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Bannir les cyberharceleurs des réseaux sociaux : une idée inapplicable ?

Le gouvernement souhaite mettre en place une nouvelle peine pour toutes les personnes condamnées pour cyberharcèlement : ces dernières seraient exclues du réseau social où le message a été publié pendant six mois. La durée passerait à un an en cas de récidive. Problème : le casse-tête de l’application d’une telle mesure ne fait que commencer.

Une peine de bannissement de Twitter, Instagram ou TikTok en cas de cyberharcèlement ? Elisabeth Borne a confirmé, lors de sa présentation de sa feuille de route des « 100 jours » ce mercredi 26 avril, que la future loi sur le numérique comprendra bien une telle peine. Toute personne condamnée pour cyberharcèlement ou reconnue comme l’auteur d’un message haineux pourrait être exclue, pendant six mois et jusqu’à un an, d’un réseau social – si la loi est bien adoptée.

La mesure fait partie d’un projet de loi actuellement sur le bureau du Conseil d’État qui sera présenté en conseil des ministres le 3 mai prochain. Le texte vise, comme son nom l’indique, « à sécuriser et à réguler l’espace numérique ». Il permettra d’adapter le droit français aux règlements européens sur les services numériques et les marchés (les « Digital Services Act » et « Digital Market Act » en anglais, les DSA et DMA).

Ce que nous savons de cette peine

Concrètement, il s’agirait de mettre en place une toute nouvelle peine complémentaire de suspension de compte sur les réseaux sociaux en cas de condamnation. Ce qui signifie qu’il faudra d’abord qu’un internaute ait été condamné par un juge, explique L’Informé, mardi 25 avril. Or, on sait que très peu de cas de cyberharcèlement ou de haine en ligne finissent par atteindre les tribunaux. La mesure serait donc limitée aux rares cas de cyberharcèlement qui aboutissent réellement à une condamnation en justice pour les délits suivants, listés par nos confrères :

  • le harcèlement sexuel, moral ou scolaire, le harcèlement d’une personne à l’encontre de son conjoint,
  • les pratiques, les comportements ou les propos répétés visant à modifier ou à réprimer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre,
  • le proxénétisme et la pédopornographie,
  • la provocation au terrorisme ou à la haine à l’égard d’une personne à raison de son origine, sa religion, son sexe ou de son handicap,
  • le négationnisme,
  • et enfin la diffusion de contenus pornographiques accessibles aux mineurs.

L’Informé, qui a eu accès à l’avant-projet de loi, décrit comment la mesure est prévue, en pratique :

  • La plateforme devra bloquer le compte de la personne concernée, mais aussi tous ses autres comptes préexistants. Pendant toute la durée de la condamnation, ce dernier ne pourra pas créer de nouveaux comptes.
  • L’interdiction peut durer de six mois à un an, en cas de récidive.
  • Si la plateforme ne suspend pas le compte, elle devra payer une amende de 75 000 euros pour une personne physique. La somme monte à 375 000 euros s’il s’agit d’une personne morale.

Les nombreux points d’interrogation restants

Pour la suite, il faudra attendre que le projet de loi soit publié. Nul ne sait comment, dans les faits, la plateforme pourrait appliquer cette nouvelle peine, une fois le compte identifié et bloqué par la plateforme. Comment en effet pourrait-elle s’apercevoir que la personne condamnée a créé un autre compte sous un autre nom, en se servant d’autres numéros de téléphones ou en utilisant une adresse email secondaire ?

Le réseau social pourrait aussi bloquer l’adresse IP de l’internaute condamné, en gelant toute tentative de connexion, mais cette solution reviendrait à bannir du réseau social toutes les personnes vivant sous le toit de la personne incriminée. Et il suffirait à la personne condamnée de passer par son téléphone portable pour changer d’adresse IP et contourner l’interdiction.

Le casse-tête du système de vérification de l’identité des utilisateurs

Ce n’est pas la première fois que les législateurs se heurtent au problème de l’application de mesures dans le monde numérique. Une autre disposition prévue par le texte est confrontée à la même difficulté : le contrôle de l’âge imposé aux sites pornographiques, censé empêcher les mineurs d’accéder à ce type de contenus.

Pour certains, le seul moyen de mettre fin au cyberharcèlement et de poursuivre les auteurs d’infractions en ligne serait de mettre en place un système de vérification de l’identité des utilisateurs, au moment de leurs inscriptions sur les réseaux sociaux. Cette étape permettrait de bloquer véritablement, en cas de condamnation, un cyberharceleur. Mais à chaque fois que cette mesure a été évoquée – à l’image de la proposition du sénateur Alain Cadec en octobre 2021 – le casse-tête a commencé. Comment assurer la sécurité des données transmises ? Cela reviendrait-il à mettre fin au pseudonymat, un principe fondateur du Web ? Ces questions ne sont toujours pas tranchées.

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Source : L'Informé


Stéphanie Bascou