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Bannissement américain : quelles conséquences pour Xiaomi ? 

Inscrit sur liste noire militaire par l’administration Trump, Xiaomi est souvent comparé à Huawei ces dernières heures. Pourtant, dans l’état, rien n’indique que Xiaomi ne pourra plus travailler avec ses partenaires américains.

Pour les États-Unis, Xiaomi est désormais une « entreprise militaire de la Chine communiste ». Par surprise, comme il l’avait fait il y a quelques jours avec WeChat Pay, AliPay et plusieurs opérateurs chinois, Donald Trump a annoncé jeudi soir sanctionner Xiaomi.  

À lire aussi : Les Etats-Unis blacklistent Xiaomi, désormais considérée comme une entreprise militaire communiste

L’entreprise high-tech, connue pour la diversité de ses produits, est désormais inscrite sur une liste noire militaire et risque d’être dans les prochaines heures, au même titre que huit autres entreprises chinoises, la cible d’ordres exécutifs signés de la plume de Donald Trump.

À quelques jours de son départ de la Maison-Blanche (le 20 janvier), le président américain a-t-il encore le temps de « détruire »  Xiaomi comme il a pu le faire avec Huawei entre 2019 et 2020 ? Voici de premiers éléments de réponse que nous vous encourageons à lire avec beaucoup de prudence, la situation étant susceptible de rapidement évoluer. 

Liste noire commerciale ou militaire ? 

Depuis jeudi soir, Xiaomi est inscrit sur une liste noire militaire. Sur cette dernière, on trouve le nom de nombreuses entreprises chinoises, elles aussi accusées d’être à la botte de Xi Jinping. Parmi elles, il y a des fabricants aéronautiques (Aviation Industry Corporation of China), des opérateurs télécom (China Mobile), des concepteurs de puces (SMIC) ainsi qu’un certain Huawei, inscrit en juin 2020.  

Cependant, cette liste noire militaire n’est pas celle qui empêche Huawei d’utiliser les services Google dans ses smartphones. Depuis mai 2019, le géant chinois est aussi inscrite sur une liste noire commerciale nommée «entity list». Érigée par le ministère du commerce, c’est cette dernière qui empêche des entreprises étrangères de travailler avec des entreprises américaines. Xiaomi n’étant pas, à l’heure de l’écriture de ces lignes, sur liste noire commerciale, il peut donc continuer de travailler avec Google, Qualcomm et ses nombreux autres alliés américains. On remarque d’ailleurs que, dans le cas de Huawei, les États-Unis ont d’abord sanctionné commercialement. Le Pentagone ne s’est mêlé de l’affaire que plus tard. 

Quelles conséquences pour Xiaomi ?

À la suite d’un ordre exécutif signé par Donald Trump en novembre, Xiaomi et toutes les autres entreprises présentes sur cette liste noire militaire ne seront pénalisés que le 11 novembre 2021, date à laquelle les investisseurs américains devront retirer leurs financements. Ainsi, un Américain qui finance Xiaomi devra céder ses parts de l’entreprise (mais pourra toujours travailler avec). En revanche, une entreprise comme China Mobile, établie en dehors des États-Unis, pourra continuer à financer Xiaomi. 

De leur côté, Qualcomm (qui a autrefois investi dans Xiaomi mais a revendu ses actions depuis) et Google (qui propose Android) devraient toujours pouvoir respectivement fournir des puces à l’entreprise et autoriser l’utilisation des services Google sur ses smartphones. 

Économiquement, si ce bannissement venait vraiment à voir le jour, Xiaomi prendra un gros coup sur la tête, c’est indéniable. On peut néanmoins imaginer que l’entreprise chinoise se relèvera de cette épreuve, notamment grâce à l’appui de la Chine. Sa croissance risque néanmoins d’être ralentie. 

La seule conséquence immédiate de cette inscription sur liste noire n’est visible que sur les marchés boursiers. L’action Xiaomi a perdu approximativement 10% de sa valeur, les investisseurs de l’entreprise s’inquiétant de voir Xiaomi se transformer progressivement en Huawei. 

Pourquoi cibler Xiaomi ? 

Dans un communiqué, Xiaomi a réagi à la décision américaine, expliquant être surpris de figurer dans cette liste au vu de ses activités : 

«Xiaomi rappelle qu’elle fournit des produits et des services à usage civil et commercial. La société confirme qu’elle n’est pas détenue, contrôlée ou affiliée à l’armée chinoise et qu’elle n’est pas une “société militaire communiste chinoise” au sens du NDAA. La société prendra les mesures appropriées pour protéger les intérêts de la société et de ses actionnaires»

Dans la liste des entreprises ciblées par le Pentagone, on peut en effet s’étonner de la présence de Xiaomi. L’entreprise n’a, à notre connaissance, aucune activité militaire ou B2B. Huawei, de son côté, produit de nombreux équipements télécom. C’est cette branche spécifique qui inquiète officiellement le gouvernement américain. Dans le cas de Xiaomi, on peut imaginer que l’entreprise, actuellement troisième vendeur mondial de smartphones, a été ciblée pour sa croissance fulgurante. 

Une dernière provocation anti-Biden ? 

Ces dernières semaines, on lit souvent que Donald Trump s’est donné pour mission finale d’ancrer dans son héritage la guerre commerciale contre la Chine. On savait que le président américain comptait attaquer d’autres entreprises avant de quitter la Maison-Blanche, on ne savait juste pas lesquelles. Le bannissement de WeChat Pay et AliPay a pu surprendre au vu de la faible utilisation de ces applications aux États-Unis, celui de Xiaomi étonne pour les mêmes raisons. Xiaomi n’est pas populaire au pays de la Silicon Valley. 

Cependant, d’un point de vue strictement politique, Donald Trump ne peut que sortir gagnant de ce type d’agissements. En frustrant la Chine, le président américain attise les tensions avec son meilleur ennemi tout en rendant la vie de son successeur plus compliquée. Si Joe Biden continue la politique économique de Trump vis à vis de la Chine, il devra se confronter aux réponses de Xi Jinping que Donald Trump a miraculeusement évité (bannissement d’Apple ? Fermeture d’usines ?). Si Joe Biden décide au contraire de calmer le jeu en retirant Xiaomi (et pourquoi pas Huawei) de listes noires, Trump et ses alliés pourront l’accuser d’être un lâche au service de la Chine. Dans tous les cas, le 45ème président américain pourra critiquer son remplaçant. 

D’ici le 20 janvier, Xiaomi espère sans doute ne pas être ajouté sur l’entity list. Si la situation reste la même qu’aujourd’hui, le géant chinois devrait pouvoir réussir à la limiter les dégâts en se concentrant sur ses marchés phares comme l’Europe. Dans le cas contraire, il lui faudra sans doute préparer un plan B au cas où Joe Biden ne se rangerait pas de son côté. 

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Nicolas Lellouche