Face à l’omnipotence numérique de la NSA, quelle stratégie adopter pour garantir aux citoyens européens une protection minimale de leurs données personnelles ? La ministre de la justice allemande, Sabine Leutheusser-Schnarrenberger, a plaidé pour que l’Union européenne se donne les moyens de sanctionner les groupes américains qui collaborent avec les services secrets américains en leur transférant les données de leurs clients. « Nous avons besoin d’un ensemble de mesures au niveau de l’UE contre l’espionnage massif par les services secrets étrangers », a affirmé la ministre dans un entretien au quotidien conservateur Die Welt. « Les entreprises américaines qui ne respecteraient pas ces mesures doivent être exclues du marché européen », a-t-elle ajouté.
Selon Mme Leutheusser-Schnarrenberger, les négociations sur une directive européenne sur la protection des données privées sont « un premier pas important » vers « un espace européen sécurisé pour les données ». « Ce ne sont pas les services secrets mondiaux qui dicteront les normes pour la protection de la vie privée à l’âge du numérique, mais les droits fondamentaux des citoyennes et des citoyens », a-t-elle conclu. Mme Leutheusser-Schnarrenberger est l’une des principales voix contre l’espionnage par l’agence américaine NSA, dans un pays où le fichage des individus par les Nazis, puis les communistes dans l’ex-RDA, a laissé une forte empreinte.
NSA et BND, un partenariat gagnant-gagnant
La bonne volonté de la ministre de la justice allemande est très louable, mais il n’est pas certain que son discours soit très convaincant. En effet, l’Etat allemand lui-même est peut-être l’un de principaux contributeurs aux bases de données de la NSA. Le magazine Spiegel a dévoilé, ce lundi, que les services allemands du renseignement extérieur (Bundesnachrichtendienst, BND) avaient signé des accords des partenariats avec leurs homologues américains dans le cadre du programme d’espionnage XKeyscore, qui permet une récolte massive des données de connexion informatique et télécoms dans le monde entier. Ainsi, les Allemands se sont engagés à récolter et fournir des données de connexion aux Américains, en échange d’un accès au logiciel XKeyscore. Les services allemands du renseignement intérieur (Bundesamt für Verfassungsschutz, BfV) auraient également demandé leur adhésion à ce programme, qui a décidément beaucoup de succès.
Concrètement, les données seraient récoltées depuis une ancienne base militaire américaine à Bad Aibling, sympathique bourgade bavaroise de 17 000 habitants. Cette base dispose d’une importante infrastructure de surveillance radar (radômes) et héberge, par ailleurs, une équipe de « liaison » de la NSA. Sur le fond, le BND ne dément pas cette collaboration, mais explique qu’elle est ponctuelle et ne concerne pas les données relatives aux citoyens allemands. Une telle surveillance serait interdite par la loi fondamentale allemande. Mais entre ce qui est dit, et ce qui est fait…
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