On ne tire pas sur une ambulance. Mais on peut quand même se poser quelques questions quand elle tourne en rond, comme dans le sketch de Raymond Devos, où les occupants de l’ambulance finissent dans le corbillard ! Tous ceux qui connaissent Bull de l’intérieur savent que la compagnie renferme de nombreuses compétences, depuis longtemps. Il est même arrivé que le constructeur fabrique des machines performantes, que certains de ses logiciels soient de belle facture, et que ses services rendent un vrai service. Bull avait de nombreux atouts pour réussir. Et, les coudées franches, il aurait sans doute pu négocier les bons virages aux bons moments. Mais son histoire n’est qu’une suite de renoncements et d’atermoiements, résultant d’un pouvoir public riche de mauvaises idées et d’une succession de patrons aux profils et aux stratégies plus que variés. Alors, les bonnes compétences se sont découragées, et elles ont quitté la compagnie, année après année. Certains se sont accrochés, espérant une grande fusion il y a quelques mois – il paraît que cela aurait pu être avec une grande SSII française. Mais, là encore, les pouvoirs publics et les banquiers ont tout bloqué. Les grands actionnaires rameutés avec panache par le précédent PDG se sont fatigués, et ils n’attendent sans doute plus qu’une sortie honorable. Et, le pire de tout, c’est l’Etat, dit-on, qui reprend en main le dossier ! Coincé de tous les côtés, Guy de Panafieu fait sans doute ce qu’il peut. Il est déjà difficile d’esquisser une stratégie quand on est le dernier des grands généralistes européens, une espèce en voie d’extinction – ICL, Olivetti, Siemens ont tous été rachetés ou fusionnés. Si, en plus, il faut se battre contre les mauvaises idées de l’Etat, le blocage des syndicats, le découragement des salariés et l’abandon des banques, il ne reste plus grand espoir. Pourtant, à l’intérieur de la compagnie, certains y croyaient encore un peu… avant qu’on leur annonce 1 800 suppressions d’emploi. Bull, c’est vraiment une histoire triste.
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