Reconduit à la présidence du groupe par ses actionnaires, Guy de Panafieu dispose d’un nouveau mandat de trois ans. Cette durée sera-t-elle suffisante pour transformer la vieille dame de l’informatique française en jeune star de la Net économie ? Une véritable course contre la montre pour un groupe de près de vingt mille salariés. Le pari est double : il s’agit d’abord de quitter l’habit de constructeur pour endosser celui de prestataire de services, tout en proposant les ” bons ” services, c’est-à-dire ceux qui permettront aux clients d’entrer, eux aussi, dans cette fameuse Net économie.La baisse de 5,5 % de votre chiffre d’affaires au premier trimestre 2000 met-il en cause votre stratégie e-business ? Pas du tout. D’autant que cette baisse provient de la réduction de 15 % de nos activités ” produits “, qui comprennent les logiciels, les serveurs et les PC. L’ensemble de nos activités liées au commerce électronique a augmenté en revanche de 27 %.Vous affichez – à l’image de vos concurrents – la volonté de devenir un acteur de la Net économie. Etes-vous en mesure de consacrer à cet objectif tous les moyens nécessaires, notamment en dépenses de recherche ? Nos investissements en recherche et développement sont toujours sensiblement les mêmes – de l’ordre de 170 millions d’euros. Ils sont concentrés à plus de 50 % sur les serveurs et, pour un tiers, sur les logiciels de carte à puce. En matière d’e-business, en revanche, nos dépenses portent sur l’avant-vente et ne sont pas comptabilisées en investissement. Ce sont, par exemple, les formations de nos ingénieurs sur les produits de commerce électronique de nos partenaires, comme Siebel, BEA, Microsoft ou Brokat. Nous nous engageons aussi financièrement dans les services liés à l’e-business au travers de nos propres dépenses informatiques. Notre budget de 50 millions d’euros est consacré pour 80 % à la mise au standard Web de l’organisation de notre entreprise.Vos concurrents ont-ils changé ? Non. Tout le monde se ballade dans la cha”ne des valeurs ajoutées. La grande concurrence se trouve sur l’intégration des services. Chacun cherche à être en contact direct avec le client final.Que représentent pour vous, dans cette stratégie, les marchés publics, en France comme à l’étranger ? Le secteur public ne recouvre pas le même périmètre d’un pays à l’autre. Notre présence y est forte – entre 25 et 35 % de notre chiffre d’affaires, selon les cas. Une part de notre activité s’articule autour des services de support, d’infogérance et de déploiement, pour lesquelles nous avons des compétences qui peuvent intervenir dans l’ensemble des pays européens avec des implantations locales. Une autre partie est liée aux infrastructures et à l’intégration d’applications. Lesquelles prennent nécessairement en compte les régle- mentations locales. Nous menons des projets ” G to C ” (Government to Citizen). Nous sommes, par exemple, fournisseur principal de la Belgique en matière de vote électronique. Ce type d’application est reproductible d’un pays à l’autre, même si les transferts de compétences ne sont pas faciles.Une stratégie e-business se traduit aussi par la filialisation d’activités. Quen est-il pour Bull ? Excepté SmartCard et Bull Soft, nous n’avons pas d’autres projets de filialisation. La première est une filiale à 100 %. Mon objectif est de lui donner son autonomie en trouvant des partenaires. La deuxième est en cours de filialisation. Nos deux activités d’intégration et de support (Bull Services) doivent rester partie intégrante de Bull. En dehors de cela, je suis favorable à l’essaimage, qui est conforme à notre industrie. Je réfléchis actuellement à la création d’un incubateur Internet. L’idée serait de favoriser l’émergence d’activités dans l’environnement de Bull, différentes de notre c?”ur de métier – sur les ASP, par exemple.
Une lourde hérédité
Depuis 1937, année où la société suisse Egli-Bull devient la Compagnie des machines Bull, s’installe à Paris et trouve de nouveaux financiers français, Bull ne cesse de traîner un boulet : l’empreinte étatique, dont son organisation semble garder pour toujours la trace génétique. A la suite de l’échec du Gamma 60, tête de file des ordinateurs de deuxième génération qui ne trouvera que quatorze clients pour un investissement de 10 millions de francs – soit 13 % de son chiffre d’affaires de l’époque -, la société ne s’arrêtera plus de chercher des crédits, en particulier auprès de l’Etat. Elle est d’abord reprise par la CII, créée en décembre 1966 à l’occasion du premier Plan Calcul. L’objectif est alors de mettre en place toute une série de conventions liant l’Etat et les entreprises nationales qui participent à la production de matériel informatique. Elle est rachetée ensuite, en 1975, par Honeywell pour devenir CII-Honeywell-Bull. Des dizaines de milliards de francs de subventions plus tard, elle redeviendra en 1983 le Groupe Bull… Et c’est là certainement le principal défi de Guy de Panafieu. Sa transformation en entreprise d’e-services sera-t-elle, enfin, le moyen d’en finir avec cette empreinte génétique ? L’affaire n’est pas mince. L’exemple du passage aux 35 heures est, sur ce point, particulièrement révélateur : Bull est sous le régime des industries de la métallurgie ! Malaise pour un acteur de l’e-services.
AMu
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