Grâce à Internet, plus besoin de passer par un éditeur pour voir son livre publié, par une maison de disque pour accéder au top 50, ou encore par une galerie pour exposer ses oeuvres. Sans parler du bénéfice financier pour les artistes : en faisant disparaître les intermédiaires, c’est la totalité des droits d’auteur qui leur revient.Il y a deux ans à peine, six mois peut-être encore, on croyait fermement qu’Internet deviendrait le média qui permettrait à tout talent de se révéler tout seul. Dans un sens, ce rêve s’est réalisé : il est en effet difficile d’évaluer le nombre de sites d’artistes qui se produisent seuls sur Internet ou de start-up dédiées à la promotion de jeunes talents. Mais une chose est sûre, ils sont légion, des éditeurs en ligne, comme Olympio.com ou Nomadbooks, aux galeries virtuelles telles qu’Artmajeur.com en passant par les pages persos, comme celle d’Art Libre, derrière laquelle se cache un retraité qui promeut la peinture de sa femme. Et concernant la musique, bien sûr, même combat.A cette différence près que les espoirs d’Internet ont sans doute été plus forts dans ce secteur.Pour Bruno Heese, cofondateur et vice-président de Peoplesound, un site anglais consacré aux jeunes musiciens européens, le gagnant dans l’histoire, c’est l’industrie.
01net.
: Internet permet-il aux jeunes talents de se passer des majors du disque ?
Bruno Heese
: Pas vraiment. Au départ, on a cru qu’Internet serait une véritable révolution dans l’industrie de la musique. Toute une nouvelle génération d’artistes allait pouvoir se passer des canaux de distribution traditionnels pour réussir. Pourtant, la révolution ne devait qu’être partielle : le pouvoir d’Internet ne remet pas en cause la nécessaire présence des agents et des distributeurs. La promesse originelle de l’éradication des majors est donc totalement fausse.Pourquoi ?Quand on parle de réussite commerciale en musique, il ne faut pas oublier que, hormis le son, les clés du succès se trouvent également dans la construction de l’image de l’artiste par sa médiatisation : campagnes publicitaires, passages à la radio et à la télé sont autant de facteurs qui assurent de véritables rentrées financières. Internet n’est pas en mesure de fournir cela.Combien de musiciens indépendants sont présents sur le Web en Europe ?Environ 100 000 personnes sur des sites qui les promeuvent, sans compter tous les artistes qui ont leur propre page Web. L’Angleterre est le pays le plus actif. D’abord à cause de la langue, ensuite parce qu’Internet et son usage y sont fort développés. Vient ensuite l’Allemagne, puis la France.Combien d’entre eux finissent par signer un contrat avec des maisons de disques ?Je ne peux que vous donner l’exemple de Peoplesound. Nous avons un catalogue de près de 16 000 musiciens sélectionnés par nos soins, dont 1600 en France. Sur la totalité de notre catalogue, 12 d’entre eux ont signé avec EMI. On dispose d’autre part à l’heure actuelle d’une trentaine d’artistes qui ont potentiellement toutes les chances de signer des contrats de distribution. Mais attention, ça ne veut pas dire que ceux qui ne signeront pas ne sont pas bons, cela peut juste venir du fait que leur cible est trop restreinte, donc pas forcément intéressante pour les majors.Un artiste indépendant peut-il se faire connaître du grand public grâce à Internet ?Oui, la chanteuse française Lorie est sans doute un des meilleurs exemples à l’heure actuelle. Cette jeune chanteuse de 18 ans a été découverte sur Peoplesound en automne dernier. Après qu’on ait mis sa musique sur notre site, il y a eu 15 000 téléchargements d’octobre à fin novembre. Elle a signé avec Epic et elle est à la tête des hit-parades.Est-ce le taux de téléchargement des chansons de Lorie qui a poussé Epic à signer avec l’artiste ?Absolument. A cet égard, Internet est un fabuleux laboratoire de découverte de talents ! Nous avons d’ailleurs des contrats avec les grandes maisons de disques pour tester leurs recrues. C’est arrivé avec une chanteuse américaine : Caprice.Existe-il des succès de musiciens uniquement sur Internet ?C’est rare, mais ça existe. C’est arrivé avec Kathryn Williams. Cette chanteuse anglaise avait son propre site Internet. Elle a été nominée au Grand Prix Mercury*, il y a deux ans. Elle commercialise ses chansons sous son propre label, Caw. Elle connaît un bon succès. Elle n’avait cependant pas hésité, au départ, à démultiplier ses chances de se faire connaître : elle avait son site Internet, mais cela ne l’a pas empêchée de distribuer ses chansons sur notre site, ce qui n’est plus le cas.Des sites comme le nôtre commercialisent d’autre part des CD à la demande : artistes méconnus ou compilations. En ce sens, le public est roi. Un artiste qui n’a pas de potentiel commercial fort vendra sa musique par notre biais. Mais la plupart du temps, les ventes sont peu nombreuses : environ 200 à 300 CD par an.Pour les jeunes artistes, Internet n’a donc pas changé grand chose…Si. Internet leur a donné la chance de montrer leur travail à moindre coût. C’est déjà beaucoup. Mais, si on regarde le parcours global d’un artiste et d’une oeuvre, ce nouveau média bénéficie surtout aux stars comme Madonna, par exemple.Cela veut-il dire qu’Internet aide surtout l’industrie et les artistes reconnus ?Absolument. La révolution se trouve du côté des éditeurs. Grâce au Web, ils sont en mesure d’identifier les profils exacts des consommateurs de musique : ils comprennent leurs attentes, leurs goûts, ils rencontrent les nouvelles tendances de consommation et peuvent ainsi adapter l’offre à la demande en prenant moins de risques. A cet égard, je suis convaincu que Bertelsmann a racheté Napster pour sa formidable base de données de profils de goûts et d’intentions d’achat des internautes.Internet révolutionne donc surtout l’approche marketing des maisons de disque ?Oui. D’ailleurs, notre modèle économique est basé sur la vente de plusieurs services aux maisons de disques : le test de jeunes artistes, les campagnes de lancement de nouveaux titres auprès de publics ciblés, l’utilisation de notre base de données de 1,5 million d’abonnés pour vendre des études de tendance de consommation.
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