Comme dans ce film qui imaginait que, par une trappe secrète, on puisse accéder à la tête de l’acteur John Malkovitch, on aimerait pouvoir s’installer un moment au milieu des pensées de Jean-Marie Messier. Pénétrer par ses chaussettes trouées jusqu’au tréfonds de son âme, vivre comme lui les psychodrames de Vivendi Universal. Comprendre comment il comprend, lui, la chute de près de 40 % de l’action de son groupe, analyser comment il analyse, lui, les départs successifs de Denis Olivennes et de Pierre Lescure, les deux têtes de Canal Plus, à quelques jours de l’assemblée générale des actionnaires. Pense-t-il, ainsi que l’affirment certains, que ce soit là une man?”uvre politique ? Qu’au gouvernement, on tienne à le déstabiliser ? Qu’en démissionnant, Olivennes mette à bas, par exemple, une revente de Canal Plus qui semble depuis longtemps dans ses synapses ? Ah, se séparer enfin de ces emmerdeurs de pseudo-artistes audiovisuels. Et ce Lescure, cette espèce de businessman qui se prend pour une pop star… Oui, liquider cette “boîte à coucou” qu’est Canal, tel un escabeau pour la gloire qui ne monterait désormais plus assez haut. Loin des clichés qu’il aime à distribuer complaisamment dans les gazettes, on voudrait se trouver dans la tête de J2M. Être le témoin intime de ses colères, le voir interrompre précipitamment ses vacances, revenir dare-dare à Paris pour gérer cette nouvelle crise existentielle. Le premier en claquant la porte, le second en la prenant, Denis Olivennes et Pierre Lescure ont fait trembler les murs en carton-pâte de la télévision cryptée. Et fait couler plus d’encre que le coup d’État avorté au Vénézuela et la crise au Proche-Orient réunis. Mais dans quel pays vit-on ? Oui, on aimerait être dans la tête de Messier, lorsqu’il n’a pas de chance. Quand les experts du Crédit lyonnais affirment qu’il va sauter. On aimerait barboter dans le jacuzzi de ses pensées profondes, savoir s’il regrette quoi que ce soit, s’il doute. À n’être ne serait-ce qu’une heure dans la tête de Messier, il nous semble que l’on comprendrait non seulement mieux Vivendi, non seulement mieux J2M, mais aussi laffreux monde lui-même.* Journaliste et essayiste
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