Le capital-risque n’est pas mort. Mais, en raison de la conjoncture, ses opérateurs sont devenus plus sélectifs. La sixième édition de Capital IT (qui se déroule aujourdhui et demain), devrait confirmer cet état de fait.La manifestation, créée par France Finance et Technologie (FF & T) sous la houlette d’Emmanuel Libaudière, a pour but de présenter au petit monde du capital-risque les pépites que ces derniers pourraient bien faire entrer dans leur portefeuille.” Capital IT se veut un accélérateur de business, tant pour les start-up que pour les capital-risqueurs. Les jeunes pousses rencontrent d’un seul coup tous les financiers de la place. Et pour les capital- risqueurs, nous passons à la table à secousse plus d’une centaine de start-up pour ne retenir que les meilleures “, commente Emmanuel Libaudière, directeur associé de FF & T.
Les “pure-players” déchus
Le cru 2001 n’a plus rien à voir avec celui d’il y a trois ans. Fini l’ère des pure players ! Seuls deux projets Internet font partie de la sélection : Buying Partner, un site d’e-purchasing, et P2P, un moteur de recherche de personnes qui devrait donner une orientation professionnelle à ses services de mise en relation.Les cicatrices laissées par Internet sont profondes. Des financiers avouent, en aparté, avoir reçu des consignes de leurs bailleurs de fonds leur interdisant tout investissement dans ce secteur et dans le B-to-C. Certains ont même préféré retirer leur mise. Softbank en a fait les frais. Quant au fonds d’investissement Carlyle Group, il pourrait réduire la voilure. Si ce n’est déjà fait !Fin juin, le capital-risqueur avait investi dans 17 jeunes pousses. Quatre mois plus tard, aucune nouvelle affaire n’a été conclue. Imperturbable, Jacques Garaïalde, directeur du fonds Carlyle Europe Venture Partners, explique : “Nous continuons à investir, mais nous sommes plus exigeants que jamais sur l’innovation, la barrière à l’entrée. Nous préférons les sociétés qui ont des valorisations faibles et qui font du chiffre.”Carlyle Group, comme nombre de ses homologues, regarde du côté des services télécoms. Les opérateurs qui ont licencié en masse, réduisent leur dette et n’ont plus les moyens de tout produire par eux-mêmes. Ils doivent faire appel à des sociétés externes concernant des services. Dans cette perspective, Keekom, propose un logiciel de gestion de la relation client destiné aux opérateurs.Les pieds sur terre, Eric de Tournemire, son PDG est modeste pour ce Capital IT : ” Nous recherchons 1,5 million d’euros [9,9 millions de francs] pour atteindre la rentabilité à la fin 2002. Nous envisagerons peut-être une levée de 4,5 millions d’euros pour financer notre expansion internationale. “Le message est clair : pour ne pas faire fuir les investisseurs, il faut afficher des ambitions raisonnables, et ne plus présenter des modèles d’affaires tirés par les cheveux, mêlant de front marketing, internationalisation et développement.Aux dires des financiers, le software a encore de beaux jours devant lui. ” La technologie est très capitalistique. Les besoins et les tours sont importants, ce qui explique que nous réalisions de forts investissements. Il y a 5 ans, il s’agissait d’artisanat local, aujourd’hui les process sont industriels “, scande Dominique Agreh, d’ABN-Amro Capital France.Dans la cuvée 2001, Net4any propose des solutions logicielles pour créer des portails, et de la syndication de contenus. La bête à concours sélectionnée par les manifestations concurrentes à Capital IT ?” telles Start-Ouest, Tremplins entreprises du Sénat et Start-up Forum ?” a franchi encore une fois les sélections. Signe qu’elle est sur un secteur porteur pour les uns, mais qu’elle ne réussit pas à lever des fonds pour les autres.
Les ” biotech “
Mais la nouveauté de l’année, c’est l’arrivée des “biotechs”, abréviation de biotechnologies. Sur les 16 dossiers présentés, 6 se retrouvent en finale. Parmi eux, des sociétés des sciences de la vie, comme Neurofit, qui se concentre sur la recherche préclinique en neurosciences. Ou Gentech, qui travaille à la biotechnologie végétale. Les bio-informatiques semblent plus naturellement enclines à trouver leur place à Capital -IT.Genoscience développe des solutions pour analyser les résistances et favoriser le traitement du sida et de l’hépatite. D’aucuns jugeront Emmanuel Libaudière opportuniste, puisque de nombreux capital-risqueurs font les yeux doux aux biotechs depuis quelques mois. Ainsi, CDC Innovation ne fera plus d’investissement Internet, mais 25 % de biotechs.” La bio-informatique possède une forte barrière à l’entrée et une innovation technologique. Voilà pourquoi elle nous intéresse. Nous croyons beaucoup aux biotransistors [transitors sur support organique]. Il est vrai que les biotech subissent un effet de mode. Il y a peut-être même trop d’investisseurs pour la trentaine de projets émergeant chaque année en France “, laisse échapper Jacques Garaïalde.D’autant que le pari est risqué, puisque les chercheurs ne sont pas certains d’obtenir des résultats. Ensuite, compte tenu de la taille du marché, il y a fort à parier que le ticket d’entrée sera élevé. Enfin, les financiers n’hésitent pas à investir leurs deniers dans des sociétés qui ne font aucun chiffre d’affaires.Pourtant, pour Alain Guedon, PDG d’Abtech, il n’y a pas contradiction :” Les biotech n’ont pas vocation à être rentables. Une société en phase I [vérification de la tolérance chez l’homme] peut avoir une valorisation minimale de 25 à 30 millions d’euros, pour atteindre 150 à 250 millions d’euros en phase III [étude de l’efficacité sur la population à grande échelle]. “Yannick Petit, président de FF & T Equity, souligne que : “Quand on investit, on prend un risque à long terme. Or, les tours de financement des biotech paraissent plus simples à organiser. On sait à quel moment il faudra mettre au pot.”Reste à savoir si la présence des biotech à Capital IT n’est pas là pour pallier la déficience de bons dossiers high-tech. En tout cas, tous les capital-risqueurs le jurent : le toilettage des portefeuilles est fini. A la fin de l’année, ils afficheront leurs performances sur 2001. Mais une fois la pilule avalée par les bailleurs de fonds, tous reprendront gentiment le chemin des investissements. Il y a donc un avenir pour les start-up.
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