On connaît évidemment Deep Blue et AlphaZero, deux intelligences artificielles qui ont défait des joueurs d’échecs de haut niveau et ont fait la preuve de leur capacité à maîtriser des jeux extrêmement complexes.
Mais des scientifiques de l’université de Toronto ont constaté que ces IA adoptaient un « style de jeu extraterrestre », pas très humain, si vous préférez, et qui en définitive ne sert pas à améliorer l’enseignement des échecs aux joueurs humains.
Pour que les IA soient plus efficaces et puissent véritablement aider un joueur à s’améliorer, encore faudrait-il qu’elles soient capables de reconnaître le style de chacun, ses ouvertures préférées, ses successions de coup privilégiées, etc.
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Les chercheurs canadiens ont donc récolté les données de centaines de milliers de parties, cataloguées par joueurs. Plus de 1 000 parties pour chacun d’entre eux, décortiquées ensuite en séquences de 32 mouvements. Chaque mouvement a ensuite été codé et fourni à un réseau neuronal, de telle sorte que chaque jeu représentait un point dans un espace multidimensionnel.
Ainsi, les coups de chaque joueur formaient un ensemble de points distants des autres ensembles. Le système devant alors apprendre à reconnaître les différences entre les coups et leurs enchaînements pour distinguer des styles. C’est en tout cas ce qu’on expliqué les auteurs de l’étude lors d’une présentation pendant la NeurIPS, une conférence dédiée aux systèmes qui gèrent le traitement d’informations dans des réseaux neuronaux.
Une fois leurs algorithmes entraînés, les chercheurs de l’université de Toronto ont soumis au système 100 parties menées par 3 000 joueurs connus, et ensuite 100 jeux conduits par un joueur mystère. Afin de rendre la tâche plus complexe, les quinze premiers coups des parties étaient cachés. Ainsi, l’intelligence artificielle ne pouvait pas reconnaître un joueur à ses ouvertures.
Des résultats époustouflants
L’IA s’est alors mise en quête de la meilleure partie, et a réussi à identifier le joueur mystère dans 86% des cas. Un résultat époustouflant et bien supérieur à une approche qui ne reposait pas sur des algorithmes d’apprentissage machine et qui n’était précise que dans 28% des cas.
Certains chercheurs, notamment Noam Brown de Meta, qui a développé un bot joueur de poker surhumain, se réjouissent de ces résultats, et sont impatients de voir arriver des joueurs d’échecs virtuels capables de jouer à la manière de grands maîtres, par exemple. Ils envisagent même déjà d’autres possibilités, comme de voir un bot apprendre à parler comme une personne célèbre.
Néanmoins, une question plus sombre se pose. Car, ces algorithmes, si on leur fournissait les bonnes données, seraient également capables d’identifier, avec un degré de certitude identique ou approchant, la façon de surfer sur le Web d’une personne. Alors, ce serait la fin de l’anonymat en ligne, et il n’est pas difficile d’imaginer tous les abus qui pourraient en découler.
D’ailleurs, les organisateurs de la conférence NeurIPS ont trouvé l’étude techniquement très impressionnante, mais éthiquement dangereuse. Ils ont accepté que ce travail soit présenté à la seule condition que les risques pour la vie privée soient clairement évoqués pendant la présentation. Un des pairs qui a visé cette étude indiquait d’ailleurs qu’un tel outil pourrait intéresser « les publicitaires et vendeurs, ou même les forces de police ».
Un des auteurs de l’étude a indiqué que ses confrères et lui ont décidé de ne pas publier le code de leur intelligence artificielle. Et tant pis pour le bot qui pourrait vous apprendre à jouer à la manière du génial Magnus Carlsen.
Source : Science
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