Après avoir connu un boom sans précédent, les technologies optiques sont aujourd’hui sinistrées. Autrefois composé de multiples start-up ?” valorisées jusqu’à trente fois leur chiffre d’affaires avant l’été 2000 ?” et de géants diversifiés, le secteur est progressivement abandonné par les grands équipementiers des télécommunications. Mi-août, Agere Systems se donnait jusqu’au mois de juin prochain pour “quitter le secteur de l’optoélectronique”, qui inclut les composants optiques. La spin-off de Lucent citait, comme pour se justifier, les sombres prévisions de la société d’études RHK : “Une chute des revenus de l’industrie des composants optoélectroniques de 7 milliards de dollars [7,1 milliards d’euros, ndlr] environ pour l’année 2000 à 2,3 milliards environ cette année, soit une baisse de 67 %, notamment due à la faiblesse du secteur longue distance.”
Baisses de capacités
Plus récemment, Nortel Networks cédait pour environ 110 millions de dollars ses deux divisions d’optronique, un autre segment de l’optoélectronique, au Britannique Bookham, après que ce dernier a annoncé la fermeture de deux sites sur quatre en juillet dernier. De son côté, Alcatel Optronics planifie une réduction de ses effectifs à moins de 500 personnes d’ici à la fin 2003, alors que son personnel avait déjà été restreint à 1 550 salariés. En Bretagne, Highwave Optical veut ramener le nombre de ses collaborateurs à une soixantaine de personnes, contre près d’un millier il y a environ un an. Enfin, JDS Uniphase prévoit de fermer une partie de ses unités de production de composants optiques. À cette liste non exhaustive s’ajoutent de nombreuses rumeurs, comme celle d’une éventuelle sortie (via une fermeture ou une vente) d’ADC Telecom des composants optiques. Ce train de mesures aurait déjà permis de réduire d’environ 30 % les capacités mondiales de production de composants optiques, estime Electronicast. Mais cela suffira-t-il à compenser la baisse des ventes de systèmes optiques qui ont chuté de 30 % en 2001, et devraient encore s’effondrer de 45 % cette année, selon le cabinet d’études Dell’Oro Group ?“Malgré la surestimation de la demande en bande passante qui a conduit au licenciement de quelque 400 000 à 500 000 personnes en production dans le monde, la R & D continue sur des thématiques fortes comme la “tunability” (“accordabilité”), les réseaux à 40 gigabits par seconde, l’amplification, les sources (diodes laser VCSEL), la commutation (le tout optique), l’assemblage (diminution de la taille des composants), le packaging”, explique Éric Mounier, de Yole Développement, dans son rapport Fab Opto 2. La priorité est désormais à la réduction des coûts, essentielle pour pouvoir répondre aux besoins émergents des réseaux métropolitains et locaux, mais aussi de l’accès (fiber to home) comme il est aujourd’hui expérimenté au Japon.
Disparitions à prévoir
Ces pistes de recherche n’empêcheront pas la plupart des sociétés européennes spécialisées dans la fabrication de composants optiques, essentiellement implantées en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Scandinavie, en France et en Suisse, de disparaître. Sur une centaine, seule une quinzaine pourront survivre, selon la société de conseil européenne, qui ne voit pas de redécollage du marché avant 2004 ou 2005.
Au-delà des télécoms
Certes, les télécommunications optiques ne représentent pas les seuls débouchés des composants optiques. À terme, de nombreuses fonctions automobiles existantes (l’éclairage ou la signalisation, par exemple) ou nouvelles (les systèmes anticollision à base de radar laser et caméras CMOS ou CCD ou encore les dispositifs de vision de nuit avec des microbolomètres) devraient adopter la transmission par fibre optique. Des perspectives intéressantes pour une industrie qui représente déjà 6 % du marché des semi-conducteurs. De même, les technologies de l’information comme l’affichage (LCD, FED, Plasma, OLED), les capteurs d’images et le stockage de données (meilleures capacités grâce aux lasers bleu et ultraviolet) représentent aussi un potentiel intéressant pour les composants optiques. Et, dans un avenir plus proche, ce sont surtout les industries militaire et spatiale (transmission de données, guidage laser, vision de nuit, analyse holographique…) qui offriront le plus de débouchés non télécoms.
4 start-up qui comptent dans les composants optiques
Teem Photonics (FR)Date de création : novembre 1998
Fondateurs : A. Kévorkian, D. Barbier
Nombre de salariés : 85
Fonds levés : 36 M?
Fonds recherchés : NC
CA prévisionnel 2002 : NC
Partenaire stratégique : GEEO (Groupement d’électromagnétisme expérimental et optoélectronique)Issue de Schneider Electric en 1998, Teem Photonics a accumulé plus de 10 ans d’expérience en R & D et commercialise depuis 1999 ses composants et modules pour les réseaux optiques. La start-up présente trois principales familles de produits : les diviseurs de puissance (pour les futurs réseaux optiques d’accès), les composants d’interfaces FSC (Fiber Spacing Concentrator) et les amplificateurs optiques intégrés (plus compacts et moins chers). Ses installations rassemblent à la fois les outils de conception, des moyens d’industrialisation et de production et des laboratoires de simulation en conditions réelles. Teem Photonics élargit actuellement sa gamme de produits actifs (EDWA) et passifs (diviseurs optiques) pour répondre aux besoins de réseaux métropolitains et d’accès.Photline Tech. (FR)Date de création : septembre 2000
Fondateurs : H. Porte, P. Mollier, J. Hauden
Nombre de salariés : 13
Fonds levés : 1,8 M?
Fonds recherchés : pas pour l’instant
CA prévisionnel 2002 : 500 000 ?
Partenaire stratégique : AlcatelSpin-off du Laboratoire d’optique de l’université de Besançon, Photline Technologies produit aujourd’hui une famille de modulateurs en niobate de lithium en coupe X (haute stabilité et faible fluctuation de longueur d’onde) et coupe Z (modulateurs haute tension) pour des réseaux à 10 gigabits/seconde (Gbit/s). La start-up vise à la fois les marchés des grands équipementiers et ceux des nouveaux équipementiers et sous-systémiers, le marché scientifique et le marché à façon pour des applications non télécoms. Aujourd’hui, Photline travaille notamment sur des modulateurs pour réseaux à 40 Gbit/s et des modulateurs 10 Gbit/s à faible encombrement. Adossée à Thales Venture, Net Test, Alcatel Optronics et au CNRS, la jeune pousse attend une croissance de 20 % de son CA pour 2003.Silios Tech. (FR)Date de création : juillet 2001
Fondateurs : L. Roux, S. Tisserand, M.-J. Dupré
Nombre de salariés : 6
Fonds levés : 1 M?
Fonds recherchés : 2 M?
CA prévisionnel 2002 : NC
Partenaire stratégique : Ion Beam Services (IBS)Spin-off du spécialiste de la microélectronique IBS (leader européen de l’implantation ionique), Silios Technologies conçoit (calcul et design) et met au point (fabrication, test et caractérisation) des composants optiques intégrés passifs. Sa technologie propriétaire I3O permet une grande intégration monolithique ou hybride, pour mettre au point des composants miniaturisés et à bas coûts. La start-up développe actuellement des composants optiques passifs, tels que des diviseurs, des convertisseurs de mode ou des coupleurs WDM, mais aussi des plateformes optiques passives pour les fabricants de modules. Silios vise les marchés de réseaux optiques (défense, télécoms, médical…) et ceux des capteurs (médical, automobile, défense) ou du câblage optique (ordinateurs, électroniques…).Kloé (FR)Date de création : janvier 2001
Fondateurs : P. Coudray, P. Etienne
Nombre de salariés : 5
Fonds levés : 45 000 ?
Fonds recherchés : 6 M?
CA prévisionnel 2002 : 150 000 ?
Partenaires stratégiques : Stockeryale, distributeurs nord-américainsKloé commercialise des multiplexeurs/démultiplexeurs de longueurs d’ondes. La technologie développée par la start-up permet la production de composants optiques à faible coût ?” sans salle blanche et grâce à un procédé de connexion passif (“pigtailing”) ?” pour viser l’important marché des réseaux métropolitains. À terme, Kloé proposera de nouvelles fonctions, telles que les circuits d’insertion/extraction de longueur d’onde et des interleavers (filtres de longueur d’onde). À partir de juillet 2003, l’entreprise prévoit une capacité de production de 150 puces par jour, contre 20 d’ici à la fin 2002. Aujourd’hui assuré par des prestations d’ingénierie, le chiffre d’affaires de Kloé devrait atteindre 3 millions deuros en 2004, après que la production aura été pleinement industrialisée.
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