“C’est une prise d’otages des fournisseurs européens de services en ligne” : voilà comment à Bruxelles, on résume l’action du cabinet de Tony Blair qui, lors de la réunion des ministres de l’Économie et des Finances des Quinze (Eco-Fin), le 6 novembre dernier, a de nouveau refusé tout accord sur le projet de directive e-TVA. Cette proposition de directive, discutée par la Commission depuis plus d’un an, vise à soumettre l’ensemble des services en ligne à la TVA en vigueur dans l’espace économique européen. Avec pour objectifs, d’une part, de fixer un taux unique de 15 % pour tous “les services de la société de l’information” vendus au sein de l’Union et, d’autre part, d’adopter le principe du prélèvement aux taux du pays consommateur. Pour l’heure, en effet, les services en ligne des entreprises implantées hors de l’espace économique européen ne payent pas la TVA. Ce qui pour la Commission, constitue un manque à gagner fiscal, et pour les fournisseurs de services implantés en Europe, une distorsion de concurrence.
Freeserve contre Downing Street
En Grande-Bretagne, “l’affaire Freeserve” est devenue un symbole de cette inégalité fiscale dont souffre l’internet européen face aux grands réseaux américains. En juillet dernier, Freeserve, fournisseur d’accès britannique, filiale de France Telecom (à 92 %), interpellait les pouvoirs publics sur le différentiel fiscal dont il était victime face à AOL. Son président, John Pluthero, déplorait que les services de Freeserve soient assujettis à une TVA de 17,2 % tandis que ceux d’AOL, destinés au marché britannique, mais opérés depuis les États-Unis, en étaient exemptés. “Les fournisseurs d’accès sont les premiers concernés. Mais demain, c’est toute l’industrie européenne des services en ligne qui sera exposée à l’inégalité fiscale”, insiste-t-on à la Commission. France Telecom attendait donc beaucoup du conseil Eco-Fin du 6 novembre pour arriver à un accord avec les Britanniques sur l’affaire Freeserve. Mais le royaume n’a pas plié. Selon des sources proches du dossier, le gouvernement Blair aurait bloqué les discussions sous la pression des éditeurs britanniques. Outre-Manche, ce secteur bénéficie, en effet, d’un taux zéro de TVA et exerce un intense lobbying pour conserver ce privilège sur internet.Défenseur d’une ligne libérale et opposé à tout protectionnisme fiscal, le gouvernement Blair avait déjà prôné, pour contrer le projet d’e-TVA, la mise en place d’un moratoire fiscal pour les services de la société de l’information en Europe. Une proposition qui a été unanimement rejetée par les quatorze autres États membres. Difficile de se priver d’une manne fiscale au moment où le payant s’impose sur le net. Le Sénat américain ne vient-il pas d’ailleurs de refuser de prolonger l’exemption fiscale dont l’internet bénéficiait aux États-Unis, depuis 1998. Cette fois-ci, la fin de non-recevoir des Britanniques est suspendue à l’harmonisation fiscale entre papier et électronique, préalable à toute résolution des distorsions de concurrence entre les opérateurs européens et étrangers. Un choix qui, en France, a été appuyé par la proposition du député RPR du Loir-et-Cher, Patrice Martin-Lalande, qui vise à aligner le taux de TVA de la presse en ligne au taux de 2,1 %, en vigueur pour la presse imprimée. Mais à Bruxelles, ce préalable n’a pas convaincu. “La non-distorsion de concurrence entre le papier et l’électronique est un argument qui ne tient pas. D’ailleurs, dans l’édition, les produits en ligne et les produits papier sont si différents que l’harmonisation nest pas forcément justifiée”, rétorque-t-on.
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