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Cet automne, les pionniers se ramassent à la pelle

Avec la crise, le modèle des portails-moteurs de recherche financés par la publicité a vécu. Excite est en faillite, Altavista et Lycos licencient, Yahoo devient une cible. Google, lui, 100 % moteur, prépare son entrée en Bourse.

Regarde les portails tomber” : ce pourrait être le titre d’un film épique retraçant la formidable ascension, puis le déclin inexorable, de sites pionniers qui ambitionnaient de guider les internautes dans le Far West du web. Altavista, Excite, Hot Bot, Infoseek, Lycos… Les moteurs de recherche candidats au titre de portail ” number one ” se bousculaient au milieu des années 1990. Imaginés par des as de la Silicon Valley, tous pariaient sur la pertinence et l’exhaustivité des résultats fournis aux apprentis surfeurs pour se hisser au top de l’audience et aimanter la publicité.

Yahoo, MSN et AOL

Cinq ans plus tard, le grand public a tranché : les premiers portails mondiaux sont Yahoo (120 millions d’utilisateurs), MSN (103 millions) et AOL (31 millions d’abonnés). Un annuaire guide et deux services internet poids lourds qui, tous les trois, ne donnent accès qu’à une infime portion de la toile. Ironie de l’histoire, les moteurs pionniers, incapables de réussir leur mue en portails, en sont réduits aujourd’hui à chercher à nouveau leur voie comme outil de recherche dans un paysage sinistré. Seul problème, “ il n’y a plus la place pour une pléthore d’outils de recherche. Trois grossistes ?”Inktomi, Fast et Google?” tiennent le marché en fournissant leurs moteurs à la plupart des portails“, explique Olivier Andrieu, spécialiste des moteurs de recherche [ Abondance.com]. Le plus en pointe, Google, lancé en 1998 par deux étudiants de Stanford, Sergey Brin et Larry Page, s’est hissé au premier rang des moteurs de recherche aux États-Unis (10,2 millions de visiteurs à domicile en juin, selon Jupiter MMXI) comme en Europe (5,8 millions).Résultat : les stars d’hier sont aujourd’hui ” en solde “. C’est le cas du doyen des moteurs : lancé en 1995, introduit en Bourse un an plus tard, Excite.com vit aujourd’hui ses dernières heures. Sans surprise, sa maison mère, Excite at Home, s’est placée le 28 septembre sous la protection du Chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites. Le groupe, dont le titre est passé sous le demi-dollar, était incapable de faire face à ses pertes (1,2 milliard de dollars, soit 1,3 milliard d’euros, au 30 juin). Ultime effort pour éviter la banqueroute, son PDG, Patti Hart, venait d’annoncer 500 suppressions de postes supplémentaires, pour l’essentiel chez Excite. Réduit à sa plus simple expression ?”recherche et messagerie?” le site, qui comptait encore 10,5 millions de visiteurs uniques en juin, devrait tirer le rideau.

Excite at Home, le cinquième

Personne ne veut du cinquième portail mondial (loin derrière Yahoo, MSN, AOL et Lycos), au moment où sa principale source de revenus est en chute libre : au premier semestre, les recettes de la publicité en ligne aux États-Unis ont reculé de 7,8 %, à 3,7 milliards de dollars. L’éternel rival Lycos, repris par l’Espagnol Terra Networks en mai 2000, n’échappe pas à la disette. Lycos Europe vient d’annoncer 300 licenciements après une perte annuelle d’1 milliard d’euros. En attendant, “si Excite disparaît, le doyen des moteurs de recherche deviendra Altavista. C’est drôle car, il y a cinq ans, Altavista était le “new kid on the block”. Le quartier a bien changé depuis “, ironise le spécialiste anglais Danny Sullivan [www.searchenginewatch.com].Fondé en 1995 par une équipe d’ingénieurs de Digital Equipment (parmi lesquels le Français Louis Monier), passé entre les mains de Compaq (1998), puis de CMGI (1999), Altavista fut la ” Rolls ” des moteurs. Mais la société de Palo Alto va aujourd’hui bien mal : après avoir licencié 200 personnes en début d’année, elle vient d’annoncer une charrette de 160 salariés suite à une nouvelle perte trimestrielle de 72 millions de dollars. “Altavista a fait la même erreur que les autres moteurs de l’époque en tentant de se métamorphoser en portail financé par la pub, en oubliant que la simple fourniture d’un bon outil de recherche pouvait être un excellent business“, analyse Olivier Andrieu. Résultat, selon Jupiter MMXI, le portail Altavista n’occupait plus, en juin, que la 17e place au palmarès des vingt sites les plus visités au monde…Un nouveau PDG, James Barnett, a été chargé de faire le ménage par l’actionnaire CMGI, lui-même en grande difficulté. Ce dernier souhaite vendre au plus vite Altavista pour se désendetter. Recentrée sur son activité première, la société parie sur la fourniture de sa technologie à d’autres sites et a déjà remporté quelques contrats (EMC, le New York Times, Ticketmaster, etc.). Mais, avec la plus importante base de données (1, 3 milliard de pages estimées) et une pertinence unanimement louée, Google est bien la nouvelle vedette des moteurs de recherche : 120 millions de requêtes par jour ! Son nouveau PDG, Eric Schmidt (ex-patron de Novell), prépare activement l’entrée en Bourse de l’étoile montante qui serait profitable en fin d’année. Une introduction attendue comme le Messie par les opérateurs boursiers déprimés de Wall Street. La revanche d’un moteur sur la star des portails ? Yahoo, qui a choisi Google comme moteur de recherche privilégié, vaut moins de 5 milliards de dollars en Bourse : une cible potentielle pour les Disney, Vivendi Universal et autres Microsoft…

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Jean Christophe Féraud