Nous avons beaucoup résisté, raconte Jean-Luc Nahon, PDG du fournisseur d’accès français ISDNet. Au départ, nous n’étions pas à vendre.” Quelques heures après l’annonce de son rachat, pour un montant non communiqué, en même temps que sept autres FAI, par l’opérateur britannique Cable & Wireless, le PDG du dernier grand FAI français indépendant affichait pourtant un enthousiasme communicatif : “C’est, en quelque sorte, le caractère très cosmopolite de cet opérateur qui nous a séduits, et une réelle communauté de vue sur la façon de faire notre métier qui nous a convaincus, explique Jean-Luc Nahon. Pour des gens comme nous, plus intéressés par l’aventure de la construction de nouveaux réseaux que par les man?”uvres financières relatives à la Bourse, c’est plutôt excitant de se retrouver au sein d’un groupe né il y a 125 ans, et qui a, entre autres, mis au point le réseau de communication de la mission Apollo 13 !”
Un conglomérat de FAI indépendants
Au sein de la future division FAI de Cable & Wireless, baptisée IP. co, ISDNet rejoindra les fournisseurs belge, suisses, italiens, espagnol et autrichien, rachetés en même temps que lui, ainsi que les FAI allemand, suédois et britannique acquis par Cable & Wireless au cours du second semestre 1999 (lire notre encadré). Tous ont pour particularité d’être indépendants. “Nous voulions les FAI les plus importants dans leurs pays, explique Jean-Philippe Niedergang, directeur général de Cable & Wireless France. Nous intégrons, du même coup, du personnel très qualifié dans le service IP et une infrastructure de points de présence déjà bien rodée.” Mais, de part et d’autre, on reconna”t malgré tout que ce rachat, qui fait dispara”tre, dans la plupart des pays européens concernés, les derniers FAI indépendants, était inéluctable. “En France, nous avons fait aussi bien, et même mieux, que notre concurrent direct, UUNet, se souvient Jean-Luc Nahon. Mais, au niveau européen, nous ne pouvions lutter à armes égales.” Ce nouvel investissement, qui porte à 3,3 milliards de francs (503 millions d’euros) le rachat des onze FAI, s’ajoute aux 6,5 milliards de francs (990 millions d’euros) déjà dépensés par l’opérateur pour construire une dorsale paneuropéenne d’un débit de 9,9 Gbit/s. Dernier acte, encore à venir, de la stratégie tout-IP de Cable & Wireless, la construction d’un réseau IP de collecte pour interconnecter les FAI. Ce réseau, dont la construction devrait coûter 3 milliards de francs (457 millions d’euros), doit relier deux cents villes européennes à la dorsale paneuropéenne et, à travers elle, aux réseaux IP que l’opérateur a déployés aux États-Unis et en Asie. Au total, et en à peine plus de deux ans, Cable & Wireless aura ainsi dépensé près de 20 milliards de francs. “Nous faisons déjà partie des trois premiers fournisseurs IP au monde, justifie Graham Wallace, directeur général de Cable & Wireless. Avec ces acquisitions et l’investissement réseau supplémentaire, nous sommes en mesure de nous imposer sur le marché des services IP destinés aux entreprises.” Selon lui, en Europe, ce seul marché devrait atteindre 200 milliards de francs (30,5 milliards d’euros) d’ici à 2002. Hier encore, Cable & Wireless était simplement absent de ce marché.
Cable & Wireless, premier opérateur IP européen
“L’acquisition simultanée de onze FAI nous propulse en tête des opérateurs IP européens “, souligne Jean-Luc Nahon, avant de reconna”tre que le prochain rapprochement entre UUNet-MCI WorldCom et Sprint privera, pour un temps, Cable & Wireless de la première place. Dans la pratique, reste à intégrer au sein d’une même entité onze entreprises qui représentent, en tout, un peu plus de 5 milliards de francs (762 millions d’euros) de chiffre d’affaires. Paradoxalement, cette valeur financière des nouveaux arrivants a joué en faveur de Cable & Wireless lors des négociations : “C’est une configuration de rachat plus rassurante, explique Jean-Luc Nahon. Notre poids financier nous permettra de conserver une relative autonomie au sein du groupe.” Il n’empêche que les onze FAI recrutés sont loin d’avoir le même profil. Pour certains, l’activité de fourniture d’accès Internet représente moins d’un quart du chiffre d’affaires ; pour d’autres, les points de présence se comptent sur les doigts de la main. Tous ambitionnaient cependant d’en découdre avec les ténors américains du marché des services IP aux entreprises. Centré autour des réseaux privés virtuels et, dans une moindre mesure, de la convergence voix-données, le décor, qui verra se dérouler la guerre des réseaux IP, est désormais bel et bien planté.Première règle dans un combat : impressionner l’adversaire. En ce début d’année, Cable & Wireless aura marqué les esprits par cette série de rachats. La bataille avec MCI WorldCom (UUNet), KPNQwest (EUNet) et PSINet ne s’en jouera pas moins dans l’ombre des grands opérateurs historiques (British Telecom, Deutsche Telekom, Belgacom ou France Télécom), qui restent, pour l’instant, les réels ma”tres du jeu.
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