En 35 ans d’expérimentations scéniques et musicales, David Bowie a édifié un musée Grévin intime peuplé de doubles fantasmatiques : Major Tom, l’astronaute léthargique de Space Oddity (1969) ; Ziggy Stardust, la Rock’n Roll Star androgyne du fameux album éponyme (1972) ; Halloween Jack, le mutant névrosé de Diamond Dogs (1974) ; “Thin white duke”, l’aristo glacial de Low et Heroes (1977-1978)… Plus récemment, le caméléon aux yeux vairons s’est réincarné en cyber-détective pour l’album Outside (1995) et même en avatar numérique dans le jeu vidéo Nomad Soul (2000) !Les fans retrouveront tous les détails de ce brillant parcours schizo-créatif sur l’un des nombreux sites dédiés à leur idole : http://teenagewildlife.com, www.bowiewonderworld.com, www.manofmusic.com (discographie complète, filmographie, photos), etc. Une manière de s’affranchir du portail de l’artiste, www.davidbowie.com, dont le contenu alléchant (chansons inédites en MP3, peintures et vidéos de l’artiste, concerts privés, etc.) est dûment facturé à la communauté Bowie Net (65 dollars soit 68,6 euros par an). L’auteur de The man who sold the world, qui a levé 45 millions de dollars à Wall Street pour financer ses cyberprojets (y compris une banque, Bowiebank, et une galerie d’art en ligne, Bowieart.com), n’a évidemment pas raté le train de l’internet à péage…Les fidèles lui pardonneront cette faute de goût. Car à 55 ans, l’éternel Dorian Gray fête aujourd’hui avec Heathen (Païen) son grand retour sur l’avant-scène musicale. Pour ce 28e album, David Jones (de son vrai nom) ne s’est pas embarrassé d’un énième jumeau conceptuel : il est Bowie, tout simplement. Un artiste à la voix intacte et au sommet de son art.À défaut d’être génialement novateur, Heathen marie en effet les meilleures tendances électro-pop du moment, aux échos d’une musique intérieure qui a traversé trois décennies sans prendre une ride. Pour ne rien gâter, le brillant producteur Toni Visconti ?” avec qui Bowie n’avait plus travaillé depuis 20 ans ?” a concocté un son aérien et lyrique, qui laisse l’artiste entièrement libre de ses mouvements mélodiques. Vérification avec la sublime chanson d’ouverture, Sunday (remixée par le disciple Moby), un poignant hommage aux victimes du 11 septembre, où le New-yorkais d’adoption David B. chante d’une voix blanche Nothing remains (il ne reste rien) sur des ch?”urs synthétiques. Contre-pied avec Cactus, une insouciante reprise power-pop des Pixies, puis retour au calme avec Slip Away, qui évoque la fragilité des débuts (Hunky Dory), et ainsi de suite… L’ancien Who, Pete Townshend, s’invite aussi pour un riff sur Slow burn, et le duo français Air reçoit son carton VIP pour un remix de Better Future. Bowie ose ensuite une deuxième reprise électrifiée : I’ve been waiting for you, de Neil Young. Panne d’inspiration ? Démenti cinglant avec les très contemporains I would be your slave et I took a trip où résonnent cuivres, cordes et rythmes techno. Au final, un talent intact, à jamais en phase avec son temps. Comme le chante lui-même Bowie : Nothing is changed, every thing is changed…
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