En quoi les technologies de l’information et de la communication (TIC) ont-elles fait évoluer la fonction ressources humaines (RH) ?Bruno Henriet : Cette fonction comporte traditionnellement une forte composante logistique et administrative ?” gestion de la paie, des absences et des congés, rédaction des contrats, etc. ?” qui est aujourd’hui largement supportée par les outils technologiques. Les “petites mains” sont donc moins nombreuses, et le temps dégagé permet de se concentrer sur le c?”ur de métier de la fonction RH, à savoir la gestion des emplois et des compétences, mais aussi la conduite du changement liée à l’introduction des TIC et l’adéquation toujours plus grande avec la stratégie globale de l’entreprise.Maurice Imbert : La fonction RH devient à la fois plus qualitative, plus stratégique, mais aussi plus déconcentrée. La réussite des NTIC tient à leur juste appropriation par les salariés. Le rôle des DRH est de définir une politique de communication et d’accompagnement cohérente avec les objectifs de l’entreprise, mais aussi d’avoir l’intelligence de déléguer aux managers opérationnels le pilotage sur le terrain de la conduite du changement. La fonction RH se diffuse donc à l’intérieur de l’entreprise.Les DRH français ont-ils pris la mesure des opportunités offertes par les NTIC ?Maurice Imbert : Rien n’est moins sûr. Beaucoup ont succombé à un effet de mode. Ainsi, 80 % des entreprises qui ont mis en place un intranet l’ont fait sans se demander à quoi il devait servir, le limitant le plus souvent à un énième canal de communication, lorsqu’il devrait être aussi un outil de dialogue social et un instrument de travail collaboratif.Bruno Henriet : Le plus souvent, les technologies de l’information ont été investies de vertus magiques sans qu’une réflexion ne soit menée en amont sur les contenus à mettre dans les tuyaux, ni les changements organisationnels ou humains impliqués par la mise en place de la technologie. L‘e-learning ou la gestion des connaissances ont suscité beaucoup d’enthousiasme, mais n’ont pas toujours donné les résultats escomptés. Ce n’est pas, le plus souvent, la technologie qui est en cause, mais son accompagnement. Créer une base de connaissance consultable par tous en ligne, c’est une idée séduisante, à condition de se demander quelle connaissance est stratégique pour l’entreprise, comment elle peut être collectée (quel intérêt aura un manager à partager un savoir-faire, qui est aussi son fonds de commerce ? Faut-il lui proposer quelque chose comme des “droits d’auteurs”?) et à qui et comment la présenter.Les rapports entre DRH et salariés ont-t-il été profondément modifiés par la mise en place des NTIC ?Bruno Henriet : En aval, la virtualisation de la relation entre RH et salariés peut conduire à une certaine perte de convivialité et à un isolement de la DRH. Il faut donc veiller à conserver une communication de terrain. Mais c’est surtout en amont que le rôle de la DRH devrait muter. Cette dernière doit plus que jamais se faire l’avocate des employés. On pourrait imaginer qu’elle réalise des diagnostics des salariés avant la mise en place des nouvelles technologies de l’information, pour mesurer leurs attentes mais aussi leurs craintes ou difficultés. Les salariés sont rarement opposés aux TIC en soi, mais à la pression qui est liée à leur mise en place ?” souvent trop rapide et sans accompagnement ?” et surtout à leur utilisation, parfois vécue comme une sanction car présentée comme obligatoire.Quel pourrait être le portrait du DRH idéal à l’heure des TIC ?Maurice Imbert : C’est évidemment un cadre familiarisé avec les nouvelles technologies, pour éviter les malentendus entre informaticiens et praticiens ressources humaines, encore trop nombreux dans les entreprises. C’est aussi un promoteur et animateur des systèmes technologiques en interne, c’est-à-dire doté de ce qu’on appelle, aujourd’hui, les compétences marketing RH.Bruno Henriet : Le DRH idéal est plus sûrement un ancien opérationnel, ayant vécu sur le terrain les opportunités et les contraintes liées aux TIC, qu’un pur produit des ressources humaines, limitant son métier aux processus administratifs et aux relations avec les syndicats. C’est aussi un fin psychologue, plus qu’un bon juriste ou comptable. Et il a toute sa place, donc son autorité, au sein du comité de direction.(*) Bruno Henriet et Maurice Imbert publient ” DRH : sachez tirer parti des nouvelles technologies ” aux Éditions d’Organisation.
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