Le texte définissant les conditions dans lesquelles un fournisseur d’accès à Internet doit bloquer l’accès à un site de jeux d’argent jugé illégal a été publié dimanche 1er janvier 2012 au Journal officiel. Rien de très nouveau diront certains, puisque jusque-là le régulateur du secteur, l’Arjel, avait déjà la possibilité de saisir le tribunal pour ordonner le filtrage d’un site. Excepté que ce décret censé définir une méthodologie est entaché d’une petite irrégularité.
Le texte a été promulgué sans que soit consulté le Conseil national du numérique. L’organisme s’est fendu d’un tweet : « Décret Arjel : le Cnnum s’étonne de l’urgence dans laquelle a été traité ce décret. Affaire à suivre. » Sa consultation n’était certes pas obligatoire, mais le président de la République s’était engagé à recueillir son avis avant toute décision entrant dans son champ de compétence. « Nous avons été surpris de la promulgation de ce décret et n’écartons pas la possibilité de nous autosaisir de la question ou de rendre un avis sur le sujet parallèlement à la saisine de l’article 4 de la Loppsi sur le filtrage pédopornographique », confie, Benoît Tabaka, secrétaire général du Conseil national du numérique.
Le problème du surblocage
Au-delà de l’aspect « procédurier », c’est la rédaction du texte même qui pose problème. Il impose aux FAI d’utiliser le protocole de blocage par DNS (par nom de domaine) aux dépens de toute autre technique. « Le choix d’une technologie ne va pas sans poser des questions de responsabilité en cas de dommages collatéraux. Si ce filtrage bloque l’accès à d’autres sites, qui est responsable l’Etat ou le fournisseur d’accès à Internet ? », demande Benoît Tabaka. Par exemple, bloquer l’adresse blogger.com [adresse légale qui n’a rien à voir avec le secteur du jeu, NDRL] pourrait revenir à interdire l’accès à toutes les pages personnelles hébergées sur cette plate-forme. « Ce sont aux opérateurs de choisir les technologies de blocage qui correspondent le mieux avec leurs infrastructures réseaux afin d’éviter les risques de blocage collatéraux », développe un spécialiste des nouvelles technologies.
Au-delà du non-respect de principe de neutralité, le blocage par nom de domaine est aussi inefficace, car l’internaute un brin technophile peut toujours utiliser d’autres serveurs DNS que ceux de son fournisseur d’accès à Internet comme ceux d’OpenDNS pour se connecter au site illégal.
A n’en pas douter ce décret est loin d’être du goût des opérateurs, qui pour faire valoir leurs droits devant le Conseil d’Etat.
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