Ne boudons pas notre plaisir : sur le papier, le nouvel EOS R5 est l’hybride haut de gamme à capteur plein format nous attendions depuis des années chez Canon. Toujours leader mondial de l’image grâce à un parc reflex énorme et une image de marque très forte, Canon a perdu de sa superbe technologique ces dernières années au profit de Sony et, dans une moindre mesure, Panasonic et Fujifilm.
Avec des EOS R et EOS RP (très) décevants, à la traîne sur la vidéo (des modes 4K recadrés à mort) et des manques technologiques graves (pas de stabilisation mécanique du capteur, etc.), Canon nous a fait peur. C’était sans compter sans la R&D de Canon : premier détenteur de brevets du Japon et premier détenteur de brevets étrangers aux USA, le géant Canon est un immense laboratoire qui a eu du mal à se mettre en route. Mais la lecture de la fiche technique de l’EOS R5 et de son petit frère l’EOS R6 rassure : Canon est de retour et veut frapper un grand coup.
Dernier sur la 4K, premier sur la 8K
Canon a raté le virage de la 4K. Dans ce domaine, Panasonic d’abord et Sony ensuite ont pris le large, laissant aux autres les miettes. Mais Canon « le tout puissant » est une marque fière, à la limite de l’arrogance, et s’est donc refusé à jouer le rôle du suiveur. Et a accepté sa position de moins bien disant en matière de vidéo. Mais avec l’EOS R5, la marque entend « s’inscrire dans les pas de l’EOS 5D Mark II », le boîtier par qui la révolution de la vidéo numérique a eu lieu.
Grâce à son capteur CMOS Dual Pixel de 45 Mpix, l’EOS R5 passe donc directement à la 8K, sans aucune des limitations de ses générations précédentes d’hybrides : l’enregistrement est ici en plein capteur sans recadrage et s’avère disponible dans les modes UHD (8K grand public) et DCI (cinéma) à 30 images par seconde. Le tout compressé en h.265 ou en RAW vidéo. Oui, du RAW vidéo directement dans le boîtier, grâce soit rendue à l’emplacement pour carte mémoire CF Express, seul format capable de tenir les 2,6 Gbit/s. Attention aux cartes mémoire, puisque cela représente 19 Go de données par minute de tournage ! Un emplacement pour carte SD vient suppléer l’emplacement CF Express, mais la 8K lui est inaccessible.
La 8K profite à la 4K
Ces spécifications vidéo ont quoi faire saliver tous les vidéastes du monde. Et pas seulement pour la 8K « pure ». Le tournage en 8K est en effet une rareté dans le monde de la vidéo et cette définition d’image sert pour l’heure surtout… à la 4K. D’une part pour faire du panscan – je tourne une scène en plan large en 8K et je déplace le cadre 4K selon mes besoins – mais aussi pour la qualité d’image. Le suréchantillonnage 8K permet en effet produire des fichiers 4K bien plus détaillés que des fichiers 4K natifs. En outre, les capacités de traitement d’image du processeur adaptés à la 8K permettent des débits de trame 4K jusqu’à 120 images par seconde. Sans capture sonore malheureusement sur cet EOS R5, le microphone n’étant actif que jusqu’en 4K60p.
L’EOS R5 est donc le premier appareil photo grand public à être équipé d’un capteur ET d’un processeur d’image taillés pour la 8K. Et notez ici que Canon maîtrise 100% de sa technologie et produit les deux composants. Un fait rare tant Sony domine à la fois le développement, mais aussi la production des capteurs d’image – Canon dispose toujours de ses propres « fab » de capteur CMOS ! On attend cependant de voir la qualité de la montée en hautes sensibilités de ce nouveau capteur : avec une plage de sensibilités allant de 100 à 51.200 ISO (50 à 102.400 IS en plage étendue), l’EOS R5 promet beaucoup. Mais Sony a toujours eu l’avantage dans les basses lumières.
Le meilleur des mondes : la super définition ET la rafale !
Dans les générations actuelles de boîtiers à capteur plein format, il faut faire le choix d’une super rafale jusqu’à 20 i/s, mais limitée à des définitions aux alentours de 24 Mpix (Alpha A9 de Sony), ou de la super définition à plus de 40 Mpix. Les Lumix S1R et autre A7R Mark III aux définitions comparables (47 Mpix et 42 Mpix) affichent respectivement 9 i/s avec 40 images consécutives pour le premier, 10 i/s et 70 images consécutives pour le second.
Canon entend exploser ces limites et le capteur 45 Mpix de l’EOS R ne capture rien de moins que 20 images par seconde (oui, comme l’Alpha A9 de Sony !) avec jusqu’à 180 images RAW consécutives. Ce qui représente 900 Mo de données à traiter par seconde pendant l’équivalent d’un 100 m professionnel, le tout avec suivi non seulement du sujet, mais surtout un tracking de l’œil temps réel de la cible. Canon va même plus loin puisque l’EOS R5 suit aussi bien les yeux, têtes et corps des humains, mais aussi ceux de nos amis les chats, chiens et oiseaux.
En faisant combiner super définition d’image ET rafale (et mémoire tampon) de type « sport », Canon entend marquer les esprits en proposant un boîtier « sans concession ». De quoi faire saliver la horde de Canonistes qui n’étaient, à juste titre, pas convaincus par l’offre actuelle de Canon. Et surtout de quoi mettre un grand coup dans la concurrence. À Sony en premier lieu, numéro 1 mondial des hybrides plein format, mais aussi Nikon, son éternel challenger qui ne dispose pas encore d’un boîtier hybride au niveau de la fiche technique du R5.
Corps boîtier et un viseur de qualité professionnelle
Une électronique n’a jamais fait un bon boîtier : sans un équipement et une prise en main au niveau, les photographes n’y trouvent pas leur compte. Malheureusement pour la concurrence, dans ces deux domaines, Canon est une référence du genre. Côté obturateur déjà, l’EOS 5R affiche un mécanisme certifié pouvoir endurer un demi-million de déclenchements, un record dans l’industrie.
Bardé de joints d’étanchéité et d’une ergonomie « à la Canon », l’EOS 5R profitera d’un viseur d’un demi-pouce de nouvelle génération affichant 5,69 millions de points, soit une définition de 1600 x 1200 pixels. Sans être un record cette fois, Canon se place au top de ce qui se fait en égalant les Panasonic S1R et autre Leica SL2. Pas un record, mais le top du top du moment.
Autre atout matériel : la batterie. Troisième itération de la LP-E6 introduite par le Canon EOS 5D Mark II, cette LP-E6NH a comme particularité d’offrir une compatibilité physique avec ses ancêtres. En clair : même si elles ne sont pas aussi endurantes que cette nouvelle référence, les LP-E6 et LP-E6N sont prises en charge par l’EOS R5 et son petit frère le R6. Point de compatibilité de recharge directe, mais cette interopérabilité permet au Canoniste déjà largement équipé de continuer à utiliser ses batteries. Un avantage de poids.
Comme certains hybrides plein format haut de gamme (SL2, S1R, X-H1, etc.) l’EOS R5 profite d’un écran LCD sur le dessus de l’appareil, façon reflex. Dans ce domaine, seul Sony fait de la résistance. Détail pour les uns, argument pour les autres, le boîtier est 100% made in Japan, un fait de plus en plus rare dans le monde de la photo où le gros de la production se fait désormais dans des pays d’Asie du Sud Est, notamment la Thaïlande (Sony, Nikon, Pentax) ou le Viêtnam (Olympus).
Enfin la stabilisation mécanique !
Outre le besoin d’être premier sur la 8K, Canon a pris son temps pour lancer cet EOS R5 à cause d’un manque technologique : la stabilisation du capteur d’image. Développée par Olympus – qui a vendu une licence à Sony… et à d’autres -, cette technologie a donné du fil à retordre à Fujifilm, mais encore plus à Canon qui avait l’habitude de ne stabiliser que les optiques. Comme Fujifilm, les ingénieurs de Canon voulaient développer leurs propres composants, leurs propres algorithmes sans payer de licence à un tiers. Ce qui a engendré un retard certain.
Un retard que Canon a transformé en avantage : pour pallier l’absence de ce mécanisme dans (l’infâme) EOS R, Canon a mis au point une stabilisation électronique de l’image très avancée. En couplant stabilisation optique (qui demeure dans les zooms notamment), cette stabilisation électronique et la nouvelle stabilisation mécanique, Canon affirme que sa stabilisation « totale » permet de gagner jusqu’à 8 vitesses. Un record de l’industrie puisque le champion du genre, l’OM-D E-M1X d’Olympus aidé par son petit capteur, n’affiche « que » 6,5 vitesses de stabilisation. Pour vous donner une exemple précis, une image qui devrait être stable à 1/250s devrait s’avérer nette exposée durant une seconde. Là encore Canon frappe très fort.
Sur le papier, l’EOS R5 est le tueur qu’on attendait de la part de Canon, un concentré de technologies uniques – vidéo 8K, rafale 45 Mpix à 20 i/s – qui offre un avant-goût du futur. Une vraie prouesse qui nous fait encore plus détester l’EOS R, complètement immature et à la ramasse technologiquement.
Qui dit boîtier de pointe bardé de technologies d’exception, dit prix élevé : l’EOS R5 sera commercialisé dès le 30 juillet à 4499 euros. Un tarif à peine supérieur au prix de lancement de l’EOS 5D Mark IV lancé en 2016 (4100 € à l’époque) et bien inférieur au Leica SL2 lancé l’an dernier à 5999 euros. Si les résultats sont au niveau de ses promesses, le Canon EOS R5 pourrait être le digne héritier de son père spirituel, le 5D Mark II. C’est tout le mal qu’on lui souhaite.
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