C8 et NRJ12 cesseront bien d’émettre le 1ᵉʳ mars prochain, à minuit. Mercredi 19 février, le Conseil d’État est venu doucher le dernier espoir des deux chaînes, en confirmant la décision de l’Arcom de juillet dernier de les débrancher. Le gendarme de l’audiovisuel français avait refusé de reconduire la diffusion sur la TNT de ces deux chaînes, pour des raisons différentes sur lesquelles s’est justement penché le Conseil d’État.
Et pour les plus hauts juges administratifs, le gendarme de l’audiovisuel « n’a pas commis d’illégalité en écartant C8 et NRJ12 au profit des autres candidats sur la base de son appréciation de chacun des dossiers et de la comparaison de leurs mérites respectifs », écrit-il dans sa décision. Pour la plus haute juridiction administrative, ce sont surtout les manquements répétés de C8 et la mauvaise santé financière des deux chaînes qui ont pesé dans la balance.
L’Arcom s’est basée sur « des critères objectifs, transparents, favorables à la concurrence, non discriminatoires et proportionnés »
Si le Conseil d’État ne répond pas directement aux accusations de censure de la liberté d’expression, émises notamment par Marine Le Pen, la présidente du RN, le juge prend soin de rappeler que l’Arcom a pris sa décision dans le cadre d’une procédure qui se base sur « des critères objectifs, transparents, favorables à la concurrence, non discriminatoires et proportionnés ». La juridiction revient d’ailleurs sur certaines candidatures sélectionnées, et celles présentées par C8 et NRJ 12.
L’affaire avait débuté en juillet dernier. L’autorité française, qui devait réattribuer les fréquences de la TNT expirant fin février 2025, avait sélectionné plusieurs dossiers, et rejeté d’autres, comme ceux de C8 et de NRJ 12. En décembre dernier, elle a ensuite publié la liste des 11 chaînes retenues, dont ne faisaient toujours pas partie C8 et NRJ 12. De quoi mettre vent debout les deux chaînes, qui ont saisi le Conseil d’État en formant un recours « pour excès de pouvoir ».
Pour C8, des manquements répétés et des finances dans le rouge
Mais pour le Conseil d’État, si C8 avait bien « une part d’audience élevée » et « un volume important de programmes inédits et en direct », la chaîne propose des « programmes peu diversifiés », en comparaison avec d’autres candidatures qui présentaient « une offre plus variée et renouvelée ».
Mais surtout, « la société C8 a fait l’objet de nombreuses sanctions financières, mises en demeure et mises en garde de la part de l’Arcom pour des manquements, au cours des dernières années, à ses obligations légales et conventionnelles, notamment en matière de respect des droits de la personne, de protection des mineurs et de maîtrise de l’antenne ». Ces manquements questionnent sur « la capacité de la chaîne à respecter ses obligations légales si son autorisation venait à être renouvelée », note le juge administratif.
Ces « manquements » ont été commis pendant l’émission de Cyril Hanouna, animateur star de la chaîne et auteur de nombreux « dérapages ». En tout, C8, sanctionnée à sept reprises, a dû payer des amendes très salées atteignant les 7,6 millions d’euros entre 2023 et 2024. Autre raison listée par le Conseil d’État : la chaîne a aussi ses finances dans le rouge. Créée depuis 20 ans, elle n’a pas atteint l’équilibre financier.
Pour NRJ12, ce sont les choix de diffuser en majorité des « fictions audiovisuelles, pour beaucoup en rediffusion, et de divertissements, genres déjà très représentés sur la TNT, ainsi qu’au téléachat » qui sont mis en avant. Avec un bilan financier aussi dans le rouge.
Malgré l’explication de texte, la décision du Conseil d’État a été vivement critiquée par NRJ12, qui déplore « une injustice profonde », mais aussi par Canal +, propriétaire de C8.
400 emplois menacés ?
Pour la chaine cryptée, il s’agit d’une « éviction pure et simple de la chaîne C8, installée dans le paysage audiovisuel depuis près de 20 ans, se classant toujours première chaîne de la TNT et réunissant chaque jour plus de 9 millions de téléspectateurs cumulés ». La chaîne était en 2024 la première en termes de part d’audience sur la TNT, selon les chiffres de Médiamétrie publiés lundi dernier. Désormais, c’est tout « un écosystème (… qui) se retrouve sacrifié (…). Près de 400 collaborateurs et prestataires de C8 s’apprêtent à perdre leur emploi ou à le voir menacé », a déploré Canal+ dans son communiqué.
La critique a été reprise par des figures de droite et d’extrême droite comme l’actuel ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, Laurent Wauquiez, Éric Ciotti ou encore Marine Le Pen : la présidente du RN estime que cette décision « doit inquiéter les Français sur les menaces qui pèsent lourdement sur le pluralisme et la liberté d’opinion ».
À la place de ces deux chaînes, on trouvera dorénavant la T18, du groupe CMI France, détenu par le milliardaire tchèque Daniel Křetínský, et OFTV de Ouest France. Reste un dernier espoir pour les C8 et NRJ12 : quatre fréquences, libérées par les chaînes payantes de Canal+, seront vacantes dès le mois de juin. Le Conseil d’État appelle d’ailleurs l’Arcom à lancer « une nouvelle procédure d’étude d’impact et de consultation publique afin d’évaluer si un nouvel appel à candidatures doit être lancé pour attribuer ces quatre fréquences vacantes ».
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Source : Décision du Conseil d'Etat