À Issy-les-Moulineaux, au sud-ouest de Paris, Elizabeth Coleon voit grand. C’est pour ainsi dire « sa mission ». Depuis son arrivée chez Withings en 2022, la nouvelle responsable marketing cherche à faire de la marque française un acteur mondial, qui vise non seulement les marchés les plus porteurs comme les États-Unis et l’Allemagne, mais aussi le reste du monde.
« Ce sont des produits qui sont pertinents pour une grosse partie de la population… En fait, tout le monde en a besoin, que l’on soit en bonne santé ou non », décrit-elle la gamme d’équipements de Withings. Une ressemblance, peut-être, à ce qu’elle pouvait connaître du secteur bancaire quand elle travaillait auparavant pour PayPal et Qonto.
Avec elle, ils sont 280 salariés à avoir repris les commandes, sous la direction d’Eric Carreel (fondateur et Président), l’entreprise qui était passée entre 2016 et 2018 sous la propriété de Nokia. Withings vole désormais de ses propres ailes, et ses nouveaux produits issus d’un nouvel apport de financement en 2020 (53 millions d’euros) sont en phase d’être lancés. L’occasion de faire le point.
Car trois chantiers sont en cours. Withings veut son déploiement international et la démocratisation de ses ventes en physique. Un cap qui ne passera pas sans la reconnaissance et la collaboration avec le corps médical, pour des technologies plus poussées et le feu vert de chaque administration de régulation relative à la santé. Avec cela, un moyen de plaire aux professionnels, aux gouvernements et aux assureurs.
U-Scan et BeamO, les deux principales nouveautés de Withings
Observer la progression de l’objectif de Withings, c’est un peu observer le paysage de la santé connectée dans son ensemble. Sa trajectoire et ses intentions. Démocratisées sur nos poignées, à nos pieds sur des balances, ou même via des bagues connectées, les technologies du secteur ne veulent plus passer pour les petits accessoires de geeks ou de bobo. Ils sont des outils de prévention, et seront demain une solution de télémédecine.
Une raison pour laquelle 2024 ne sera pas une année seulement rythmée par de nouvelles montres chez Withings. « Nos deux principales nouveautés de l’année sont le BeamO et le U-Scan », déclare Elizabeth Coleon dans un entretien avec 01net. Le BeamO, le dernier appareil présenté au CES de Las Vegas, est un « multiscope » à tout faire, qui doit remplacer nos traditionnels thermomètres à la maison, ceux qui nous permettaient de savoir si nous étions malades ou non.
Un « appareil facile à utiliser et qui s’intègre bien dans la vie », commente la responsable. Contrairement à une montre, il aura un format plus traditionnel à ce que l’on emporte dans nos trousses médicales, pour intéresser un public de tout âge, qu’il soit familier des nouvelles technologies ou non. U-Scan, l’autre grande nouveauté, suit la même logique. Il est un appareil d’analyse d’urine, à installer sur ses toilettes.
L’idée est aussi de pouvoir aller explorer d’autres mesures. U-Scan veut approfondir ce que font les balances connectées au regard de l’alimentation, et ce que font les dernières montres au regard des cycles menstruels. Ensuite, ce sera l’heure d’aller regarder « autour du coeur et des diabètes », nous confie Elizabeth Coleon, qui ajoute dans l’intention de Withings : « On aimerait pouvoir détecter les maladies chroniques plus vites, et éventuellement les résoudre. »
Dans un rapport du Conseil National de l’Ordre des Médecins datant de 2015, lorsque la santé connectée n’était alors qu’à ses débuts, on imaginait forcément l’idée de développer des technologies encore plus miniaturisées, « intégrés au corps, à l’instar des lentilles qui mesurent le taux de sucre dans le sang ou du patch électronique greffé sous la peau qui analyse les signes vitaux ». Une direction qui ne serait pas au goût du jour chez Withings. Du moins « pas dans les prochaines années » nous confirme la responsable.
Withings ne veut pas d’une bague connectée
Le sujet ne lui a pas échappé. Avec l’arrivée de Samsung sur le marché des bagues connectées, Withings est curieux, et surveille. « On les regarde, c’est intéressant, notamment pour le suivi de sommeil. Mais pour ceux qui font du sport, notamment des sports de raquette, c’est tout de suite plus compliqué », nuançait la responsable. « Le format n’est pas aussi compatible avec des activités qu’on pourrait le croire. On reste donc attentif au sujet, mais on ne voit pas cette solution comme étant plus intéressante que nos montres », ajoute-elle.
Les marques sont pourtant de plus en plus nombreuses. Parmi elles Oura et sa populaire Oura Ring 3, mais aussi un acteur français comme Circular avec sa Circular Ring Slim. Des fabricants de montres ont aussi cédé à la convoitise, comme Ice-Watch avec la Ice Ring. Une concurrence que Withings voit pour le moment d’un bon oeil : « c’est le signe que les gens reconnaissent l’importance de la santé connecté pour la prévention. Il y a clairement un marché, mais le marché global est grand et il y aura de la place », indique Elizabeth Coleon.
« Pas sûr qu’il ne soit au même rang que celui des montres » d’ailleurs, explique-t-elle avant d’ajouter qu’il reste « difficile de pouvoir intégrer dans une bague tout ce que l’on intègre dans une montre ».
La ScanWatch, d’ailleurs, n’a pas prévu de passer à un écran plus grand, façon Apple Watch. « Nous ne voulons pas d’une technologie qui nous dérange tout le temps. Et puis c’est important pour nous de proposer quelque chose de joli, quelque chose que l’on a envie de porter tout le temps, pendant plusieurs années. Sans se poser la question non plus de la recharge », détaille la responsable marketing.
Négociation directe avec le gouvernement « pour la Sécurité sociale »
Malgré tout, pour faire du beau, il faut parfois payer le prix fort. En 2021, Withings proposait pour la première fois une montre au prix de 500 euros. Trois ans plus tard, et après une hausse des prix de ses appareils de 20 à 30 euros suite à l’inflation, Withings lançait une nouvelle montre au prix de 600 euros.
Soulevé par le Conseil National de l’Ordre des Médecins, la notion d’un creux des inégalités avec l’arrivée de la santé connectée n’est pas un mensonge. Même si le renforcement de la prévention ne peut être qu’une bonne nouvelle pour éviter de tomber dans des maladies chroniques parfois impossibles à guérir, s’équiper de tels objets peut vite être cher, et privilégier certains au détriment des autres, au niveau des assurances.
Mais Withings ne semble pas voir cela du même oeil. « Aux États-Unis, six personnes sur dix ont une maladie chronique et quatre sur dix en ont deux. Face aux complications, le système de santé américain ne pourra pas suivre ». Quant à la France, la marque confirme être « en négociation directe avec le gouvernement pour faire quelque chose avec la Sécurité sociale ».
Il faudra pourtant prendre en compte les risques, avec les assureurs du privé, que les partages de données de santé ne transforment pas l’avancée en matière de prévention en un changement qui entraînera des gagnants et des perdants. Un risque qui avait été soulevé en 2015 dans le rapport du Conseil National de l’Ordre des Médecins. Lors de notre entretien, Withings ne s’est pas attardé sur le sujet.
Le tout premier partenariat avec une assurance a été signé le mois dernier. C’est PRO BTP, une complémentaire santé spécialisée dans les employés, apprentis et retraités du milieu du bâtiment, qui a ajouté dans son offre une nouvelle option intégrant un appareil Withings. Pour 8 euros de plus par mois, l’assureur fournit une balance connectée Body Comp. Les données mesurées sont partagées ensuite avec une équipe paramédicale, qui se réserve le droit de contacter l’adhérent en cas de problème détecté.
Tests cliniques et attente de validation réglementaire
Fort heureusement, la santé connectée s’est très vite retrouvée encadrée. Les brevets protègent les technologies et les entreprises, et les instances réglementaires protègent les utilisateurs. En plus d’un besoin de protection des données, les acteurs du marché doivent veiller aux risques de dysfonctionnement des produits et des vulnérabilités de leurs logiciels. Pour les gendarmes, l’importance d’enquêter aussi face aux tromperies sur la finalité des dispositifs médicaux.
« Oui, on a des contrôles très réguliers pour vérifier tout ce qui est réglementaire pour les dispositifs médicaux. On est réglementés sur ce que nos produits peuvent faire et ne pas faire. Certaines technologies que nous aimerions pouvoir intégrer ne le sont pas encore pour cette raison : nous devons d’abord passer par des tests cliniques et avoir la validation réglementaire », confirme Elizabeth Coleon.
Comme d’autres, Withings s’est déjà retrouvé freiné par ces processus. C’est toujours le cas aux États-Unis avec la FDA (Food and Drug Administration), qui n’a pas encore donné son feu vert pour la certification du suivi de sommeil, et notamment de la fonctionnalité de détection d’apnée du sommeil. La demande est en suspend depuis 2019. D’autres sont dans l’attente aussi, comme Apple, qui se voyait forcé de désactiver le capteur d’oxygénation du sang dans son Apple Watch aux États-Unis.
L’analyseur d’urine U-Scan, présenté il y a plus d’un an au CES de Las Vegas 2023, n’est toujours pas sorti sur le marché non plus. Le retard serait aussi lié aux processus de certification réglementaire, même si sur son site, Withings précise de façon claire que son appareil n’est pas un dispositif médical. Selon la marque, BeamO et U-Scan seront lancés dans le second semestre, et de premiers clients pourront tester l’analyseur d’urine au cours du premier semestre.
Quant aux brevets, Withings se réjouit : « c’est quelque chose où l’on investit pour se protéger, et nous nous montrons actifs si un autre acteur enfreint l’un de nos brevets », explique la responsable marketing avant d’ajouter qu’à leur manière, « les études cliniques et les validations réglementaires sont aussi une autre façon de nous protéger ». Sur son site, jusqu’en 2021, la marque française avait pris l’habitude de partager toutes les publications et études dans lesquelles des appareils Withings avaient été utilisés, y compris à Harvard.
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c’est bien tout ça, mais pas de service après vente
C’est en effet le talon d’Achille de Withings. Si la montre ne fonctionne plus après la fin de la garantie, on vous dit de la jeter et d’en acheter une autre. J’ai moi-même vécu cette expérience.
Je suis très intéressé par vos informations nouvelles. Je suis actuellement porteur d’une montre de votre marque et en suis satisfait, mais la suite m’intéresse..Merci.
C.Nebiolo
L aprés vente de withings est rudimentaire; ainsi pendant plu d’une année il a été impossible de se procurer un chargeur pour certaines montres connectées ancien modéle.
D autre part, la connection avec un appareil téléphonique est lente; la prise de ecrocardiogramme est difficile. La cherge ne dure pas un mois.
Après 3ans d’usage, la grande aiguille de ma scanwatch s’est désolidarisée durant mon sommeil Il faut savoir qu’il n’est, selon Withings, pas possible de réparer ce type de montre (dispositif médical, …). Du coup çà fait cher à l’année, même si pour le reste (hormis l’appli) elle donne plutôt satisfaction.
Une fois l’objet vendu, les applications ne sont pas disponibles (Withings Nova utilise les applications ScanWatch 2!) et sont souvent buguées. Les pièces de rechange sont indisponibles (chargeur Nova). En revanche les factures pour withings+ (On ne sait pas ce que ça fait et comment c’est arrivé) arrivent comme par miracle.
Bref : gros moyens sur les ventes mais peu sur les logiciels, l’après-vente et les pièces de rechange.