pas plus qu’il n’a vendu ses titres Vivendi. Seul changement majeur : ” Maintenant, je prends des vacances. J’ai 38 ans, et en seize ans, j’ai dû prendre dix semaines de vacances, je vais me rattraper. “Depuis 1989, cet ingénieur s’est investi à fond dans sa société, Opsion Innovation qui a commencé par développer des services télématiques avant de se convertir, sur un coup de poker, à Internet. “Nous avons peu à peu abandonné tous nos contrats et nous avons développé notre propre technologie, ce qui nous donne une longueur d’avance sur les autres sites, qui utilisent des solutions du marché. “Marc Simoncini et son associé Thierry de Passemar sentent le vent tourner en avril 2000. Ils mènent trois négociations en même temps : une levée de fonds pour préparer une introduction en Bourse et deux propositions de rachat, dont celle de Vivendi Net. ” On savait qu’en vendant à ce moment, on prenait le maximum et avec le recul, c’était effectivement le meilleur moment. “Le montant de la transaction est faramineux : 45 millions d’euros en cash, 80 millions en titres Vivendi. Les salariés sont associés au capital juste à temps pour qu’ils puissent en profiter eux aussi. ” Franchement, l’introduction en Bourse, j’aurais pas aimé. Je ne me voyais pas gérer des actionnaires, des analystes, le cours, le site et ma boîte en même temps “, note, réaliste, Marc Simoncini.D’ailleurs, il reste PDG d’Ifrance le temps de voir sa prophétie se réaliser. ” Quand j’ai créé le site, j’avais la conviction que l’internaute allait payer un jour ou l’autre. Je ne me suis jamais dit qu’Ifrance allait vendre de l’espace publicitaire pour se financer. Ça a pris plus de temps que prévu mais ça va venir maintenant. ” Et lorsque ce jour arrivera, où se voit-il ?” Dans deux semaines, je me vois papa d’un deuxième bébé, après je ne sais pas. Mais je ne monterai plus de société. Place aux jeunes ! Je pense au fond de moi qu’on court beaucoup moins vite quand on a le ventre plein. Je ne pourrai plus refaire Ifrance “.
” Je préfère l’indépendance par la Bourse “
Pierre Chappaz, PDG de KelkooPierre Chappaz se décrit comme un monomaniaque. Donc ne lui parlez pas d’autre chose que de Kelkoo, son comparateur de prix en ligne. L’homme n’a absolument pas le projet de quitter sa société avant longtemps. ” Nous sommes en train de construire une entreprise paneuropéenne, c’est formidable. ” Indépendante, sa société est l’une des rares à disposer de suffisamment de cash pour tenir un an, ou plus.Cette année, il table sur un chiffre d’affaires de 9 millions d’euros. Peu sensible à l’effondrement de la publicité en ligne (elle représente 30 % de son chiffre d’affaires), Kelkoo devrait atteindre le point mort dans la seconde moitié de 2002. ” Je préfère l’indépendance et cela se fera par une introduction en Bourse. Nous ne sommes pas pressés. Quand les marchés jugeront que nous avons le profil, nous nous introduirons “, confie-t-il.Alors, visionnaire Pierre Chappaz ? La réponse viendra dans deux ans, mais on peut le préjuger lorsqu’on sait qu’il fut le premier dès 1997 à créer une galerie commerciale sur le net… Et que sa première société de communication technologique s’appelait Vision Futur.
” Des contrats de 700 000 francs par mail “
Annick Ferstler, DG de Francité (groupe IXO)Premier moteur de recherche mondial du web francophone, Francité est un cas atypique dans l’univers de la net économie. Développé au Québec par Michel Morin depuis 1995, le site a vécu jusqu’en 1999 uniquement des recettes publicitaires engrangées par Yannick Ferstler depuis Strasbourg.” Cela ne me gênait pas d’être à Strasbourg, j’ai signé des contrats de 700 000 francs par mail “, explique-t-il. Le site tient sans aucune levée de fonds. Yannick Ferstler était ” la ” régie de Francité et subventionnait par ses activités une équipe de 5 personnes au Québec… qu’il n’avait jamais vues.” La première fois que je suis allé au Canada, en 1999, et que j’ai rencontré Michel, ça a été la surprise car pendant tout ce temps, nous n’avions même pas pris la peine de nous envoyer nos photos respectives. “Un modèle de coopération globale et fructueuse. Fructueuse car, en février 2000, le groupe Infosources (Infonie), dirigé par Christophe Sapet, prend 50 % du capital de la société.” Les discussions ont commencé en novembre 1999, elles ont duré quatre mois car nous faisions des allers et retours entre Paris, Strasbourg et le Québec “, se souvient Yannick Ferstler. Pour autant, pas question pour lui de quitter Francité aujourd’hui.” La bataille de cette année, c’est de rentabiliser le trafic en développant des services payants. Mais si je devais partir, je pense que je monterais un serveur Audiotel (communications surtaxées). La finance et les casinos m’intéressent aussi mais je ne ferai rien avant 2002 “. Le temps de se reposer de cinq années éprouvantes et… de la naissance d’un bébé, il y a à peine trois mois.
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