Que répondez-vous à ceux qui relèguent Linux en entrée de gamme et préfèrent un Unix propriétaire pour les applications critiques ? Je trouve cela très amusant. Si on leur avait posé la question il y a un an, ils n’auraient même pas mentionné Linux, le considérant comme un système d’exploitation gadget. On mesure le chemin parcouru ! La réalité est que le rythme d’innovation autour de Linux dépasse tout ce qui se fait dans leurs propres laboratoires. Le succès d’un système d’exploitation, c’est la dynamique et l’enthousiasme qui l’entourent. Or Linux est dans un cercle vertueux : plus il a d’utilisateurs et plus il se bonifie. Et les arguments techniques qui peuvent sembler valides aujourd’hui ne le seront plus demain.Vous reconnaissez donc n’avoir pas encore atteint la fiabilité et la performance des Unix propriétaires ? Il y a deux ans, j’aurais été d’accord pour dire que Sun est meilleur que Red Hat pour tout ce qui concerne internet. Aujourd’hui, c’est différent. L’argument de la montée en puissance ne tient plus. Red Hat gère des comptes comme CNN ou Google. Nous détenons aujourd’hui le record de SpecWeb (NDLR : banc d’essai de serveurs web) monoprocesseur, tous systèmes d’exploitation confondus. C’est la force du code source libre. Dell, IBM, Veritas et des millions de développeurs nous sont venus en aide. Une capacité d’innovation que Microsoft ne peut espérer égaler.Le retard d’Itanium a quand même dû brouiller vos plans… C’est vrai qu’il nous affecte inévitablement. Mais je reste persuadé qu’il sera le premier processeur 64 bits de l’industrie. Car l’Itanium bénéficie comme Linux d’une grande dynamique et de beaucoup d’enthousiasme. Vous ne pouvez imaginer le nombre de développeurs qui s’y intéressent. C’est, sans aucun doute, la plate-forme qui disposera à terme du plus grand nombre d’applications 64 bits. Les autres processeurs sont contrôlés par Compaq, HP, IBM ou Sun. C’est un marché fermé qu’Itanium va ouvrir. Malgré toutes les rumeurs sur ses performances, je peux vous assurer que chez Red Hat, nous sommes très optimistes. Malheureusement, les accords de confidentialité m’empêchent d’en dire plus.Tous vos produits sont en code source libre ; comment pouvez-vous conserver un avantage sur les concurrents ? J’entends souvent dire que Linux est un système d’exploitation. C’est faux, Linux n’est qu’un noyau. Un noyau est comme un moteur. Chacun peut l’utiliser et faire sa propre voiture, sa propre solution. Et c’est cela que le client achète. La grande différence avec nos concurrents, c’est que nous maîtrisons à la fois le moteur et la solution. Nous avons des développeurs qui travaillent directement sur le noyau Linux et avec des éditeurs d’applications comme Apache. La plupart des développeurs Linux utilisent d’ailleurs un compilateur Red Hat. Nous sommes donc les rares à pouvoir faire des plans à long terme. Et c’est ce qu’attendent les directions informatiques. Qu’on leur donne une idée claire de la façon dont ils pourront résoudre les problèmes de demain. Le code source libre peut être très hasardeux s’il n’y a pas de carnet de route. C’est pourquoi IBM, Dell et les grands comptes nous font confiance.Combien de temps pensez-vous vivre grâce aux services ; les logiciels libres finiront bien par devenir plus simples d’accès ? Détrompez-vous, ils seront de plus en plus complexes. Si vous construisez une maison dans le désert, vous n’avez besoin ni de portes ni de clés. Si vous la construisez en ville, vous aurez besoin non seulement de portes, de fenêtres mais aussi d’une alarme. Mac OS et Dos sont comme des maisons dans le désert. Avec le client-serveur, ils sont entrés en ville et se sont complexifiés. Maintenant avec internet, ce sont des millions d’appareils qui s’interconnectent. Et il faut de plus en plus de compétences. C’est pourquoi le gros des investissements en technologie ne se fait pas dans le logiciel mais dans le service. Pour un franc de licence logicielle, il s’en vend deux ou trois de service. Et ça n’est pas prêt de s’arrêter.Pourriez-vous racheter une société comme Novell ? Goldman Sachs nous suggère actuellement toutes sortes de combinaisons de rapprochement. C’est pour ça que l’on entend autant de rumeurs. Ce que je peux vous dire, c’est que nous allons investir ou racheter une ou plusieurs sociétés selon trois critères : une bonne technologie exploitable dans nos produits actuels ou futurs, une entité qui nous permette de déployer des services dans le monde entier ou encore des applications qui rendent possible l’enrichissement du système d’exploitation.Novell semble répondre à tous ces critères… Ne comptez pas sur moi pour révéler quoi que ce soit. Il est vrai que nous avons de très bonnes relations avec Novell. Et qu’Eric Schmidt est à la fois un ami et un homme qui comprend très bien les enjeux technologiques. Mais je ne peux vraiment rien vous dire aujourd’hui.
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