Ce devrait rapidement devenir officiel : Nvidia devrait jeter l’éponge et abandonner son offre de rachat d’ARM pour 40 milliards de dollars. Annoncé dans le courant de l’été 2020, le deal avait fait se lever de nombreux sourcils. Tant celui d’un des fondateurs d’ARM que celui de quasiment toutes les autorités de la concurrence.
Un demi-échec pour Nvidia – qui a vu sa cotation boursière plus que doublée depuis l’annonce – ainsi que pour Softbank, qui a désormais un bijou qui vaut, au bas mot, 40 milliards de dollars. Rappelons qu’il a acheté l’entreprise pour « seulement » 32,4 milliards de dollars en 2016.
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Les lobbyistes des géants comme Apple, Google, Qualcomm, Broadcomm, ou encore Intel ont sans nul doute œuvré sans relâche pour faire capoter une affaire qui n’en était une que pour Nvidia.
Avec plus de 500 clients qui intègrent ses architectures processeur aussi bien dans des smartphones, que des supercalculateurs, ou encore des réfrigérateurs, ARM ne pouvait pas être rachetée et contrôlée par un des acteurs les plus puissants du monde des semi-conducteurs. Surtout quand on connaît l’agressivité naturelle du fleuron des GPU qu’est Nvidia.
Alors le deal a capoté, chacun rentre chez lui, et rien n’a changé ? Que nenni. Si d’une part il faut encore attendre la confirmation de cet abandon de la bouche de Nvidia lui-même – on vous l’a dit, Nvidia est une entreprise très volontaire – et s’il est évident que Softbank va procéder à une introduction en bourse ou trouver un acheteur plus « neutre », la donne a pourtant bien changée en 18 mois de « feuilleton ».
ARM est toujours à vendre
On l’oublie trop souvent : si Nvidia a mis 40 milliards sur la table, c’est qu’ARM était à vendre. Plus précisément c’est parce que Softbank, son propriétaire qui avait racheté ARM en 2016, avait envie de faire la culbute et de continuer à investir dans d’autres segments encore plus lucratifs.
Il faut donc déjà compter sur les financiers de la firme japonaise pour étudier leurs plans. L’introduction en bourse est le scénario qui a le plus fuité parce que, sur le papier, c’est le projet le plus viable, désormais encore plus après une offre aussi élevée. A moins d’un fond ou d’une banque, quel acteur suffisamment neutre dispose de 40 milliards à mettre dans des propriétés intellectuelles autour d’architectures processeurs ?
Un échec qui valide l’importance d’ARM
Quand l’offre de rachat fut rendue publique à l’été 2020, elle a eu l’effet d’électrochoc dans le monde de la tech. Petit à petit, les entreprises de la tech, mais aussi les journalistes, analystes, spécialistes, ainsi que les entreprises qui dépendent de la tech (automobile notamment), et de nombreux pouvoirs publics ont mesuré l’importance d’ARM. Et, encore plus, l’importance d’un ARM indépendant.
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Une entreprisse qui a désormais vu valider son énorme valeur financière et stratégique. Si cela limite les prétendants à un rachat complet, cela n’entrave en rien une introduction en bourse du titre à son « juste prix » : celui de la plus puissante ISA (les jeux d’instructions) de la terre. Mais, car il y a un mais, cette puissance est désormais bien intégrée et n’a pas que des avantages…
La faiblesse du modèle ARM mis en lumière
Quand on dépend trop d’Intel dans le x86, on peut toujours aller voir AMD, qui fait lui aussi du très bon travail dans ce type de puces. Si le duopole n’est pas parfait, au moins il y a une concurrence accrue ces dernières années.
Sur le papier, le modèle ARM est encore mieux puisque si on n’aime pas Qualcomm on peut aller voir MediaTek, Samsung, Rockchip ou (jadis) HiSilicon.
Si dans les faits l’équation est plus compliquée que cela, c’est l’idée du modèle de pouvoir changer de fournisseur de puces ARM. Et, pour certaines entreprises, de pouvoir compter sur une ISA que l’on peut « bricoler » à loisir (en payant la bonne licence) pour faire ses puces aux petits oignons.
Sauf que l’affaire du Huawei Gate a été l’occasion pour l’Amérique de Trump de priver le champion chinois d’ARM. Une tentative qui n’a pas fonctionné – finalement, c’est au niveau des usines que les Etats-Unis ont frappé – mais qui a déjà suscité de nombreuses réactions quant à l’indépendance d’une entreprise britannique face aux pressions américaines.
La vraie indépendance technologique s’appelle peut-être RISC-V
S’il y a bien une entreprise qui aime son indépendance en matière de technologies, de fournisseurs et même d’usines, c’est Apple. Dans l’aventure Nvidia-ARM, Apple a évidemment mesuré à quel point une partie de son indépendance technologique aurait pu être remise en question.
Bien entendu, Nvidia avait juré-craché qu’il ne toucherait pas au business model d’ARM, et garantissait qu’il maintiendrait des rapports professionnels avec ses clients. On pouvait néanmoins légitimement en douter sur le long terme.
Apple, plus que d’autres. Le titan de la tech a totalement coupé les ponts avec Nvidia à la suite d’une bisbille autour de la chauffe de certains GPU dans des MacBook. S’il est impossible de savoir quels sont les plans du très secret géant, il ne faut pas être très finaud pour voir quelle serait la solution « miracle : l’ISA RISC-V.
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Développée à la base par une université américaine, cette « architecture » de processeur – en réalité, une fois encore une ISA, c’est-à-dire une organisation et des jeux d’instructions – est devenue ouverte. De fil en aiguille, ces dernières années, elle est devenue une fondation qui a migré des Etats-Unis vers la Suisse pour garantir sa liberté, son ouverture et sa neutralité (effet du Huawei-gate).
Si l’écosystème d’ARM, fort de milliards de puces, de plusieurs décennies d’évolutions, de développements, d’outils logiciels, de programmes d’enseignement dans les universités, etc. est infiniment supérieur en puissance et en ressources, RISC-V ne cesse de monter en puissance.
L’ISA est citée et étudiée dans des programmes de recherche spatiaux (en succession à SPARC), les acteurs comme SiFive grossissent tellement qu’ils sont valorisés en milliards, et de nombreux produits commerciaux sont désormais livrés non avec des cœurs ARM, mais des cœurs RISC-V.
ARM a bien noté cette montée en puissance et a même fomenté une campagne de communication dénigrant RISC-V.
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Car, si nous sommes plus que jamais dépendants de la puissance d’ARM, c’est peut-être justement à cause de cette puissance que le monde de la tech va faire émerger une vraie alternative. Et si cela arrive dans les cinq ans qui viennent, on pourra dire merci à Nvidia d’avoir accéléré la dynamique…
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