Le soleil doit taper trop fort sur la tête de notre penseur numéro 1 et boss incontesté, Roland, dont les idées sont de plus en plus fumeuses. Par 33 ?’C à l’ombre (et 37?’C avec notre climatiseur détraqué), il convoque un comité de direction extraordinaire. Encore une réunion, de quoi s’agite-t-il cette fois ? De nos vacances. Bizarre. Ce n’est pas le sujet préféré de Roland. Mais là, il est tout sourire, et entame un speech empathique sur ” notre besoin de nous ressourcer tout en potentialisant notre créativité “. Tiens, il dit ” notre “. C’est nouveau. Gentil. Super humain. Il ne virerait pas gâteux, quand même ? Non, il veut juste que nous consacrions une semaine de nos vacances à un séminaire à Biarritz.Avons-nous bien entendu ? Oui : il nous explique que pour faire face à la crise et trouver un remède aux difficultés du groupe, rien ne vaut des vacances ” intel-ligentes “. Nous allons tous partir une semaine ensemble sur la Côte basque, thalasso et brain storming au programme. Je lui fais remarquer que n’ayant que 15 jours de vacances, il ne nous restera plus que 7 jours, que nous avons tous des billets déjà réservés pour ici ou là, et que…”Les derniers résultats sont mauvais, il faut trouver des solutions. Alors je compte sur vous. Vous êtes bien sûr libres de faire un choix différent, mais…” Silence. Son ” mais ” reste suspendu en l’air, dans un parfum de chaise électrique… Dix jours plus tard, nous voilà tous en peignoir et mules blanches, broyant du noir sur les chaises longues de la thalasso, prêts à tuer Roland. Nous lui en voulons terriblement de notre lâcheté, de cette incapacité totale à lui dire non, forme incurable de masochisme hiérarchique.Tous les directeurs de département sont là, avec quelques cadres de confiance. Déjeuner à la Table des frères Ibarbure, dîner à la ferme d’Ostalapia, et brain storming dans les salons d’Ilbaritz. Le soleil impitoyable donne un look de cochon grillé à Romont, le directeur des Activités stratégiques, dont la ridicule chemisette à manches courtes fait glousser les membres du groupe, moi le premier. Le DAF (directeur administratif et financier), bien qu’ayant raté HEC pour se retrouver à Sup de Co Rouen, arbore un tee-shirt Harvard faussement anodin, qui souligne sa brioche naissante. Ce qui provoque les fous rires récurrents de l’assistante de Roland. Et les miens.Quant à la directrice Clientèle, une jolie blonde aux airs hautains, moulée dans un short à coupe gynécologique, elle inspire à tous un certain respect, que n’altèrent pas le moins du monde les ” concepts porteurs ” dont elle croit nous gratifier lors des séances de brain storming. Sa dernière idée : offrir à tous les clients de nos sites une heure gratuite sur la hot line. Et pourquoi pas des vacances à l’Île Maurice, ou un cinq pièces dans le Marais ? Les autres ont quelques bonnes idées, moi surtout, mais Roland, féroce, nous accuse d’avoir plus de ” storming ” que de ” brain “. Du coup, on fait des heures sup sur la plage, mais si le string de la directrice clientèle nous donne des idées, ce ne sont pas les bonnes. Roland est formel : ce nest pas une ficelle qui nous sauvera de la corde…
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