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Cabletron prêt à couper les ponts avec ses filiales

Hors du giron de Cabletron, les quatre rejetons de la firme de Boston voient s’ouvrir des portes qui leur étaient auparavant fermées.

Cabletron passe la main ; son nom aura bientôt disparu du paysage des réseaux. Comment l’un des grands des réseaux d’entreprise en est-il arrivé là ? Au milieu des années quatre-vingt-dix, le constructeur – quatrième derrière Cisco, 3Com et Bay Networks – n’a pas su négocier le virage de la commutation : au moment où les commutateurs de niveau 2 se sont mis à remplacer les concentrateurs dans le réseau local, ces derniers constituaient les deux tiers de son chiffre d’affaires. A l’arrivée de la commutation de niveau 3, le rachat de Yago lui donne un second souffle, le propulsant numéro un sur un segment de ce marché.

Plusieurs acquisitions, quelques marches en arrière

Mais la croissance du constructeur s’essouffle inexorablement ; 1998 est l’année des premières pertes et d’une importante réduction d’effectif. En début 2000, Cabletron a décidé d’abandonner la course en son nom propre en passant le relais à quatre rejetons. Chaque société du groupe dispose ainsi de sa propre marque. Enterasys Networks a repris les matériels réseaux pour entreprises, et Riverstone Networks ceux pour opérateurs. La partie administration de réseaux (logiciel Spectrum) est gérée par Aprisma Management Technologies. GNTS (Global Network Technology Services) se consacre aux services. Chacune de ces filiales vise l’indépendance via une introduction en Bourse. Première à faire le grand saut, Riverstone s’est lancée sur le Nasdaq à la mi-février. Son action, proposée à 14 dollars, est redescendue à 11 dollars à la fin du mois. GNTS devrait être la deuxième société à s’introduire en Bourse.Parmi les quatre filiales, Enterasys Networks représente clairement le plus gros morceau : la société reprend le c?”ur de métier de Cabletron ; son chiffre d’affaires est environ dix fois supérieur à celui des autres filiales. La création d’Enterasys a été l’occasion de donner un coup de balai dans les gammes. “Nous avions plus de dix mille références. C’était beaucoup trop “, note John Roese, CTO de la société. “Nous ciblons désormais des marchés verticaux “, précise Henri Fiallo, son président. Malgré des qualités technologiques reconnues, Cabletron a toujours souffert d’un problème d’image. Enterasys remet donc tout à plat pour ce qui concerne les noms de produits : la filiale vient de profiter de la sortie d’un nouveau commutateur-routeur pour recouvrir, sous le nom de X-Pedition, toute sa gamme SmartSwitch Router ; et, en fin 2000, les commutateurs empilables SmartStack ont été rebaptisés Vertical Horizon. Drôle d’idée, alors que le succès du constructeur repose surtout sur sa base installée : “ Nos principaux clients ont dépensé 20 % de plus “, chiffre Garry McGuire, vice-président en charge du marketing. 20 %, c’est aussi la progression annuelle visée par le constructeur – “Supérieure à celle du marché “, souligne Henri Fiallo. Et Enterasys reste optimiste, préférant voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide : “Cisco détient 40 % du marché des réseaux d’entreprise. Cela laisse 60 % aux autres “, remarque Garry McGuire.

Le monde très agité des réseaux

Cabletron s’était lancé tardivement dans une politique de rachats. Dans un monde des réseaux agité par les acquisitions, le constructeur continuait de faire route seul, fidèle à sa stratégie de développements internes. Fin 1997, changement de cap. Cabletron se lance dans les rachats, avec, notamment, ceux de la division réseaux de Digital (DNPG, Digital Network Product Group), Yago Systems, FlowPoint, ou encore Netvantage. Ces rachats n’auront pas tous la même issue. De DNPG, revendu à la mi-2000, Cabletron n’aura conservé que la gamme de réseaux locaux sans fil (voir encadré). Flowpoint, avec lequel Cabletron s’attaquait au DSL, est revendu à Efficient Networks dès 1999.En revanche, le rachat de Yago Systems s’est révélé une véritable réussite : grâce aux matériels de ce dernier, Cabletron est devenu numéro un sur le marché des commutateurs de niveau 3 en châssis. Et c’est Piyush Patel, cofondateur de Yago, qui a repris les rênes de Cabletron après une valse des patrons entre fin 1997 et mi-1999. Lorsque Cabletron se réorganise en quatre sociétés, se pose la question du devenir des produits d’origine Yago (SmartSwitch Router, gamme phare de Cabletron). Ils correspondent à la fois au marché des entreprises, repris par Enterasys, et à celui des opérateurs, métier de Riverstone. “Les deux filiales avaient le droit de fabriquer ces produits, indique Richard Benwell, responsable marketing de Riverstone pour l’Europe. La gamme a ensuite suivi sa propre évolution de chaque côté, comme les branches d’un arbre. Chez Riverstone, nous avons développé de nouvelles versions logicielles et de nouveaux composants. Nous en sommes à la quatrième génération de silicone”.

Les acquisitions se poursuivent

La séparation en quatre entités n’a pas mis fin à la stratégie d’acquisitions : Enterasys a acheté en août dernier, pour 2,2 milliards de dollars, le spécialiste des réseaux privés virtuels (VPN) Indus River et, dernièrement, Network Security Wizards pour sa technologie de détection d’intrusions. GNTS, lui, s’est octroyé plusieurs sociétés sur le continent nord-américain. Aprisma cherche aussi à faire du shopping. Le passage à une structure indépendante a débridé les autres rejetons de Cabletron. Sur les six cent cinquante employés de GNTS, seuls deux cents viennent de Cabletron. “Tous nos consultants ont deux ou trois certifications de constructeur réseaux”, indique Jean-François Sarnak, responsable de GNTS pour l’Europe du Sud. La partie services existait aux Etats-Unis, mais pas en France. “Ce n’était pas ce que nous voulions. Nous venions uniquement en aide à nos partenaires en cas de besoin, et cela représentait moins de 1 % du chiffre d’affaires”, précise-t-il. L’horizon s’élargit aussi considérablement pour Aprisma, même si Cabletron se targuait de vendre plus de logiciels Spectrum à des clients n’ayant pas de matériel réseau Cabletron. “Nous étions dans un écosystème Cabletron, et certains partenaires nous étaient inaccessibles “, affirme Phil Andrews, General Manager d’Aprisma pour l’Europe. “Cisco était logiquement celui par lequel commencer “, note Katrinca McCallum, avant d’ajouter qu’Aprisma prévoit d’annoncer des liens avec des constructeurs tels Foundry, Extreme Networks, ou Juniper. Et Riverstone, qui récupère quarante-trois des quarante-cinq ingénieurs issus de Yago, connaît une croissance en flèche avec une progression de son chiffre d’affaires de 30 % par trimestre.

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Annabelle Bouard