Dans la grande famille de l’innovation, l’informatique quantique a encore des airs de continent perdu, non cartographié, plein du potentiel de l’inconnu. Cette science relativement nouvelle en est encore à ses débuts mais promet déjà de bouleverser et de révolutionner nos vies et le rapport aux quantités colossales de données que nous produisons chaque jour dans un univers de plus en plus connecté.
49 qubits d’un coup
Au côté d’IBM et de Google et après avoir été étonnamment discret, Intel entend revendiquer une place importante. Ainsi, environ trois mois après avoir dévoilé un processeur quantique à 17 bits quantiques ou qubits, la firme de Santa Clara a profité de sa keynote d’ouverture du CES 2018 pour annoncer un processeur à 49 qubits. On est certes loin des quelque 3,2 milliards de transistors embarqués dans ces derniers Core i7, mais le progrès est néanmoins impressionnant.
La puce expérimentale en question utilise des supraconducteurs et est baptisée Tangle Lake. Un nom choisi en référence à une chaîne de lacs en Alaska, petit clin d’œil aux températures extrêmement froides – proche du zéro absolu – nécessaires au fonctionnement de ces puces et à l’état d’intrication quantique (tangled state, en anglais) des qubits.
La suprématie quantique à portée de main ?
Ce nouveau processeur n’est évidemment qu’une étape de plus vers un horizon encore lointain. Au-delà du besoin de mettre au point du code capable de vérifier et corriger les erreurs, les spécialistes du secteur estiment qu’il faudra au bas mot encore cinq à sept ans pour arriver à des ordinateurs suffisamment performants pour avoir un sens. Même si les 49 qubits de ce processeur peuvent déjà accomplir ce qu’aucun autre ordinateur classique peut réaliser. Ils sont en effet capables de résoudre un problème qui offre 5,63 billions (mille milliards) de solutions possibles.
L’annonce d’Intel est très importante. Elle prouve qu’en rattrapant Google et IBM, le géant des semi-conducteurs est bel et bien dans la course à la « suprématie quantique ». Cette formule renvoie non à la domination d’un acteur sur les autres mais au moment où l’informatique quantique sera plus performante que l’informatique classique, autrement dit le moment où l’informatique classique ne sera plus en mesure de simuler le fonctionnement d’un ordinateur quantique.
Or justement, en parvenant aux 50 qubits, après IBM qui a fait une annonce en ce sens en novembre dernier, les chercheurs d’Intel ont atteint ce palier où il n’est plus possible de prédire ou de simuler totalement le comportement de la puce, précisait Mike Mayberry, directeur de l’Intel Labs. C’est un nouvel espace qui s’ouvre ainsi aux chercheurs.
Une approche plus conventionnelle ?
La firme de Santa Clara met tout son savoir-faire dans la balance. En plus de travailler à augmenter le nombre de bits quantiques sur ses processeurs, Intel se tourne vers les « spin qubits ». Une approche plus classique et conventionnelle qui permet, de manière schématique, le contrôle quantique d’un électron et la rotation d’un seul atome dans du silicium. Un simple électron devient ainsi un transistor. Logiquement, l’avantage de ces spin qubits serait une taille bien plus réduite. Intel a d’ailleurs réussi à fabriquer des spin qubits avec un processus de 300 nm. Ce niveau de production est bien plus gros que les 14 nm assurés actuellement pour ses puces classiques, mais les technologies utilisées étant assez proches, tout le savoir-faire d’Intel pourrait à termes faire la différence.
Ces qubits permettront peut-être d’arriver plus rapidement aux 1000 qubits qui seront a priori la prochaine grande étape. Cela représente encore de nombreux bonds en avant. La route est d’autant plus longue que la plupart des experts s’accordent pour dire qu’il faudra un ordinateur à un million de qubits pour être vraiment utile et commercialisable.
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